Annelies De Rouck, success-story à la belge au coeur de New York

Elke Lahousse
Elke Lahousse Journaliste

En débarquant à Manhattan il y a huit ans, la créatrice Annelies De Rouck ne pensait pas y vivre si longtemps. Elle y a finalement fondé sa marque de maillots de bain, Seilenna, et ouvre ce mois-ci une première boutique à Long Island. Elle nous fait visiter sa ville d’adoption.

Lorsqu’Annelies De Rouck pose ses valises à Big Apple, en 2008, pour devenir responsable de licence de marque pour le créateur Karl Lagerfeld, elle imagine y rester tout au plus cinq ans. A son arrivée aux Etats-Unis, Barack Obama est en passe de succéder à Bush et de prendre les rênes du pays. New York est alors en pleine crise et l’ambiance de travail très compétitive. Quant au système américain de sécurité sociale, il n’est en rien comparable à l’européen.

Annelies De Rouck, sous le regard de Cindy Sherman, au Musée Whitney qu'elle affectionne tout particulièrement.
Annelies De Rouck, sous le regard de Cindy Sherman, au Musée Whitney qu’elle affectionne tout particulièrement. © Bart Heynen

Huit ans plus tard, notre compatriote vit pourtant toujours là-bas. « Je pensais rentrer en Belgique vers le début de la trentaine car cette métropole est vraiment très remuante. Mais l’envie de créer mon propre label a surgi il y a trois ans », résume la jeune femme dont la griffe, Seilenna, est désormais disponible aux quatre coins du monde via seilenna.com et goop.com, le site Internet de Gwyneth Paltrow. Chez nous, elle est vendue à Anvers, chez Graanmarkt 13. « Les Américains ne craignent pas l’entrepreneuriat car un job de salarié ne garantit aucune sécurité d’emploi ici, relève-t-elle. Créer mon entreprise m’a permis de m’entourer de personnes partageant les mêmes valeurs et la même éthique de travail que moi. Cela me permet désormais de vivre et de bosser avec plaisir dans ce pays. » Pour nous, la New-Yorkaise d’adoption a accepté de partager un peu de son quotidien et de dévoiler les boutiques, restaurants et autres lieux préférés de son quartier.

Que voyez-vous à travers la fenêtre de votre appartement ?

De magnifiques entrepôts anciens. Je suis installée à NoHo, au nord de SoHo, dans un bâtiment réalisé par les architectes suisses Herzog et de Meuron. La façade en verre me permet de vivre au plus près de l’agitation de la rue et de bénéficier d’une magnifique lumière tout au long de la journée. Il s’agissait d’un quartier d’artistes jusqu’à il y a peu. Patti Smith, Robert Mapplethorpe, Andy Warhol et Jean-Michel Basquiat y ont vécu. Mais la gentrification a transformé l’endroit ces dernières années. Bond Street, où j’habite, est une des dernières rues pavées de Manhattan. On y trouve un joli mélange d’édifices anciens aux façades en fonte et de bâtisses contemporaines. Mais à l’avenir, je séjournerai davantage à Bellport, sur Long Island, car j’y ouvre ma première boutique. La maison que j’y louerai appartient à Isabella Rossellini, que j’ai rencontrée grâce à une amie commune. Là, je veillerai sur sa ferme biologique, qui compte trente hectares de bois, de ruches, de potagers et de nombreux animaux.

Annelies De Rouck, success-story à la belge au coeur de New York
© Bart Heynen

A NoHo, où aimez-vous flâner le dimanche ?

Je brunche généralement chez Vic’s puis je prends une glace au salon vintage Morgenstern avant de rejoindre le Washington Square Park pour un bain de foule et écouter de la musique live.

Votre adresse préférée pour un petit-déjeuner…

J’aime beaucoup Lafayette pour ses pâtisseries, son café et son pain maison mais aussi parce que le soleil du matin y pénètre à flots, à travers de grandes fenêtres.

Et pour un bon dîner ?

Chez Il Buco, un classique romantique où il est plus que jamais préférable de réserver. J’aime m’asseoir au bar, où se posent les gens du coin. Dimes, sur Canal Street, est également un must pour manger sainement en compagnie de créatifs de tous bords. Le décor et l’ambiance me rappellent Berlin.

Quelles boutiques recommanderiez-vous pour un cadeau ?

Paula Rubenstein, un magasin d’antiquités dans lequel on trouve des objets très cool de la culture pop américaine, et Dashwood Books, un incontournable pour les amateurs de bouquins d’art et de photographie. The Strand Bookstore est aussi une institution qui ouvre tard. C’est l’un des premiers endroits dans lesquels je me suis rendue à New York. Quant à Blick Art, il s’agit d’une adresse fantastique pour artistes amateurs ou expérimentés. Je suis dingue de leur sélection de papier origami japonais.

Où prendre un bon café ?

Chez Gasoline Alley. Je recommande le cortado accompagné d’un donut au dulce de leche.

Et côté mode, quels sont vos spots ?

Phillip Lim possède une magnifique boutique qui n’est jamais bondée sur Great Jones Street. Il y a aussi celle d’A.P.C. sur Bond Street, joliment décorée. Pour les hommes, je conseille la CHCMSHOP.

