Ce que le cas Lacroix révèle

Le redressement judiciaire de la maison Lacroix symbolise les problèmes que le luxe traverse aujourd’hui. Les leçons à en tirer.

Le redressement judiciaire de la maison Lacroix symbolise les problèmes que le luxe traverse aujourd’hui. Voici les leçons à en tirer.

Placée le 2 juin en redressement judiciaire par le Tribunal de Commerce de Paris, la maison Christian Lacroix suscite des interrogations. « Je n’arrive pas à comprendre comment cette entreprise a pu perdre de l’argent aussi longtemps » s’étonne Nicole*, un investisseur spécialisé dans la mode. Face aux chiffres – 10 millions d’euros de pertes en 2008 pour un chiffre d’affaires de 30 millions, l’entreprise n’ayant jamais été rentable en plus de 20 ans d’existence – comment personne n’a-t-il en effet pu corriger la situation plus tôt?

Damien Yurkievich, frère du créateur Gaspard Yurkievich et PDG de la griffe, apporte son point de vue sur la question: « L’entreprise Christian Lacroix est tombée dans le piège classique de la maison soutenue trop tôt. Fondée en 1987 avec l’aide de LVMH, elle n’a jamais vraiment eu à se confronter à la réalité économique. » Le créateur n’a par ailleurs jamais eu l’opportunité de trouver son gestionnaire idéal alors que « la connivence entre un créateur et son bras droit financier est l’une des clés de réussite d’une entreprise de mode. » poursuit Damien Yurkievich.

Ensuite, la liste des choix stratégiques hasardeux est longue. Après l’acquisition de l’entreprise en 2006, les frères Falic ont ainsi privilégié un développement aux Etats Unis, l’un des pays aujourd’hui les plus durement touchés par la crise. L’entreprise se focalise en outre sur la haute couture, segment pourtant traditionnellement déficitaire, au lieu de développer une ligne d’accessoires rentable. « Les investissements successifs de LVMH et de Falic ont le mérite d’avoir développé un imaginaire de marque fort » souligne Nicole. « Le problème, c’est que ça ne suffit pas: un financier regardera avant tout le retour sur investissement. »

Les créateurs des générations suivantes sont-ils mieux armés pour assurer la pérennité de leur activité? « Je trouve toujours étrange que les écoles de stylisme ne préparent pas plus efficacement leurs étudiants à la gestion » constate Damien Yurkievich. Nicole se montre plus optimiste: « Les jeunes créateurs d’aujourd’hui sont plus dans une logique de création d’entreprise. Ils sont donc particulièrement impliqués dans la constitution de leur business model. » Les mésaventures de leurs ainés les auront avertis des risques encourus.

Dans tous les cas, la crise ne doit pas toujours être perçue comme un frein au développement. Chez Gaspard Yurkievich, son impact est même plutôt positif: « Avant la crise, les prix de vente des produits de mode avaient tendance à s’envoler. Nous avons toujours refusé de nous engager dans cette voie. Aujourd’hui, notre positionnement sur le créneau du luxe accessible s’avère payant » se réjouit Damien Yurkievich.

Géraldine Dormoy, Lexpress.fr Styles

*Le prénom a été modifié

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