La mode, c’est tout et son contraire

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Débuter la journée avec une conférence de presse très américaine consacrée à la quintessence du Japon, avec Rei Kawakubo (Comme des Garçons) en guest star. Quatre silhouettes rouges de sa main présentées sur buste dans les salons du Pavillon Vendôme annoncent l’exposition Art of the In-Between mise sur pied par The Costume Institute et The Metropolitan Museum of Art à New York dès le 4 mai. Il suffit de ces quatre vêtements pour comprendre combien elle a révolutionné la mode, donc un peu le monde. Elle est là, elle ne dit rien, se lève à la fin du discours d’Andrew Bolton le curateur et se prête si menue et toujours silencieuse à une séance de photo avec Anna Wintour, rédactrice en chef du Vogue US, la messe n’est pas encore dite. Il faudra faire le déplacement outre-Atlantique. Car on ne peut plus regarder les corps et ce qui les habille de la même manière depuis que cette créatrice hors normes a touché au vestiaire du XXè siècle.

S’asseoir ensuite sur des cubes en miroir pour regarder les silhouettes richissimes de Chitose Abe pour Sacai qui se suivent énergiquement sur le parquet du Salon d’honneur du Grand Palais. Il n’y a qu’elle pour travailler la maille ainsi, c’est d’ailleurs avec quelques pelotes de laine qu’elle a débuté son histoire de mode, c’était en 1999, elle avait suivi les conseils de Rei Kawakubo –  » sois originale « ,  » déroule ton idée jusqu’au bout « ,  » ne t’uniformise jamais « . Sa façon de mélanger les matières, de dérouter les lignes, de transformer un pyjama en costume, de donner du volume au dos et de poser des zips où cela lui chante lui permet d’inventer un style unique, à a fois désinvolte et sophistiqué, conceptuel et évident, ce qui en fait tout l’intérêt et le charme décalés.

Filer alors au Musée Bourdelle où Olivier Saillard, directeur du Palais Galliera, s’amuse élégamment à faire se répondre les statues du sculpteur Antoine Bourdelle et les robes noires du couturier Cristobal Balenciaga. Dior disait de lui que le vêtement était sa religion. Quand ses lignes sculpturales entrent dans votre champ de vision, pas moyen de rester de marbre. Tant de beauté émeut, de même sa volonté de montrer les nuques, de libérer les dos, de faire vivre cette couleur terriblement ibère, comme une matière vibrante. L’expo Balenciaga, l’oeuvre au noirtombe à pic, c’et exprès, pour célébrer les 100 ans de cette maison qui, avec Demna Gvasalia à la direction artistique semble ne pas oublier d’où elle vient et c’est tant mieux.

Entrer au Palais de Chaillot par la Place de Varsovie pour découvrir ce que Nadège Vanhee Cybulski, directrice artistique du prêt-à-porter féminin d’Hermès depuis 2014 a concocté dans le secret du studio et des ateliers de cette vénérable maison, à Pantin. Prenez les meilleurs cuirs au monde, les mains les plus expertes et des valeurs ancrées dans le temps, vous aurez des vêtements qui ont le sens de la discrétion, une sensualité bourgeoise et une féminité en sourdine, par opposition aux tentatives malheureuses vues sur une certaine reine du hip hop, et c’est loin d’être une tare. Que la créatrice ait réellement débuté sa carrière chez Martin Margiela n’est sans doute pas anodin, lui qui de 1997 à 2003, entraîna magistralement Hermès sur les voies de l’éternité. Si ce genre d’héritage est lourd à porter ? Nul ne le sait, à part elle, dans son for intérieur, qui a des airs de forteresse. Une chose est sûre, chez Hermès, les vêtements doivent être aussi beaux à l’intérieur qu’à l’extérieur, et vice et versa. Appel à témoins.

Patienter devant l’armoire à glace qui tient la porte de l’hôtel Chopin close avant de vous laisser monter à l’étage où chaque chambre renferme une ou deux jeunes filles hitchcockiennes rejouant une scène de Psycho, de Vertigo ou de Rear Window pour le bon plaisir de mademoiselle Olympia Le Tan, ci-devant créatrice de minaudières fantastiques et de vêtements destinés à les mettre en valeur. Elle a décidément du talent pour la narration, qui s’en plaindrait ?

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