Focus sur la collection croisière de Louis Vuitton au Japon

Sur les marches du musée, l'actrice Rila Fukushima, en tête de ce défilé au croisement des cultures. © LOUIS VUITTON

Début novembre prochain, la collection Croisière du malletier français sera en boutiques. Retour sur le show de présentation, sous forme d’hommage aux traditions nipponnes, mais aussi à une figure de la mode locale, Kansai Yamamoto.

Chez Louis Vuitton, on sait recevoir. Ainsi, pour célébrer l’ouverture, ce mois-ci, d’un nouveau flagship de 1 400 m2 à l’angle de la place Vendôme et de la rue de Rivoli, à Paris, la maison de luxe a offert à ses invités un spectacle de la star mondiale Will Smith et de son acolyte Jazzy Jeff, le tout arrosé de champagne. Mais cela n’était rien comparé aux trois jours de festivités que la griffe française avait organisés à Kyoto, au printemps dernier, pour la présentation de sa collection Croisière.

La collection Croisière propose un mix entre allusions au Japon ancestral et une vision très française chère à la griffe.
La collection Croisière propose un mix entre allusions au Japon ancestral et une vision très française chère à la griffe.© LOUIS VUITTON

Une soirée avec les geishas de la rue Shinbashi, au coeur du quartier médiéval de la ville, figurait notamment au programme. A cette occasion, le malletier avait privatisé l’artère, pour la première fois dans l’histoire de la cité, ainsi que quinze de ses restaurants historiques. La veille, il avait aussi occupé trois temples pour un dîner informel, notamment le prestigieux Senny?-ji, que l’empereur Akihito visite souvent et qui n’avait jamais été ouvert au public.

Le point d’orgue était néanmoins le défilé, qui se tenait au musée Miho et où se pressait une horde de people parmi lesquels Michelle Williams, Jennifer Connelly ou Isabelle Huppert. Situé sur les monts de Shigaraki, à une heure de route de Kyoto, le bâtiment est l’oeuvre de Ieoh Ming Pei, également auteur de la pyramide du Louvre dans la Ville lumière, où Louis Vuitton a présenté ses deux dernières collections de prêt-à-porter. Nicolas Ghesquière, directeur artistique de la maison, a manifestement un faible pour les architectures affirmées et cette institution nipponne convenait dès lors très bien pour succéder au domaine de Bob et Dolores Hope, de l’architecte John Lautner, lieu retenu pour la collection 2015 à Palm Springs, ou au musée d’art contemporain Niteroi, d’Oscar Niemeyer, pour celle de l’année dernière au Brésil. Le Miho incarne la vision que le concepteur des lieux se fait du Shangri-La, un endroit paradisiaque et mythique tiré du roman Les horizons perdus de l’auteur britannique James Hilton. On ne peut le gagner qu’en empruntant un tunnel à travers la montagne et un pont surplombant la vallée. Le chemin fait partie du charme de la visite : c’est un peu comme si l’on pénétrait dans une autre dimension.

L'époustouflante architecture du musée Miho, écrin de ce show : on n'y accède que par une passerelle de haut vol traversant la vallée.
L’époustouflante architecture du musée Miho, écrin de ce show : on n’y accède que par une passerelle de haut vol traversant la vallée.© LOUIS VUITTON

 » En visitant le musée Miho il y a quelques années, j’ai été fasciné par l’harmonie qui y régnait entre l’édifice et la nature, se souvient Nicolas Ghesquière. Je connais bien ce pays. C’est un des premiers où j’ai voyagé, il y a vingt ans, à la recherche d’inspiration. Depuis, j’y retourne régulièrement. Je m’étonne toujours de la manière dont les habitants parviennent à conserver et à célébrer leur patrimoine et leur histoire, tout en regardant vers l’avenir puisque le pays est aussi pétri de technologie et de modernité. Cette ligne Croisière est l’apothéose de ce que le Japon m’a offert pendant tout ce temps. Cela n’a pas été une mince affaire que d’exprimer l’amour que je porte à cette nation dans une seule collection. Mais c’est aussi la plus importante que j’aie dessinée pour la marque jusqu’à présent.  »

Un air de Bowie

Le Japon évoqué jusque dans les moindres détails.
Le Japon évoqué jusque dans les moindres détails.© LOUIS VUITTON

Dans un tel décor, les silhouettes se devaient de tenir leur rang. Pari réussi puisque le créateur a rendu hommage au Japon qu’il affectionne, tout en renforçant l’image de la femme jeune et forte qu’il porte depuis qu’il a été engagé en 2013. L’actrice japonaise Rila Fukushima, connue pour son rôle dans Wolverine : Le Combat de l’immortel, a ouvert le show, habillée d’une veste en patchwork de fourrure sur chemisier en coton rayé surdimensionné, portés sur des bottines blanches.  » Il y a quelques années, j’ai vu le film Boulevard des chattes sauvages, qui parle de motardes dans le Tokyo des années 70, racontait le Français, à l’issue du défilé. Je me souviens qu’à l’époque, j’avais été tellement surpris par ces personnages que je m’en étais inspiré pour mes premiers croquis.  »

C’est ainsi qu’au fil des passages sur catwalk, on a pu reconnaître de multiples allusions aux traditions locales – sourcils mis en exergue, sacs à main ornés de masque de kabuki, gravures figuratives en guise d’imprimés et robes du soir or évoquant le théâtre nô… jusqu’au jersey tissé et aux sweaters en cuir faisant référence à l’univers des samouraïs.  » Chaque collection Croisière est une découverte. Il s’agit aussi de combiner la culture du pays hôte avec une vision très française « , explique le directeur artistique.

