Le retour du Barbour

Ancien symbole d’appartenance bourgeoise, la veste de toile enduite fait cet hiver son entrée dans les penderies stylées.

Ne dites pas que vous n’avez rien remarqué. Sur le dos de Lily Allen en concert; au-dessus du short de Coco Sumner; indissociable de l’allure collège d’Alexa Chung. Dans les trois cas, une veste, verte, bleue ou, plus rarement, marron, en toile de coton huilée et col en velours cotelé. Oui, un Barbour. Celui que vous portiez, il y a quinze ans, ou que vous méprisiez, selon que vous étiez bourge-minet ou plutôt rebelle. Aussi étrange que cela puisse paraaître, il revient en très grande forme.

Barbour est né en Angleterre, du côté de Newcastle, au temps de l’industrie textile florissante, en 1894. Installé dans le port de South Shields, John Barbour fournit marins et dockers en vêtements de toile huilée résistant aux intempéries.

En 1908, grâce au premier catalogue Barbour, les commandes s’étendent du Chili à Hongkong. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la combinaison Ursula est la tenue des forces sous-marines britanniques.

Dans les années 1980, la représentante de la quatrième génération et actuelle PDG, Dame Margaret Barbour (titre honorifique accordé par la reine pour services rendus à l’industrie britannique), crée les trois vestes cirées qui font l’essence du style sloane ranger (l’équivalent britannique de nos Neuilly-Auteuil-Passy): Bedale, Beaufort et Border. Les mêmes trois modèles récupérés aujourd’hui par les bourges rock’n’roll.

Pas d’égéries

La marque a fait appel cette saison à la créatrice anglaise d’it bags Anya Hindmarch, pour la femme, et, pour la troisième fois, au designer japonais Tokihito Yoshida, pour l’homme. Leur mission a été de réinventer quelques pièces phares, et non d’assurer la direction artistique d’une maison qui travaille en famille et ne veut pas entendre parler d’égérie! Pour autant, elle n’hésite pas à inviter Agyness Deyn à faire ses emplettes, à fournir Lily Allen à la veille de ses concerts ou à faire les cadeaux qu’il faut ces temps-ci, à Vincent Cassel et à Louis-Marie de Castelbajac, entre autres people en vue.

Le timing est parfait: les musts de la saison étant nommés mocassin, duffle-coat, short en tweed et pull jacquard, rien d’étonnant à ce que les néo-minet(te)s de 2010 s’approprient l’un des emblèmes de la bourgeoisie les plus forts de ces trente dernières années.

Descendez donc à la cave et ressortez votre Bedale

Comme leurs ainés du Drugstore s’amusaient de kilts et de pulls shetland, ils portent le Barbour avec toute l’ironie requise. Valable pour nous autant que pour les jeunes rockeurs, qui, comme les Mods des années 1960, mettent un point d’honneur à être tirés aux quatre épingles de la tradition. Avec ce twist qui fait la différence, désormais très ténue, entre l’ambiance sortie de messe et la pelouse boueuse de Glastonbury. Descendez donc à la cave et ressortez votre Bedale. S’il est vraiment abîmé, envoyez-le à l’atelier de réparation de South Shields, comme le fait la reine d’Angleterre. Elisabeth II à la pointe de la mode? Le cas échéant, pour l’automne prochain, tenons-nous prêts à dégainer le loden.

Elvira Masson, Lexpress.fr Styles

3 questions à Loic Prigent

Réalisateur et producteur, il vient de lancer l’émission Prêt à porter tout de suite sur Stylia.

Qui a le droit de porter le Barbour?

A priori, tout le monde, sauf le propriétaire terrien vendéen. Et depuis le procès Papon et ses vestes molletonnées, Barbour devrait également être interdit au troisième âge, sauf à Hubert de Givenchy. Avouons que la veste en toile enduite est plus chouette sur le bassiste du groupe Two Door Cinema Club que sur mon père. Ensuite, je trouve qu’il va aussi bien aux hommes qu’aux femmes.

Faut-il le décoincer ou le porter au premier degré?
Bien sûr, l’accumulation col Claudine, mocassins Church’s, pantalon retroussés et Barbour est trop évidente. Mais il ne faut pas chercher à le décoincer non plus. Il faudrait réussir à le porter avec le plus grand naturel, sans effort, comme si c’était parfaitement normal. Un peu comme les gens de l’île de Ré, qui ne se rendent même pas compte qu’ils portent du bleu marine!

Est-il parti pour durer?

Nous sommes, en termes d’allure, ces temps-ci et il n’y a aucune raison que ça s’arrête. Le Barbour est un symbole de tradition et de respectabilité dont j’ai l’impression que tout le monde a besoin.

Propos recueillis par Elvira Masson

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