Dinie van den Heuvel: le vêtement comme obsession

Une collection automne-hiver 2017-2018 où il est question de fourmis philosophes, de skyline urbain et de tartan. © JOSEPHINA CARLIER / SDP

Esthétique dark romantique, exigence éthique, veganisme irréprochable, Infantium Victoria prend les enfants pour ce qu’ils sont : des petits d’Homme à respecter sur une terre qui se respecte. Ce qu’il faut savoir de ce label belgo-russo-allemand et de sa créatrice, Dinie van den Heuvel.

Un destin

Elle a beau ressembler à un elfe mutin et lumineux, elle a déjà presque mille vies derrière elle, la faute à cette exigence de connaissances, cette soif d’expérimentations qui l’ont toujours vue caracoler en tête, insatiable. Dinie van den Heuvel est née aux Pays-Bas, a grandi en Belgique, été muse et mannequin-cabine du créateur Jurgi Persoons, étudié la philosophie à Anvers et dans le même temps le moulage à Maastricht aux côtés du patronnier Hieron Pessers, qui l’engagea ensuite comme assistante, voilà pour ce cursus qui n’a rien ni de linéaire ni de scolaire.

Chez Dinie van den Heuvel, le vêtement est une obsession.
Chez Dinie van den Heuvel, le vêtement est une obsession.© Julien Claessens

La suite est du même acabit : en 2005, la jeune femme crée son atelier de patronage et de consultance à Lier, qu’elle baptise d’andt, adjectif en très vieux patois hollandais qui signifie  » fait main « , donne naissance à son fils Maurice, enseigne à Vienne, à Bâle, à La Cambre mode(s) – neuf années de  » suivi de collection  » qu’elle vient de clore en juin dernier -, à Genève et à Paris, où elle partage toujours ses savoirs avec les étudiants de la Haute école d’art et de design et de l’Institut français de la mode. Est-il besoin de préciser que le vêtement est chez elle une obsession, née quand elle avait 10 ans ? En classe, elle avait appris à fabriquer de ses dix doigts une poupée de chiffon – son double – qu’elle avait tenu à habiller, découvert ce qu’était un patronage et pensé que si cela fonctionnait pour son poupon, cela fonctionnerait aussi pour elle.  » Ma mère m’avait acheté une nappe à carreaux verte, j’ai coupé ma robe dedans, je l’ai portée toute l’année. « 

Les fondations

Dinie van den Heuvel: le vêtement comme obsession
© JOSEPHINA CARLIER / SDP

S’il faut un début à Infantium Victoria, on le trouve dans ce jour improbable où une Russe basée à Hanovre débarqua à Lier, au studio d’andt, pour commander le patron  » très spécifique  » d’une robe de danseuse du ballet de Moscou datée années 1920. Elle s’appelle Julia Gaydina, elle a de la suite dans les idées, six mois plus tard, elle revient voir Dinie van den Heuvel, lui confie qu’elle rêve de bâtir une marque pour enfant, qu’elle a trouvé en elle la créatrice parfaite pour dessiner la collection. Sa main, son atelier, son univers lui plaisent, mais à deux conditions : primo, que la collection soit noire, à 40 %, elle aime le romantisme dark, Dinie dit ok sans reprendre son souffle, c’est sa couleur ; deuxio, qu’elle soit bio et vegan,  » facile « , fanfaronne-t-elle un peu, c’est sa philosophie, qu’elle a déjà appliquée dans son job puisqu’elle réalise des uniformes  » sustainable « . L’impératif vegan par contre, elle n’avait pas imaginé que ce serait aussi compliqué, mais elle n’a pas dérogé au principe de base. Relever des défis, rien de tel.

Little humans

Dinie van den Heuvel: le vêtement comme obsession
© JOSEPHINA CARLIER / SDP

Est-ce parce qu’elle n’est elle-même pas très éloignée de ce royaume qu’elle comprend si bien ceux qui y trônent ? Dinie van den Heuvel sait que les mômes sont des  » little humans « , pas question pour elle de fonder une relation avec eux sur autre chose que le respect. Ce qui, traduit en vêtements, exige une qualité et une éthique irréprochables, une recherche en 3D, des finitions parfaites, des astuces qui rendent la vie simple, avec elle, pas de théorie en chambre, son fils Maurice est là pour la rappeler à l’ordre –  » Maman, s’il n’y a pas de poche, ce n’est pas pour les enfants.  » Voire :  » Je sais que tu aimes mais un enfant ne va jamais porter ça.  » Ajoutez à cela une envie de petits secrets qui émaillent robes, bombers, jupes et pantalons – ici et là, des poches taillées différemment pour mieux y glisser des cailloux, des petites voitures, des Kapla, des mini doudous, elles sont pensées de telle manière que quand on bouge, rien ne s’en échappe. Et partout, des inspirations jamais gnangnan, comme pour l’hiver qui arrive avec des fourmis philosophes en guest stars dans une broderie anglaise stylisée, un tartan qui vibre et la skyline de six villes, Paris, New York, Dubai, Moscou, Londres, Shanghai fondues les unes dans les autres par-delà les continents, brodée de telle façon qu’elle matelasse le coton bio, d’après une technique ancestrale en vogue dans la Chine du début du siècle passé sur laquelle elle est tombée à force de chercher.

Les carnets de Dinie

Dinie van den Heuvel: le vêtement comme obsession
© DEVON MARIE MCMANAMA

Quand elle parle de patrons, de calicot, de drapage et de matières qui emballent le corps, elle manie les concepts passant d’une langue à l’autre, néerlandais, anglais, français. Et si soudain elle est à court de mots, elle s’empare d’un crayon, griffe le papier du carnet qui ne la quitte jamais. Elle le feuillette comme on se dénuderait, voici l’état d’avancement de ses réflexions, une maison avec cheminée qui se mue en poche belle et fonctionnelle, un casse-tête à la manière d’un Rubik’s Cube qu’elle s’amuse à démêler, rien ne l’excite davantage. Des calepins de la sorte, elle en fait collection. Car Dinie van den Heuvel, depuis toujours, dessine les chambres, toutes les chambres, sauf la sienne, dans lesquelles elle dort, quelques traits d’un geste vif,  » juste pour me souvenir de la sensation ressentie « , avec, comme seule légende, le lieu et la date au gros crayon gras. De ceux que l’enfance chérit.

www.infantiumvictoria.com

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