Des logos signés Kansai Yamamoto.
Des logos signés Kansai Yamamoto. © LOUIS VUITTON

Outre ces détails, Kansai Yamamoto, présent lors de l’événement, occupe aussi une place centrale dans la collection. Si le créateur a ouvert la voie à toute une génération de Japonais, à Paris, il doit surtout sa notoriété aux costumes qu’il a dessinés pour David Bowie, périodes Ziggy Stardust et Aladdin Sane.  » Je voulais aussi donner une image joyeuse de cette destination, se justifie Nicolas Ghesquière. Yamamoto l’incarne bien. Il a conçu des costumes fantastiques pour le chanteur, mais c’est également le premier Japonais à avoir organisé un défilé à Paris. Il m’a semblé intéressant de le célébrer en lui demandant de nous dessiner quelques pièces.  »

Un marché porteur

Kansai Yamamoto incarne
Kansai Yamamoto incarne  » l’image joyeuse du Japon « , selon Nicolas Ghesquière.© LOUIS VUITTON

Ce n’est néanmoins pas seulement l’amour de Nicolas Ghesquière pour cette contrée qui a amené la caravane Vuitton dans l’empire du Soleil levant. Depuis la fin du xixe siècle, la maison entretient une relation étroite avec ce territoire asiatique. Pour son monogramme, elle s’est ainsi inspirée du  » mon « , un insigne héraldique japonais. Et sa première boutique tokyoïte a été inaugurée en 1978, déjà. N’oublions pas non plus les collaborations avec des artistes et créateurs tels que Takashi Murakami, Yayoi Kusama, Rei Kawakubo et Hiroshi Fujiwara.

Le Japon constitue en outre un marché en pleine croissance et une destination attrayante pour les clients des pays voisins, estime Michael Burke, président et CEO de Louis Vuitton :  » Nous avons choisi d’y défiler notamment parce que les Chinois, les Taïwanais et les Indonésiens veulent tous y aller, en ce moment. Ce n’était pas nécessairement le cas il y a quelques années « , a-t-il confié au magazine Women’s Wear Daily. D’après le dirigeant, la marque se porte mieux là-bas que d’autres grandes maisons de luxe, grâce à sa présence constante dans le pays, où elle possède une cinquantaine de boutiques. La griffe met aussi l’accent sur le client local et ne dépend donc pas d’un tourisme fluctuant.  » Nous sommes ici depuis longtemps et nous comptons bien y rester, indépendamment de la conjoncture. Nous avons continué à investir, même après le début de la crise. Nous ouvrons, rouvrons ou rénovons environ huit boutiques par an au Japon.  »

Qu’est-ce qu’une collection croisière ?

Cette ligne supplémentaire sort en milieu de saison, entre les collections principales du printemps-été et de l’automne-hiver. Elle a été conçue à l’origine pour la clientèle jet-set, qui voyage toute l’année durant, à la recherche d’autres climats. Une sélection de la collection Croisière 2018 de Louis Vuitton sera commercialisée début novembre. En Belgique, elle est vendue dans la boutique du boulevard de Waterloo, à Bruxelles.

Kyoto en 8 lieux

Takakura Maruki : un magasin de tsukemono (pickles japonais) combiné à un bar à saké.

Nishikikoji-dori, Gokomachi nishi iru, Nakagyo-ku.

Kamiji Kakimoto : la plus ancienne papeterie de Kyoto (1845). Nous y avons aperçu Jennifer Connelly et Michelle Williams, venues acheter des cartes.

54 Tokiwagi-cho, Teramachi-dori, Nijo-agaru, Nakagyo-ku.

Zohiko : une institution séculaire de la ville, connue pour ses laques artistiques. Les prix vont de l’abordable à l’astronomique. Au premier étage se trouve un musée privé avec des pièces d’exception, destinées aux spécialistes.

719-1 Yohojimae-cho, Teramachi-dori, Nijo-agaru, Nishigawa, Nakagyo-ku.

Ippodo : une maison de thé traditionnelle flanquée d’un petit café où l’on peut boire du matcha.

Teramachi-dori Nijo, Nakagyo-ku.

1er Etage : une boutique photogénique de fleurs séchées. On y trouve aussi un bar où l’on peut prendre un café.

381-1 Funayacho Gokomachidori, Nakagyo-ku.

Aritsugu : on y trouve les meilleurs couteaux au monde, tous faits à la main par un forgeron formé à l’ancienne et réaffûtés avant la vente. Prévoir une petite attente.

219 Kajiya-cho, Nishikikoji-dori, Gokomachi nishi iru, Nakagyo-ku.

Fujino : l’un des pionniers de la production de lait de soja et de desserts à base de tofu. Ne manquez pas de goûter aux beignets au soja proposés dans leur échoppe du marché couvert. Fujino tient aussi un restaurant ailleurs en ville.

494 Nakauoya-cho, Takakura Higashiiru, Nishikikoji-dori, Nakagyo-ku.

Kapital : une boutique de vêtements Homme spécialisée dans les jeans en provenance de Kojima, la capitale du denim japonais.

352 Iseyacho, Nakagyo Ward.

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