Les 20 ans de Christophe Coppens

Depuis deux décennies, il réinvente l’art du chapeau, de la mise en scène et des rêves interprétés. Pour fêter ses 20 ans, Christophe Coppens expose puis vend aux enchères 170 oeuvres puisées dans ses archives. En avant-première, ses 10 lots emblématiques. Qui dit mieux ?

Depuis deux décennies, il réinvente l’art du chapeau, de la mise en scène et des rêves interprétés. Pour fêter ses 20 ans, Christophe Coppens expose puis vend aux enchères 170 oeuvres puisées dans ses archives. En avant-première, ses 10 lots emblématiques. Qui dit mieux ?

Par Anne-Françoise Moyson

Sur une montagne de boîtes en carton – à chapeaux ou à déménagement – avec sigle CC, un homme en costume, très chic, regarde vers la lumière, vers l’avenir. Christophe Coppens, c’est lui, tourne le dos au lecteur, n’y voyez pas d’impolitesse, mais un métissage de modestie, de surréalisme, de romantisme aussi, « un peu comme dans les peintures de Caspar Friedrich ». Un portrait grandeur dénaturée qui annonce sa vente aux enchères, et l’expo préalable, chez Pierre Bergé & Associés, à Bruxelles, le 5 décembre prochain. On y trouvera ses chapeaux, ses accessoires et ses collections haute couture portées par les people entêtées, de Beth Ditto à Rihanna en passant par Roisin Murphy, les Saxe-Cobourg-Gotha et autres princes consorts. On y (re)verra aussi les objets de décoration issus de la collection « I had a house, it burned down, I saved some memories » en 1999, ses maisons de poupées créées entre 2001 et 2003, des Dollhouses exposées au Musée Charlier de Bruxelles et au Z33 de Hasselt, les collages qui servirent de point de départ aux chapeaux de la collection printemps-été 2011 de Manish Arora et quelques surprises en sus, au nombre de 20, comme le bel âge de sa maison qu’il appelle l’Atelier.

Christophe Coppens n’aime pas les vieilleries, les rétrospectives non plus. « Aucune raison de faire la fête (ce n’est pas le moment), ni de regarder en arrière (c’est encore trop tôt) », écrit-il. Juste « faire le point » et exhumer de sa cave des archives, des accessoires, des projets, des dessins montrés quelques secondes, ou mieux, quelques minutes puis rangés – Christophe a toujours produit à la vitesse V. Trier tout cela, l’exposer durant trois jours, puis s’en délester, sans tralala et à Dieu vat !, que ses oeuvres trouvent un nouveau foyer, « chez des amateurs qui souhaitent collectionner, conserver et chérir ces travaux ». Puis continuer. Car seul demain compte.

En réalité, c’est ainsi depuis le début, quand à 21 ans, étudiant comédien et metteur en scène au Conservatoire de Bruxelles, il se forme en même temps à Melsele, auprès de Mademoiselle Verstraeten, 76 ans – il veut être modiste. Avec lui, tout est toujours « pour du vrai », immédiatement : cette année-là, en 1990, il ouvre son atelier, lance ses collections, travaille pour la scène belge en parallèle et s’envole à New York avec son lookbook « trop lourd, trop théâtral » pour le montrer à tous ceux qui comptent, là-bas. Il n’oubliera pas cette petite phrase assassine, entendue chez Vogue : « Jeune homme, vous reviendrez me voir quand vous aurez choisi entre la mode et l’art. »

Vingt ans plus tard, Christophe Coppens n’a pas arrêté son choix, n’a pas su, pas voulu, peu importe, c’est tant mieux. Cette expo, cette vente, ce catalogue n’existeraient pas sinon. « C’est ma force et ma faiblesse », soupire-t-il parfois. Mais « aujourd’hui, cela commence à avoir du sens », murmure-t-il tandis qu’il met la dernière main au catalogue de la vente et à ses vingt chapeaux surprise créés spécialement pour l’occasion, de la haute couture façon Christophe Coppens, titré mask (the face), la main (the mother) ou the queen (la reine). Autant de mots-clés qui l’obsèdent, qu’il a listés, de 1 à 20 et qui prennent ainsi vie. Entre art et mode, son talent.

(1)Lot numéro 1
Tirage limité Recueil de poèmes Onthoofd, 1988 Estimation : 50/80 euros

« À 18 ans, j’ai emprunté de l’argent à mes parents et j’ai autoédité un recueil de poèmes, Onthoofd (Décapité), à 150 exemplaires. Entre 15 et 17 ans, je composais des poèmes en cachette, des trucs que tout le monde écrit à cet âge-là, pas de la grande littérature, beaucoup de blabla. Ma mère les a découverts, en rangeant ma chambre, elle m’a conseillé d’en faire quelque chose plutôt que de les cacher. Au théâtre de Sint-Niklaas, j’ai organisé une présentation de mon livre : le public entrait par la sortie et se retrouvait sur la scène, moi j’étais au milieu de la salle, avec une troupe qui dansait un ballet dans les couloirs et une chanteuse d’opéra qui interprétait une aria du haut d’un balcon… »

(2) Lot numéro 8 Édition limitée Dix chapeaux en papier peint à la main, 2002 Estimation : 1 500/2 000 euros