Vue depuis la High Line
Vue depuis la High Line© Bart Heynen

Où emmenez-vous systématiquement votre famille ou vos amis lorsqu’ils vous rendent visite ?

Au nouveau Musée Whitney et sur la High Line. Cette dernière est plutôt touristique mais la perspective sur la ville est unique. De superbes galeries d’art bordent chaque côté de cette passerelle. Une balade en vélo à Fort Greene, mon ancien quartier de Brooklyn, est aussi très chouette. On y trouve de jolis parcs et des restaurants où l’on peut déjeuner tranquillement au jardin.

Qu’est-ce qui vous réjouit ce printemps ?

Passer du temps dans la maison de Bellport et ouvrir ma première boutique Seilenna ! Il s’agira d’une enseigne multimarques et outre les maillots de bain, les tenues de plage et les sandales de mon propre label, je proposerai des vêtements, des accessoires et des produits de soin siglés Ulla Johnson, Marlow Goods, Industry of All Nations et Drunk Elephant. Ce sont des griffes d’amis créateurs dont la philosophie d’entreprise est semblable à la mienne, c’est-à-dire orientée vers l’éthique sociale et la protection de l’environnement. Nous y proposerons aussi des fleurs cultivées localement et le miel d’Isabella Rossellini, ainsi qu’une sélection de livres et de magazines de niche. Un coffee shop y prendra par ailleurs place. Cette expérience me réjouit et je suis impatiente de rencontrer personnellement mes premiers clients !

Pourquoi avoir fondé Seilenna ?

Après avoir travaillé pour Karl Lagerfeld pendant quelques années, j’ai rejoint une ASBL belgo-américaine mais la créativité du monde de la mode me manquait. Il y a trois ans, j’ai voulu revenir à mes premières amours, mais à certaines conditions seulement. Je n’avais pas envie de tomber dans le rythme effréné du secteur et de devoir concevoir quatre collections par année. Comme j’ai toujours aimé la lingerie et les maillots de bain et que je rencontrais souvent des difficultés à trouver des modèles à la fois jolis et adaptés à ma morphologie, j’ai eu l’idée d’en créer. Même le côté technique de ces pièces me fascine. Je suis très perfectionniste et obsédée par les détails. Mon modéliste a décelé un certain potentiel dans mes croquis amateurs et je dessine aujourd’hui moi-même les imprimés et le design.

Qu’avez-vous découvert sur New York que vous auriez aimé savoir avant votre départ ?

Cette mégapole vous stimule comme aucune autre n’est capable de le faire. Mais la pression, tant professionnelle que financière, est très élevée. Par conséquent, si vous ne savez pas très bien ce que vous voulez ou que vous êtes trop modeste pour vous démarquer, il vous reste deux options : partir ou booster votre croissance en cherchant par tous les moyens une façon ou une autre d’y parvenir. Bâcler son travail n’est pas envisageable, cette ville est trop chère et trop compétitive pour se le permettre. Je suis moi-même un peu trop « soft » pour New York. L’autopromotion est un pan difficile de mon métier mais tenter de parvenir au succès en employant une méthode plus subtile est un défi que je trouve passionnant. Ce serait l’occasion de prouver aux jeunes qu’il ne faut pas nécessairement jouer les requins pour atteindre son objectif. Passer du temps en dehors de cette ville est essentiel pour moi. Je suis au minimum deux à trois mois par an à Los Angeles, en Europe ou en Belgique.

Vous avez la nostalgie du pays ?

Ma famille et mes amis me manquent inévitablement mais aussi l’humour belge… et les biscuits Lu. Les Belges osent plus que les Américains et le politiquement correct n’est pas un must au plat pays. La communauté internationale n’a pas les yeux rivés sur cette petite nation – du moins lorsque l’actualité y est calme. Cela offre aux gens une certaine liberté et une envie d’expérimentation que l’on rencontre moins outre-Atlantique. Mais rentrer n’est désormais plus une option. Mon compagnon Jesse a un fils de 7 ans dont il partage la garde avec son ex-femme. Heureusement, nous avons ici des amis fantastiques qui rendent notre vie très agréable.

PHOTOS : BART HEYNEN

SES BONNES ADRESSES

– Vic’s, 31 Great Jones Street. http://vicsnewyork.com/

– Morgenstern, 2 Rivington Street. http://www.morgensternsnyc.com/

– Lafayette, 80 Lafayette Street. http://lafayetteny.com/

– Il Buco, 47 Bond Street. www.ilbuco.com

– Dimes, 49 Canal Street. http://dimesnyc.com/

– Paula Rubenstein, 21 Bond Street.

– Dashwood Books, 33 Bond Street. www.dashwoodbooks.com

– The Strand Bookstore, 828 Broadway. www.strandbooks.com

– Blick Art Materials, plusieurs adresses en ville. www.dickblick.com

– Gasoline Alley, 325 Lafayette Street. http://www.gasolinealleycoffee.com

– Philipp Lim, 48 Great Jones Street. www.31philliplim.com.

– APC, 49 Bond Street. http://usonline.apc.fr

– CHCMSHOP, 2 Bond Street. www.chcmshop.com

– Musée Whitney, 99 Gansevoort Street. http://whitney.org

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