Milan: la tentation de la coédition

Emporio Armani © Imaxtree
Isabelle Willot

On pourrait presque appeler cela l’effet The Kooples, du nom de cette marque française dont les publicités mettent en scène des couples au look assorti, puisé dans le vestiaire en miroir proposé par la griffe. Cette saison, plusieurs maisons ont fait le pari du défilé « coed », en faisant le choix de présenter leurs collections soit pendant la Fashion Week Homme – à Milan, ce fut le cas pour Neil Barrett, Cédric Charlier, Antonio Marras ou Dsquared2 – soit d’attendre les défilés femme comme compte le faire Gucci. Si ceux-ci présentent l’avantage d’attirer traditionnellement plus de monde, ils arrivent aussi plus tard dans la saison ce qui pose dans le sous-titre la question de la gestion des commandes moins facilement répartissables dans le temps.

La présence de silhouettes féminines sur les catwalks masculins n’a rien de nouveau en soi, même s’il s’agissait jusqu’ici des modèles femme de ce que l’on appelle les pré-collections, ces pièces qui arrivent en boutique au début de l’hiver – on les surnomme aussi collections croisière à destination des heureuses qui partent en décembre au soleil – ou à l’inverse au début de l’été – pour celles qui rêvent très tôt de la rentrée. Les filles étaient d’ailleurs présentes également chez Moschino cette saison pour le retour de la marque dans le calendrier masculin tout comme chez Prada, Emporio Armani ou Dolce & Gabbana.

Du côté des professionnels, les avis sont partagés: dans la pratique, un défilé « coed » donnent parfois le sentiment de tirer en longueur. Rien ne prouve non plus que les acheteurs et même les journalistes soient intéressés par les deux pendants de la collection dont la présentation manque parfois de clarté, surtout si les silhouettes des garçons comme des filles sont toutes androgynes. Cela implique aussi une convergence des univers, ce qui est loin d’être gagné dans des maisons comme Dior ou Louis Vuitton où l’on retrouve des créateurs différents à la tête de la direction artistique pas forcément enclins à défiler ensemble. On observe aussi chez certains une envie de gommer autant que possible la frontière entre ce qui relève du dressing masculin et féminin. Cela fait quelques saisons déjà que la question du genre influence le travail de Miuccia Prada, Alessandro Michele chez Gucci ou encore J.W.Anderson. La mouvance « coed » apparait aussi comme une manière progressive de tester la mise en place du modèle « see now buy now » – les défilés ne servant plus que d’annonce publicitaire pour les modèles déjà commandés en coulisse des mois auparavant et disponibles immédiatement en magasin. Une révolution prônée par quelques grands noms de la mode… et tout autant décriée par d’autres.

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