Dans les coulisses de Gap

Associée à l’American way of life, la griffe créée en 1969 fête ses 40 ans et vient de confier ses collections au styliste Patrick Robinson. Visite à ses côtés du studio de création new-yorkais.

Perché dans un immeuble néoclassique près d’Union Square, son bureau fleure bon le garçon sain et organisé avec sa grande table en bois, ses coupes remplies de fruits secs et sa console tapissée de photos de famille. Chemisette kaki, jean, le sourire à fossettes rayonnant sous l’auréole de la coupe afro, Patrick Robinson attrape un café d’une main, son cahier à spirale de l’autre.

Ce matin, c’est jour de réunion pour le directeur artistique de Gap, et la soixantaine de stylistes du studio sont dans les starting-blocks. Normal, sa première collection vient d’être lancée mondialement dans les quelque 3 000 magasins de la marque américaine, qui fête cette année ses 40 ans.

Patrick Robinson, deux ans de plus au compteur, semble aborder avec gourmandise ce face-à-face. « Je ne puise pas mes idées dans un vieux film ou dans les livres. Ce qui m’intéresse c’est la manière dont les jeunes s’habillent, vivent au quotidien. C’est la rue qui m’inspire », s’exclame-t-il. Et celle-ci semble avoir entendu son message en plébiscitant ces dernières saisons le jean boyfriend et les néoblazers, premier pas vers la cool révolution de Gap selon Mr Robinson. Quarante ans après sa création, la griffe, qui fut dans les années Clinton l’ambassadrice planétaire du casual look à l’américaine avec ses tee-shirts sous vide et ses pantalons Cargo, change donc… en mettant pour la première fois un visage médiatique sur son nom.

Le protégé d’Anna Wintour

Peu connu en Europe, celui de Patrick Robinson a tout du sésame hype. Marié à Virginia Smith, rédactrice mode accessoire du Vogue américain, le jeune créateur est devenu le protégé de sa grande prêtresse, Anna Wintour (celle-ci a appuyé sa nomination en 2005 à la direction artistique de Paco Rabanne).

Auparavant, ce diplômé de la Parson’s School of Design de New York a travaillé pour Giorgio Armani et Anne Klein, avant de se faire remarquer en 2003 chez Perry Ellis. Sa mission chez Gap? Relancer le chiffre d’affaires du groupe (Banana Republic, Old Navy…) qui ne cesse de chuter depuis quatre ans. En cause: la concurrence des Abercrombie & Fitch, H&M et le rejet d’une mode trop basique.

Fini, donc, le studio de création de Londres qui imaginait en orbite de son grand frère new-yorkais des produits plus mode, adaptés au goût européen. Aujourd’hui, crise oblige, on pense à nouveau global. Du coup, la vingtaine de collections annuelles (Adulte, Body, Kids, BabyGap, Gap Maternity…) sont toutes dessinées dans la ruche de Big Apple. « Chez Paco Rabanne, je ne m’adressais qu’à quelques privilégiés, mais j’aime l’idée de travailler pour une société globale, de toucher le plus grand nombre », assène Patrick Robinson. On se risque à le croire en le voyant galvaniser ses équipes: une soixantaine de stylistes venus d’Europe, d’Afrique, de Corée, de Russie…

Leur âge moyen? Entre 21 ans et 36 ans… comme celui de la clientèle idéale de Gap. Pour l’heure, le studio femme s’active sur la collection été 2010, qui va compter environ 325 références (plus les déclinaisons couleur). Avec un temps de gestation de trois à quatre mois, le rythme est… infernal. « Leur job est plutôt amusant, tempère le patriarche Robinson. Il s’agit de s’intéresser à la musique, à la manière dont les gens de leur âge vivent, s’habillent et de s’en inspirer. Traditionnellement, l’automne raconte la manière dont les jeunes ramènent en ville un mode de vie imprégné de la plage. »

Ex-surfer

Un style côte Ouest que cet ex-surfer connaît bien. Né dans le sud de la Californie, il a 2 ans quand Donald et Doris Fisher ouvrent en 1969 à San Francisco une boutique exclusivement consacrée à la musique et au denim. Ils la baptisent « The Gap », en référence au fossé qui se creuse alors entre les générations. « Etant gosse, j’avais été frappé par la modernité de ces immenses espaces blancs et dépouillés façon galeries d’art. Cela annonçait le mode de vie décontracté d’une époque. Cette énergie, c’est ce que j’ai envie de retrouver chez Gap », confie-t-il. Sa recette pour y parvenir? Redonner du style aux classiques américains en les frottant à des inspirations plus cosmopolites (tee-shirts en soie, twin-sets chahutés de motifs folks…).

Le denim à l’honneur

Le plus mythique d’entre eux, le denim, a eu droit -anniversaire oblige- à un traitement de faveur. Avec Gap 1969, une édition limitée de pièces phares et d’accessoires (boots Pierre Hardy, casquettes Albertus Swanepoel) présentée fin septembre à Paris chez Merci. L’histoire denim se poursuivra d’ailleurs sur l’été 2010.

La couleur? Au sein du studio, une pièce entière lui est consacrée. On imaginait entrer dans le royaume du beige, blanc, gris. On pénètre dans un kaléidoscope popissime d’environ 2 000 teintes, archivées depuis six années. Même histoire pour les imprimés souvent exclusifs et plébiscités l’été dernier par la plus influente des clientes, Michelle Obama (la First Lady osait un tee-shirt à rayures et un cardigan à fleurs roses lors de sa rencontre avec Nancy Reagan).

Un premier parfum pour le printemps 2010

Mais la ruche Gap a d’autres projets en préparation. Notamment un premier parfum, Closer, attendu en France au printemps 2010. De nouvelles Design Editions, des pièces phares Gap (la chemise blanche, le pantalon Khaki) interprétées par les gagnants du concours organisé par le CFDA (Council of Fashion Designers of America) et le magazine Vogue. Ou en novembre une première collection enfant et bébé dessinée par Stella McCartney… Prudente, la marque montre ainsi qu’en matière d’ego créatif… l’union fait la force.

Charlotte Brunel, Lexpress.fr Styles

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