Issey Miyake, Martin Margiela, Lanvin et Yamamoto, ça défile à Paris

© ET

Pour assister à un défilé, il faut montrer patte blanche. Ce qui revient à avoir en main un carton d’invitation en bonne et due forme.Gros plan sur ceux de ce vendredi 4 mars.

Pour assister à un défilé, il faut montrer patte blanche. Ce qui revient à avoir en main un carton d’invitation en bonne et due forme. Certains sont plus remarquables que d’autres. Gros plan sur ceux de ce vendredi 4 mars, qui restera à jamais le jour de l’enterrement de première classe de John Galliano.

Une invitation en forme de mini pliage intrigant chez Issey Miyake. Dès que le show commence, on comprend pourquoi. « A partir d’une simple bande de tissu, prévient le directeur artistique de la maison, Dai Fujiwara, on peut créer une multitude de formes. En variant sa largeur, le vêtement obtenu est chaque fois différent. » La preuve par l’exemple : à même le sol, l’équipe plie, agrafe, plie encore et puis agrafe des rectangles de papier qui prennent formes sous nos yeux, avant d’être posés délicatement sur des mannequins – là une jupe, ici, une cape, un gilet, une robe, un col tout ça sur fond de Wolfgang Amadeus Mozart pianoté en live par de jeunes élèves appliqués. La démonstration est tellement simple, évidente et poétique qu’elle file des frissons. A l’image de cette collection haute voltige, éco-raisonnable et terriblement japonaise (c’est un compliment). A l’image aussi de cette lettre écrite par Dai Fujiwara qui fait ses adieux et passe le flambeau à la « génération suivante », celle qu’il a pris soin de rassembler autour de lui depuis cinq ans déjà, des créateurs prometteurs qui travaillent déjà collectivement avec sérieux et talent au printemps-été 2012. La beauté, en partage.

Une invitation comme un ticket d’expo, avec recto, une photo en noir et blanc de la friche bétonnée du Palais de Tokyo et verso, les informations indispensables : « Maison Martin Margiela, vendredi 04 :03 :2011 16 : 30 Défilé AH2011-2012, Palais de Tokyo, 13, av du Président Wilson, Paris 16- Metro Iena ». Sur les gradins en bois compressé, l’explication de la « collection défilé pour femme » qui « repose sur l’étude de la robe ». Et quelle étude ! On la croirait simple, parce que les silhouettes sont juste magnifiques, mais ne pas se leurrer, il y a un travail incroyable derrière, une telle réflexion qui pourtant ne plombe jamais le vêtement et qui justifie chaque prise de risque. Du tissu entrecollé, des matières techniques, du drap épais, de la fourrure, des ouvertures nouvelles, des zips dézippés, des sur-jupes et des sous-jupes exhibées, des trompe-l’oeil épatants, des bottes à résille, des drapés féminins et même un tissu à fleurs, que l’on dirait d’ameublement. On oublierait presque que tout ceci est conceptuel tant l’évidence crève les yeux. L’exigence (mais légère), en partage.

Une invitation ultra classique, carton de beau papier grainé, nom et prénom calligraphiés et minuscule logo de la maison Lanvin, les silhouettes de Madame Lanvin et de sa fille, embossées dorées. Un tableau, au début, juste magnifique : un vrai vieux saule pleureur, dans la brume et dessous, une femme immobile chapeautée d’un feutre large, avec manteau noir droit. Un tableau, à la fin, juste magnifique (la boucle est bouclée) : sous le même vrai vieux saule pleureur, dans la lumière solaire, toutes les femmes Lanvin, en robe monochrome – rose, rouge, noire ou à pois et à imprimé fleurs géantes forment un bataillon de charme qui sait ce que la couture veut dire. Entre les deux, un automne-hiver qui passe de la maille habillée de volants à la dentelle ou à l’épure d’une longue robe asymétrique. Alber Elbaz, une main en poche, vient saluer sous les vivats. Il y a de quoi.

Une invitation noire et rouge, mate, qui cache en son sein, un faux cil soyeux. Yohji Yamamoto reçoit au Palais de Tokyo, il a fait peindre au sol une ligne corail, pour que les mannequins la suivent droit devant, lentement, dans des robes tubes qui suivent le corps de très près et s’offrent des trompe- l’oeil en maille avant de se planquer dans de grands manteaux noirs vraiment désirables. Rien de nouveau sous le soleil, ce n’est pas grave, Yohji Yamamoto fait du Yoji Yamamoto, ça fait parfois penser à ces belles années où l’on se regardait en boucle « Desesperatly seeking Susan », ce n’est même pas suranné, simplement, l’essence d’une vraie identité qui se contrefiche des tendances. La liberté, en partage.

Anne-Françoise Moyson

Tous les défilés parisiens sur Catwalk Weekend

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content