Haider Ackermann, Viktor & Rolf, Cacharel, Véronique Leroy, Sonia Rykiel et Jean Paul Gaultier, Paris défile

Aimer, c’est choisir. Je tenterais bien ce pari-là : mettre en lumière une silhouette, une seule, par créateur, par défilé vu aujourd’hui. On a déjà connu exercice plus facile. Bon, tant pis, allons-y.

Chez Haider Ackermann qui défilait au Palais de Tokyo dans un silence religieux puis sur un poème de Leonard Cohen. Le nouveau Saint Laurent prouve avec maestria qu’il faut le suivre de très très près. Alors le crève-coeur quand il s’agit de trancher entre son grand manteau blanc qui balaie le sol ou cet autre noir qui contraste les matières, ses jupes longues, fendues haut avec découpe sur la cuisse, ses drapés osés, son envie de sequins brodés, bronze ou doré, ses pantalons (toutes les déclinaisons – droit, à pinces, large) ou son pull noir en maille sur épaule dénudée. Puisqu’il le faut, voici donc Freija Beha Erichsen coiffée Néfertiti dans une superposition de pièces (veste courte, robe, pantalon), de couleurs (noir, bleu roi, émeraude), de tissus et de formes entre flou et tailleur. Tout cela n’a rien d’hasardeux. C’est la combinaison gagnante d’un jeune homme talentueux.

Chez Viktor & Rolf qui défilaient à l’espace éphémère au Jardin des Tuileries dans une scénographie grandiloquente façon chevaliers de l’Apocalypse. Bruit de chaînes, une énorme porte à croisillon s’abaisse lentement, c’est celle d’un pont-levis, qui ouvre sur un mur rouge avec méga cachet en cire du duo et dessous, un mannequin au visage peint de rouge. Pareil pour les suivantes. Ne pas de perdre de vue l’exercice imposé : une silhouette, une seule. Difficile, les codes maison sont rabâchés et le ton, over dramatique, éreintant. Va donc pour cette étrange alchimie faite d’un chemisier transparent avec manches agressives sur jupe à plis rigides. On l’a retenue surtout pour les jambières à enfiler sur des escarpins à plateau, vive le deux en un.

Chez Cacharel qui défilait dans les sous-sols du Palais de Tokyo devant un double mur de néons – l’effet était parfait. Cédric Charlier sait ce qu’il veut et comment y arriver. Il faudrait parler de sa palette de couleurs, de ses boots à sangles fines et talons joliment décalés, de son travail de couture dans le dos (aux épaules et à la taille), de ses doubles jupes longueur genoux, de ses jumpsuits impeccables, même avec fourche basse, de ses robes longues à accessoiriser d’un chignon de danseuse… La dure loi du genre veut que l’on choisisse : ce sera donc un gilet de fourrure blanc sur un pull à peine écru droit et à col roulé enfilé sur une jupe fluide et joliment fendue. C’est contemporain, sans tapages inutile, subtil et drôlement beau.

Chez Véronique Leroy qui défilait au Palais de Tokyo sur Robert Charlebois chantant son merveilleux  » Lindberg « . Elle n’a pas peur de rien, surtout pas de ne jamais suivre  » les tendances « . Alors quand elle crée, elle pense d’abord et avant tout à l’une de ces femmes  » qui s’habillent pour elles-mêmes, et non pour plaire aux hommes, telle Arielle Burgelin, égérie d’Helmut Newton « . Forcément, dans sa collection, elle se permet des silhouettes très années 40, un mélange de rigidité (celle due  » aux restrictions de la deuxième Guerre Mondiale « ) et de glamour hollywoodien ( » celui des robes moulantes et des touches d’or « ). Perso, je prends tout, mais bon puisqu’il le faut : une jupe évasée en dentelle fleurs avec un pull à coudières contrastées. La sensualité faite femme.

Chez Sonia Rykiel qui défilait au pavillon Concorde, place de la Concorde dans un décor pensé par l’artiste écossais Martin Boyce : des pavés au sol, des grillages urbains, des arbres de néons, une oeuvre déjà exposée à la Galerie d’Art Moderne de Glasgow en 2002 et qui a pour nom  » Our love is like the earth, the sun, the trees and the birth.  » Les filles sont  » comme sorties de nulle part « ,  » tour à tour fatales, allumées, décadentes « ,  » tour à tour actrices, spectatrices « . Celle qui sort du lot ? A la rigueur, la demoiselle pêchée au saut du lit, alors qu’elle n’y a même pas passé la nuit, dans son pyjama du soir,  » rouge Reine « . Son chignon n’est pas défait, elle le porte sur le côté, retenu d’une barrette strassée. On l’aurait rêvée plus insolente.

Chez Jean-Paul Gaultier, qui défilait chez lui, rue Saint Martin sous les cris de  » Gaultier assassin » lancés par les anti-fourrures venus afficher leur colère :  » la fourrure, c’est pour les poufs « . Ouverture du show par une Valérie Lemercier à la chevelure surdimensionnée qui joue la strip-tease du gant avant d’ôter le reste, après le final, et de se retrouver en body all over lurexé avant d’embrasser Jean Paul venu la rejoindre au pas de course. Entre les deux, de la fourrure (avec remerciements à Saga Furs), des lunettes (avec Alain Mikli), des manteaux d’homme rayés noir sur fond gris, des imprimés joyeux, des lavallières, des fuseaux et des jumpsuits très classe, un peu seventies, des trenchs, courts et longs, des jupes sages en tweed, des écharpes col de perfecto ou de veston et même un caddie customisé.  » Toutes les femmes sont exceptionnelles chacune à leur tour  » égrène la bande-son. On a donc l’embarras du choix. On vote pour le lurex Lemercier ?

Anne-Françoise Moyson

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