Les nouveaux romantiques de Kim Jones pour Dior

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Isabelle Willot

Chaque fois qu’un créateur s’installe à la direction artistique d’une grande maison qu’il n’a pas fondée et où d’autres l’ont précédé, c’est toujours le même storytelling qui refait surface : il est question de retour aux fondamentaux, de plongée dans les archives et de codes à revisiter. Un exercice imposé pas si facile que cela à implémenter lorsque l’on arrive chez Dior Homme, puisqu’il n’existe pas à proprement parler d’archives sur lesquelles se pencher: Christian Dior, bien trop épris de ses « femmes-fleurs », n’a jamais créé de vêtements masculins. C’est donc souvent l’homme lui-même, ou l’idée que l’on se fait de lui et de sa vie d’alors, qui sert de modèle à ceux qui apposent leur signature sous son nom. Son génie de couturier aussi, est souvent convoqué, incarné aujourd’hui par le savoir-faire des ateliers de Haute Couture. Kim Jones s’est donc emparé à son tour de ce double paradigme. Lui qui a révolutionné le luxe en sanctifiant tous les attributs du sportswear chez Louis Vuitton, se devait ici de raconter une autre histoire.

Christian Dior, dans ses écrits, avait confié que sa personnalité était multiple. Kim Jones, passé maître dans l’art de collab’, a repris cette idée en s’entourant de plusieurs univers créatifs, le plus spectaculaire étant sans conteste la sculpture monumentale entièrement recouverte de roses – la fleur préférée de Christian Dior – imaginée par Kaws. Un avatar du créateur lui-même tenant dans ses mains un flacon de parfum à l’effigie de son chien Bobby. C’est dans l’ombre bienveillante de cette silhouette gigantesque que se sont succédé les différents modèles. Comme le précisait le dossier d’intention, la Haute Couture a influencé au plus près la confection des silhouettes, notamment par l’utilisation d’une toile de Jouy – choisie à l’origine pour décoré la boutique du 30, avenue Montaigne -, qui se retrouve déclinée en jacquards et en broderies, dans des matières aussi contrastées que le tulle ou le cuir. Des références au célèbre cannage aussi, sous la forme de trous ronds découpés au laser dans différentes matières.

L’identité de la Haute Couture est ici adaptée au vestiaire masculin, donnant vie à des vêtements souples, des épaules arrondies, à une nouvelle veste baptisée Tailleur Oblique en référence à sa ligne diagonale… Les motifs floraux, hommages à la passion de Christian Dior pour la nature, traversent la collection: certains s’inspirent directement d’un de ses services en porcelaine – les plumes brodées par l’atelier Lemarié sont recouvertes de vinyle pour rappeler le vernis de la porcelaine fine. Du côté des couleurs, on n’oublie pas le rose pâle bien sûr, et puis le gris surtout.

La collection Eté 2019 regorge aussi de clin d’oeil à la vie privée de Christian Dior: son chien Bobby devient un motif récurrent, un sceau utilisé par la famille Dior dans les années 20 se transforme en bijou, l’abeille se pose sur les vêtements au gré des broderies et des imprimés. Les accessoires ne sont pas oubliés: on promet sans risquer gros aux déclinaisons masculine sous forme de besace ou de banane du célèbre sac Saddle un statut de bestseller dès que quelques célébrités bien choisies se seront emparées de ces objets.

C’est qu’il y avait du beau monde au parterre, impossible d’en faire ici la liste exhaustive. On pointera toutefois la présence d’un nombre importants de cadors du milieu : Karl Lagerfeld, bien sûr, venu faire son shopping lui qui ne s’habillerait qu’en Dior Homme, mais aussi Kris Van Assche qui a tenu la maison pendant plus de dix ans, Stefano Pilati, Haider Ackermann, Virgil Abloh tout juste consacré chez Louis Vuitton… Sur la catwalk, il y avait de la grâce dans les silhouettes, de la délicatesse aussi, de quoi séduire les jeunes gens férus de romantisme moderne, pas tenus d’afficher à tout prix une virilité primaire. Notre monde en a bien besoin.

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