Le nouveau maillot des Bleus: des millions pour Nike, des centimes pour les ouvriers

Le nouveau maillot de l'équipe de France de football, frappé d'une © Nike
Aurélie Wehrlin Journaliste

La France est depuis dimanche championne du Monde de Football pour la deuxième fois de son histoire. Pour célébrer cette victoire, Nike vient de lancer la production d’un maillot arborant une seconde étoile. Une affaire qui s’avérera certainement très rentable pour l’équipementier, mais beaucoup moins pour la main-d’oeuvre qui lui aura permis de voir le jour.

Ça aura échappé à peu de monde : la France est, pour la deuxième fois de son histoire, championne du monde de football. Une victoire planétaire qui se symbolise en terme iconographique, par une deuxième étoile, apposée sur la poitrine du maillot de l’équipe bleu blanc rouge, à côté de celle incarnant la victoire de 1998.

Ce maillot de l’équipe victorieuse est l’affaire de Nike, sponsor de la Fédération Française de Football (FFF), la mieux payée du monde, cela dit en passant, avec un contrat qui la lie à l’équipementier américain à hauteur de 50,5 millions d’euros.

Il vient d’être envoyé en production alors que les supporters se ruent déjà en boutique au lendemain de la victoire, dans l’espoir de pouvoir revêtir cet habit chargé de la magie de cette compétition à l’issue grandiose.

Nike devrait ainsi, sans surprise, voir ses ventes s’envoler quand le maillot sera enfin disponible mi-août. Il sera décliné en deux modèles : le premier, classique avec les deux étoiles donc, tandis que le second sera la copie conforme de celui porté par les membres de l’équipe pour la compétition en Russie, flanqué du logo Fifa Worls Cup 2018 Russia sur les manches.

Au prix de, respectivement 85 et 140 euros, ces nouveaux venus se révéleront sans doute une manne pour l’entreprise américaine qui profite d’ores et déjà de l’aura des joueurs. Déjà quelques jours avant la finale, le responsable de la Fédération français e de football déclarait à l’AFP : « On fait record sur record. On a une vente de maillots et de produits équipe de France en hausse de 30% par rapport à la même période à l’Euro 2016« . Il y a donc fort à parier que suite à cette victoire anniversaire, les ventes explosent littéralement.

Cette affaire sera, par contre, beaucoup moins rentable pour ceux qui vont réellement le produire de leurs petites mains. Car comme le dénonçait le collectif Ethique sur l’étiquette dans son rapport publié en juin dernier, et baptisé « Anti Jeu, les sponsors laissent (encore) les travailleurs sur la touche » – suite du rapport de 2016 – alors que les profits liés aux produits dérivés sur football ont doublé en 10 ans, atteignant désormais 17 milliards d’euros annuels, la main d’oeuvre, elle, n’en profite pas.

Ainsi, sur un maillot vendu 85 euros, le bénéfice touché par la firme est de 14,50 euros. Tandis que la main-d’oeuvre – parfois jusqu’à plusieurs dizaines de personnes – doit se partager 1% soit 85 centimes.

Le bénéfice engrangé aux dépens des petites mains, doit servir à financer les contrats fastueux de sponsoring de la marque à la virgule avec la FFF, mais aussi ceux qui la lie aux plus grands joueurs actuels, comme Neymar, Ronaldo ou Mbappé. Nike fait ainsi le choix d’une « stratégie d’omniprésence » qui « lui permet de doper ses ventes, et son cours en bourse, dans un modèle orienté en priorité vers la rémunération de leurs actionnaires« . Et ça marche, puisque les dividendes versés par Nike à ces actionnaires ont ainsi été multipliés par 3 entre 2007 et 2017.

Le rapport met en évidence que le modèle économique de Nike, entre autres marques, « génère des bénéfices toujours plus importants qui sont privatisés par leurs actionnaires et ne ruissellent pas jusqu’aux travailleur.euse.s dans les usines de confection, malgré les déclarations d’intention des équipementiers sportifs, notamment sur le paiement d’un salaire vital chez leurs fournisseurs. »

De plus, Nike a décidé de se retirer de Chine, où les salaires, qui avoisinent désormais ceux permettant à une famille de vivre dignement, sont jugés trop élevés par bon nombre d’équipementiers, qui lui préférent l’Indonésie, le Cambodge ou le Vietnam où les salaires moyens des ouvriers sont inférieurs de plus de 45 % et jusqu’à 65 %. Ainsi, en aval, Nike crée de la valeur tandis que la situation des ouvriers est de plus en plus précaire. Et ça ne pourrait être qu’un début.

Consultez le rapport du collectif Ethique sur l’étiquette : Anti jeu, les sponsors laissent (encore) les travailleurs sur la touche

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