Brioni: du cousu main face à la crise

© AFP/Vincenzo Pinto

Adresse attitrée de célébrités comme Donald Trump, le prince Andrew ou Nelson Mandela, la maison Brioni a pâti de la crise comme tout le secteur du luxe, mais elle continue de miser sur sa marque de fabrique: une production artisanale à 100% italienne.

A première vue, le principal atelier du groupe situé à Penne di Pescara (centre-est) ressemble à une usine, mais on n’y voit pas de machines.

Les coutières d’antan

Le site fourmille de 1.100 techniciens et couturières qui dessinent des patrons, découpent le tissu avec d’énormes ciseaux, cousent qui une manche, qui une boutonnière ou un ourlet, repassent, contrôlent ou emballent.
« Il nous faut 18 à 22 heures pour fabriquer un costume pour homme, parfois jusqu’à 48 heures (2 à 3 heures dans la confection industrielle). Personne ne fait ça, Brioni n’a pas de concurrent, sauf le tailleur dans sa boutique », explique à l’AFP Angelo Petrucci, 39 ans, chef des maîtres tailleurs.
Chaque veste Brioni nécessite entre 5.000 et 7.000 points de couture et passe entre les mains de 220 personnes, dont 80 phases de repassage.
« Même si nous travaillons à la main, on nous donne des délais précis, par exemple 15 minutes pour rembourrer une épaulette », note Clementina Litillo qui part en retraite à 57 ans après 40 ans de ce qui fut « une passion de jeunesse ».
Chaque veste a une « âme », sa doublure composée d’une toile de chameau, de poils de chèvre et de crins de cheval filés ensemble.

Le secret de Brioni

Le travail est plus compliqué qu’il y a dix ans, selon M. Petrucci, car les clients veulent des tissus toujours plus souples et fins. Brioni se procure donc un millier d’étoffes différentes par an, en Italie, Grande-Bretagne ou Belgique.
En montrant un immense veston pour un Japonais, ex-lutteur de sumo, M. Petrucci souligne: « Nous sommes capables de rendre minces les obèses, faire paraître grands les petits et même masquer les défauts osseux en insérant dans le vêtement toutes sortes de prothèses ». Au fil des ans, Brioni a constitué une gigantesque banque de données de ses clients.
Pour être un bon tailleur, « la sensibilité dans les mains est essentielle, donc il faut commencer très jeune car, après 20 ans, on ne peut plus l’acquérir », explique M. Petrucci, formé pendant 4 ans par l’école interne de Brioni où il est entré à 13 ans et demi.
Le secret de Brioni réside dans ce vivier de « petites mains » toutes originaires de cette région des Abruzzes.

La qualité a un prix

Les tarifs sont plutôt prohibitifs: de 5.000 euros pour un costume sur mesure à 30.000 euros pour un complet personnalisé. Mais cette maison familiale les a maintenus, y compris durant la crise qui a fait chuter son chiffre d’affaires (200 millions d’euros annuels) de 15% en 2009, dont -20% aux Etats-Unis.
« Un costume, ce sont des heures de travail avec des techniques datant parfois de 200 ans, et il peut durer 40 ans », souligne M. Petrucci.
Cette insistance sur le cousu main, la tradition et le refus de délocaliser est mise en avant par d’autres grands du luxe comme Hermès ou Gucci.
Ces dernières années, Brioni a diversifié sa gamme en offrant des lignes pour la femme et des vêtements de ville (jeans, polos…) qui représentent déjà 40% de ses ventes.
Mais la maison née il y a 65 ans Via Veneto à Rome, l’avenue symbole de la Dolce Vita dont elle a vêtu des stars comme Cary Grant ou Anna Magnani, séduit encore les acteurs (l’ex-James Bond Pierce Brosnan, Jack Nicholson) et de nombreuses autres personnalités pour lesquelles existe un service après-vente spécial.

« Pour Brioni, la réunion annuelle de l’ONU est comme un plébiscite. En 20 ans de carrière j’ai déjà connu une dizaine de chefs d’Etat ou monarques », se rengorge M. Petrucci, souvent réveillé en pleine nuit par le mail d’un client qui le réclame à son chevet pour une retouche.

VifWeekend.be, avec AFP

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