Ce que l’on doit à Pierre Bergé, mécène et ex-PDG d’Yves Saint Laurent

Pierre Bergé et Yves Saint Laurent © DR

Il incarnait à sa façon la mode française, dans l’ombre d’Yves Saint Laurent. Pierre Bergé a tout mis en oeuvre pour que brillent l’homme, sa maison et ses créations. Ce que l’on doit à ce mécène d’un autre temps.

Pierre Bergé et le futur de la maison Saint Laurent

Depuis le début, Pierre Bergé a assis la pérennité de la maison. En construisant les fondations solides de cette aventure mode qui débuta par un défilé haute couture en janvier 1962. Et en donnant sa bénédiction aux nouveaux directeurs artistiques qui prirent la succession d’Yves Saint Laurent (1936-2008). Tel Anthony Vaccarello, depuis 2016. Dans notre numéro Black Mode du 25 août dernier, le créateur belge raconte qu’il a d’emblée voulu rencontrer Pierre Bergé. Aux côtés du président la fondation qui porte son nom et celui de Saint Laurent, il a visité les archives maison.  » Je trouve cela essentiel d’être connecté avec le passé de la maison pour pouvoir créer et avancer, cela aurait été très étrange de ne pas commencer par cela. C’était impressionnant et stressant mais monsieur Bergé est tellement franc et direct, on voit tout de suite à qui on affaire, il n’y a pas de faux semblant et cela s’est très bien passé. C’était même émouvant, il raconte véritablement les robes et l’on voit briller dans ses yeux cette émotion, ce souvenir, chacune signifie tant… c’est la plus belle façon d’entrer dans ces collections. « 

Pierre Bergé et les fondations d’une griffe

Les archives de la maison de mode Yves Saint Laurent
Les archives de la maison de mode Yves Saint Laurent© Luc Castel

Une obsession, dès les premiers jours. A tel point que la maison Saint Laurent se constitue des archives soigneusement répertoriées, indexées, classées, conservées s’inscrivant ainsi dans une histoire muséale. Sur certains de ses croquis conservés à la Fondation, on découvre de la main du créateur une petite annotation qui précise que cette silhouette est digne du musée YSL, lequel à l’époque n’existe pas, on est aux balbutiements de la griffe qui n’a pas encore lancé son prêt-à-porter. L’idée de s’offrir un tel lieu a toujours trotté dans la tête de Pierre Bergé. Il ne sera forcément pas là pour l’inauguration officielle de ses deux projets pharaoniques : le 3 octobre à Paris et le 16 octobre à Marrakech, les deux musées Yves Saint Laurent ouvriront leurs portes. Près de 5 000 vêtements de haute couture, 15 000 accessoires et des dizaines de milliers de croquis, planches de collections, photographies, articles de presse et documents divers mis en valeur pour  » témoigner de son génie « . A Paris, au numéro 5 de l’avenue Marceau, le musée occupe la maison de couture historique où sont nées durant près de 30 ans, de 1974 à 2002, les créations de Saint Laurent. A Marrakech, près des Jardins de Majorelle, rue Yves Saint Laurent, l’autre musée prend racines dans une terre marocaine qu’ils avaient découverte à deux dès 1966.

L'autre musée dédié au créateur de mode ouvrira ses portes le 16 octobre, à Marrakech
L’autre musée dédié au créateur de mode ouvrira ses portes le 16 octobre, à Marrakech© Archives Yves Saint Laurent

Pierre Bergé et Marrakech, les ailes de Saint Laurent

Le jardin luxuriant de Majorelle, à Marrakech, une oasis sauvée d'une disparition certaine grâce à Bergé et Saint Laurent
Le jardin luxuriant de Majorelle, à Marrakech, une oasis sauvée d’une disparition certaine grâce à Bergé et Saint Laurent© Isopix

En 1966, le couple tombe amoureux de la ville, de l’odeur du jasmin et du Jardin botanique créé par le peintre Jacques Majorelle et qu’ils sauveront d’une disparition certaine en 1980. Dans une Passion marocaine, paru aux éditions de la Martinière (2010), Pierre Bergé raconte :  » Nous fûmes séduits par cette oasis où les couleurs de Matisse se mêlent à celles de la nature.  » Le choc fut esthétique. Et bouleversant. C’est là que Saint Laurent comprend son essence : sa palette chromatique est celle des zelliges, des djellabas, des burnous, de la terre ocre et de la luxuriance du jardin Majorelle. Il fait siennes les audaces de ces contrastes ardents, il se les approprie et réinvente la djellaba, le jabador et le saroual, signant des silhouettes qui portent sa griffe nourrie de ses visions aucunement exotiques. Chaque année, le 1er décembre et le 1er juin, ils s’installaient dans la médina, dans leur Dar el-Hanch, la maison du serpent, pour qu’Yves puisse dessiner sa collection de haute couture, de préférence en caftan virginal. Entouré de ses muses Loulou de la Falaise, Betty Catroux et Talitha Getty.

Pierre Bergé, le pionnier du mécénat

Il avait une façon certaine de détecter le talent des autres et le sien, de talent, était de les porter afin qu’il éclose. En 1950, Pierre Bergé rencontre Bernard Buffet, il a 22 ans, il est riche, beau et son nom est sur toute les lèvres. Le jeune peintre signe des autographes, fait la une de Paris-Match, de Newsweek et du Times et épaulé par son amour expose  » Cent tableaux  » en une rétrospective de toiles réalisées entre 1944 et 1958, qui attire plus de cent mille personnes. Buffet est au sommet de sa gloire, il a trente ans, Pierre Bergé le quitte pour Yves Saint Laurent. Avec lequel il jouera de même les pygmalions de l’ombre.

Pierre Bergé, le militant de la cause homosexuelle

Pierre Bergé participe en 1994 à la création de l’association aujourd’hui appelée Sidaction, qui lutte contre le Sida et est l’une des plus actives en Europe. Il en était toujours le président jusqu’à ce jour. Une cause qui lui tient à coeur, puisqu’une partie du résultat de la vente d’oeuvres d’art de la collection Yves Saint Laurent – Pierre Bergé, qui a rapporté en février 2009 près de 375 millions d’euros va à la recherche contre cette maladie.

Celui qui fut aussi pendant des années propriétaire du magazine gay Têtu et soutient des associations comme SOS Racisme et Act’Up Paris a également produit le film 120 battements par minutes, qui décrit la lutte des militants d’Act’Up, une des associations qu’il soutient activement. Un long-métrage qui a reçu le Grand Prix du dernier festival de Cannes et est à l’affiche actuellement.

Derrière la façade du numéro 5 de l'avenue Marceau, le Musée Yves Saint Laurent ouvrira ses portes ce 3 octobre, à Paris
Derrière la façade du numéro 5 de l’avenue Marceau, le Musée Yves Saint Laurent ouvrira ses portes ce 3 octobre, à Paris© Archives Yves Saint Laurent

Par Catherine Pleeck et Anne-Françoise Moyson

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