Christian Dior raconté par son mannequin cabine

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Victoire se souvient du couturier à l’occasion de la réédition de l’autobiographie Christian Dior et moi.

« Petite (1,63 mètre) », « Ne sachant pas marcher », « Très brune », « Trop brune », « Mauvais genre », « Faisant insulte à la clientèle »… Que n’a-t-elle entendu, à ses débuts, quand elle s’appelait encore Jeanne! Nous sommes en 1953, elle a 18 ans, semble donc cumuler les handicaps, et pourtant Christian Dior l’engage. «  »Comment vous appelez-vous, mon enfant? » m’a-t-il demandé dès qu’il m’a vue », raconte aujourd’hui celle que Dior rebaptise vite Victoire.

Elle l’a eu au charme, lui apportant « un petit air Saint-Germain-des-Prés », comme il le confia plus tard. Un côté Juliette Gréco, odalisque orientale qui n’avait pas sa langue dans sa poche et qui, la nuit venue, s’en allait faire la fête avec Yves Saint Laurent et Karl Lagerfeld lors de virées « euphoriques » au Fiacre, un bar de garçons. D’ailleurs, nous confie encore Victoire dans les salons de la maison Dior, avenue Montaigne, « je lui faisais penser aux jeunes garçons marocains qu’il trouvait si beaux ».

En ce début des années 1950, elle est « mannequin cabine », et défile dans les salons de couture chaque jour, entre 15 et 17 heures, entre Véra, la Brésilienne, et Denise, la brune aux yeux verts. « Je pensais que je n’avais aucune chance! » Elle aussi cependant joue de son physique aux mensurations irréelles, 90-48-90 centimètres (« a busty look », disent les Américains), et devient ce que l’on appelle alors « un mannequin vedette », intéressée aux ventes des robes.

« J’aimais mes robes, je voulais qu’elles triomphent. Il fallait les faire virevolter dans de tout petits salons de couture, à moins de 50 centimètres des clientes. Savoir créer la surprise en faisant éventuellement glisser délicatement une étole. Mais surtout pas un seul regard aux clientes! » Ni aux hommes, assidus au spectacle, comme Cocteau, ami du couturier.

Au milieu des années 1950, son mari, Roger Thérond, alors rédacteur en chef de Paris Match, lui rapporte un jean des Etats-Unis. « Tollé général dans les salons de couture! se souvient-elle. Monsieur Dior lui-même m’a dit « C’est une honte! » avant d’ajouter « Vous auriez fait un charmant jeune homme » »…

Après la mort de Christian Dior, en 1957, Victoire rejoint Yves Saint Laurent et devient directrice des salons de la maison jusqu’en 1964. YSL, qui la surnommait sa « muse merveilleuse », disait aussi: « Si je m’étais marié, c’est Victoire que j’aurais épousée. » Quant à Christian Dior, il lui dédicaça son livre ainsi, en 1956: « Pour ma petite Victoire, qui a su si bien mériter son prénom. »

Katell Pouliquen

Christian Dior et moi, par Christian Dior, éditions La Librairie Vuibert, 218 pages, 22 euros.

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