Comment porter le sportswear sans faux pas ?

Sportswear © Alessandro Lucioni
Isabelle Willot

Loin d’être relégués à la salle de fitness, le pantalon de jogging, le sweat à capuche et la casquette de king de la NBA, déclinés en version luxe, tiennent désormais le haut du pavé urbain. Entre coolitude assumée et tenue négligée, le risque de fashion faux pas est à son maximum.

N’en déplaise à Karl Lagerfeld qui décrétait, il y a peu encore, que le pantalon de jogging était  » un signe de défaite « , ce précept n’est plus suivi par les gardiens zélés de la fashion police. Les sweatpans – littéralement les  » pantalons de transpiration  » – sont désormais de sortie, surtout depuis qu’ils squattent, en version velours, cuir ou simili, voire simplement en molleton gris mais de qualité premium, les catwalks des grands noms du luxe. En quelques saisons, ce basique, uniquement porté – et encore… – pour refaire le match entre potes ou aller chercher les croissants du dimanche, est devenu l’une des pièces les plus ambitieuses du dressing de tout jeune cadre de start-up qui se respecte. L’une des plus téméraires aussi, tant le fashion faux pas en matière de sportswear est à portée de sneakers…

La tendance en elle-même n’est pourtant pas neuve. Dans les années 1960, certains articles destinés aux athlètes sortaient déjà courageusement du sac de sport.  » La mode est d’abord venue des campus US, où les étudiants portaient des sweats à l’effigie de leur université, rappelle Rody dit « le roux de secours », l’un des rédacteurs de l’influent blog Homme Comme un camion. Les sneakers, ensuite, sont devenues le symbole de la culture hip-hop : les arborer en ville, c’était pour les jeunes des quartiers une manière d’afficher leur refus des conventions, à l’instar de ce que le mouvement punk avait pu faire en détournant des attributs bourgeois, dont les bretelles par exemple. Cette fois, ce sont les codes du sport qu’ils se sont appropriés.  » Une lame de fond qui, depuis que les gars du groupe RUN-D.M.C ont enfilé leurs Adidas sans lacets, n’a rien perdu en intensité.

Ce succès, Daniel Abelew, responsable des achats chez Bouvy, à Bruxelles, l’explique par l’explosion de l’offre, qui ne provient plus uniquement des équipementiers, mais également par le confort que procurent de telles pièces.  » Il est évident que l’on se sent plus à l’aise en jogging que dans un costume cintré, ironise-t-il. Mais ça n’a pas du tout la même gueule. Si l’on veut avoir de l’allure avec des vêtements sportswear, le décalage est essentiel. Et c’est cela qui est assez nouveau. Avant, les hommes s’habillaient en complet monochrome et se contentaient d’assortir la couleur de leurs chaussures à celle de leur mallette ! Aujourd’hui, sera looké celui qui osera le mélange des genres.  » Avec tous les risques que cela peut comporter…  » En la matière, il y a deux écoles, note Rody. La jouer à fond, avec du logo partout, pleinement assumé de la tête aux pieds. Ou y aller par petites touches pour décontracter la tenue. Ce que l’on appelle le sportswear habillé.  » Reste, dans les deux cas, à savoir jusqu’où pousser le curseur. Question, sans doute, de confiance en soi.  » Si l’on se sent bien dans son look, cela se voit, conclut Daniel Abelew. Ça implique aussi d’investir dans quelques bonnes pièces. Les matières et la qualité de la coupe feront la différence. Dans un jogging trop large ou trop long, on aura toujours l’air d’un sac.  » Karl Lagefeld n’aurait pas dit mieux…

LE JOGGING

Tim Coppens
Tim Coppens© IMAXTREE/SDP

Pièce à haut risque, ce pantalon ne se porte certainement pas  » baggy  » – évitez à tout prix un entrejambe trop bas qui donne immédiatement une impression de négligé – et sera de préférence serré aux chevilles et pas trop long. Ici aussi, c’est le choix des matières qui fera la différence. Un coton moucheté, une flanelle grise, un cuir ou assimilé et le doute n’est plus du tout permis sur les intentions de ce futal hors normes : il s’agit bien d’un néo-pantalon et pas d’un attribut de salle de fitness. Surtout si la taille n’est pas élastique, voire comble du smart, s’il est doté d’une braguette ! Aux pieds, les sneakers s’imposent, montantes si possibles, sauf si l’on est trop petit car cela tasse la silhouette. Plutôt  » lifestyle  » aussi, si on les choisit chez un équipementier, les grandes pointures ayant tout intérêt à opter pour un modèle léger à la Yeezy. Avec cela, oui à la chemise, à condition qu’elle soit en jeans, sans quoi le clash formel-informel sera trop important. Rien de tel au-dessus qu’un blouson en cuir ou un bomber en laine, avec col en fourrure.

Le clin d’oeil fashion

Terminer son look, en hiver, avec une belle écharpe et une paire de gants, voire carrément une casquette… en laine.

LE SNAPBACK

Valentino
Valentino© IMAXTREE/SDP

Si l’accessoire finit la silhouette, ce couvre-chef, réglable à l’arrière comme son nom l’indique, sera réservé à ceux qui n’ont pas peur de se faire remarquer. Bien sûr, les courants s’affrontent entre visière souple ou rigide et la plus plate possible. A l’inverse des sneakers qui s’accommodent même d’un costume, difficile ici de quitter totalement le registre casual pour le reste de la tenue. S’inspirer du hipster qui n’a pas encore dit son dernier mot semble donc une bonne option. Pour le coup, le tee-shirt vintage ou à motif peut être un allié de poids pour crédibiliser la chose. On peut par ailleurs se la jouer retour de fac avec un teddy, cette fameuse veste née sur les campus d’universités américaines. Pour la casquette même, plus pointue sera la griffe, plus l’homme marquera des points. Enfin, faut-il le préciser, s’abstenir, même pour rigoler, de tout modèle rouge qui dirait  » Make America Great Again « . Sous peine d’arrêt de mort stylistique assuré.

Le clin d’oeil fashion

Oser l’authentique modèle 9FIFTY des basketteurs de la NBA, mais jeter son dévolu sur un club inconnu au bataillon ou préférer, en version borough new-yorkais, le Queens à Brooklyn, déjà trop gentrifié.

LE HOODIE

Topman Design
Topman Design© IMAXTREE/SDP

Le sweat à capuche n’en serait jamais arrivé là sans le fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg. Grâce à l’anti-gourou du style – le king d’Apple, Steve Jobs, il est vrai, avait ouvert la voie avec ses New Balance aux pieds -, voilà donc le hoodie intronisé au rang de pièce maîtresse de l’uniforme des leaders de la nouvelle économie et de tout créatif qui se respecte. Avec lui, le bon plan, c’est de jouer sur la superposition de vêtements, en allant du plus fin au plus épais. Partir donc d’un tee-shirt, uni de préférence, en maille cachemire, pourquoi pas?, pour l’hiver, et oser par-dessus un manteau de type caban. Assortir avec un jeans brut ou un chinos et une belle bottine en cuir. Gare au fitting – laissez le XXL qui annonce son grand retour la saison prochaine aux plus audacieux – et à la forme de la capuche que l’on ne choisira pas trop pointue pour éviter de passer pour une caricature d' » hacktiviste  » d’Anonymous. La sobriété dans les couleurs et la taille du logo aident à monter en chic.

Le clin d’oeil fashion

Nouer la cordelette au ras du cou comme un lacet de chaussure à la manière des skaters : depuis que le label Suprême a relooké la malle Louis Vuitton, tout le monde sait ce que la mode leur doit.

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