« C’est une série de dix chapeaux en papier peint à la main, réalisés pour une expo au Japon, ce sont les prototypes d’une édition limitée commercialisée ensuite en feutre. On est en 2002 et c’est la première fois que je montre un chapeau avec un visage. Aujourd’hui, ce chapeau-là je le fais encore, il s’appelle simplement le chapeau visage ou face hat. Si je suis surréaliste ? Je crois que je suis belge… »

(3) Lot numéro 10 Pièces uniques Deux broches papillon en résine et perles en verre formant collier, 2001 Estimation : 300/500 euros
« Je collectionne les papillons de la famille des Morpho, les bleus qui brillent dans la lumière. Je ne sais pas pourquoi, j’ai toujours adoré collectionner. Mais, en même temps, je n’ai jamais eu d’attachement pour les objets, cela n’est pas douloureux de les vendre. Quand je suis allé à New York, à 23 ans, pour présenter mon lookbook, j’ai vendu des collections, il fallait bien payer le voyage… Une super collection de sacs Florida, les Lucite bags, en Plexi qui dataient des années 50, ils étaient spectaculaires ; aujourd’hui, ils valent très chers ! »
(copyright portrait c coppens : Javier Barcala LA FORTUNA STUDIO)

(4) Lot numéro 17 Édition limitée Pieu en chêne brûlé « pour tuer les vampires », 1999 L_42,5cm Estimation : 150/250 euros
« C’est un pieu en bois brûlé, pour tuer les vampires. À l’époque, je travaillais plutôt sur l’idée de créer des objets de décoration, j’avais appelé cette ligne « I had a house, it burned down, I saved some memories ». Je m’étais dit : « Imaginez que votre maison brûle. Que vous reste-t-il ? Deux ou trois choses calcinées et des souvenirs. Avec ces souvenirs, vous allez chez des artisans et vous faites refaire les objets comme votre mémoire en a gardé l’empreinte… ». »

(5) Lot numéro 30 Vase soufflé et taillé, Vaas I (blanc) Issu d’une série de huit pièces de couleurs différentes, 2001 H_32 cm L_16 cm P 24 cm Estimation : 3 000/4 000 euros

« Cette forme de masque de visage reviendra ensuite, plusieurs fois. En bougie, en table… Je travaillais alors sur les Dollhouses, mes maisons de poupées emplies de toutes mes interrogations. C’était une période d’anxiété et de peur, c’était ma façon à moi de ventiler ces angoisses, de ne pas les mettre dans mes chapeaux. Si je n’avais pas créé The Dollhouse I, II et III, j’aurais fait des chapeaux impossibles à regarder. »


(6) Lot numéro 50 Pièce unique. Cape faite selon une technique traditionnelle du japon Mizuhiki dans la région de Nagano. Oiseau fait à la main par la Maison Lemaire à Paris. Issu de la collection Dream Your Dream, 2005 Vendu avec le mannequin buste Estimation : 2 000/3 000 euros

« Dream Your Dream, c’est le titre de la collection haute couture 2005. Elle évoque ce moment si particulier où l’on rêve, se réveille, se souvient du songe de la nuit, se rendort et rêve alors d’autre chose, toujours en noir et blanc, je ne sais pas pourquoi. Cette collection parle aussi d’une femme toujours en mouvement, elle sort d’une forêt, monte un escalier et puis, il y a son regard… »

(7) Lot numéro 76 Pièce unique Chapeau « Tonquinoise » modelé similaire à celui porté par Dita Von Teese, 2008 Estimation : 800/1 200 euros

« Il est fait main, c’est une pièce unique, pour les occasions, un mariage ou une tête couronnée. Il est l’emblème du vrai métier de modiste, du sur-mesure, dans un salon. Le modèle Tonquinoise ressemble un peu aux chapeaux New Look de Dior, il est grand, c’est du satin et une voilette, avec de la transparence. Tout mon travail est basé sur les techniques ancestrales. On ne peut pas travailler le contemporain sans connaître les techniques traditionnelles. »

(8) Lot numéro 79 Prototype Collier « Crâne » en plexi porté lors d’une photo pour Vogue Japon, couverture par Hedi Slimane, styling Nicolas Formichetti, 2008 Estimation : 300/500 euros

« Je collectionne les crânes, je les aime. Même si aujourd’hui, j’en suis un peu fatigué. Chaque saison, je dis : « Plus de crâne » mais chaque saison, on m’en redemande… Il n’y en aura aucun dans la collection printemps-été 2011. Quand on regarde mes objets phares et la liste des mots-clés qui m’ont inspiré pour créer les 20 nouveaux chapeaux pour cette vente, ils sont souvent issus de l’iconographie de l’histoire de l’art, des natures mortes avec tous leurs symboles – un crâne avec un papillon, une fleur avec un morceau de fromage, même si je n’ai pas encore fait de collection avec du fromage. Les symboles, je ne le fais pas exprès, m’attirent. »

(9) Lot numéro 112 Prototype Vase « Clown » en verre soufflé. Issu de la collection The Table, 2009 H_26 cm D_26 cm Estimation : 400/600 euros
« Le clown comme référence. Sur des chapeaux couture ou des objets de décoration. Il est drôle et triste à la fois, fait peur et rire, me touche. »

(10) Lot numéro 118 Série unique Chapeau avec des imprimés d’oiseaux et broderies. Issu de la collection The Birds, 2010 Estimation : 500/800 euros

« Ah, les oiseaux, la nature, les cages, les plumes. Cela revient tout le temps chez moi. Comme cet imprimé sur ce petit Pill-box, bordé de paillettes et de perles. Grâce à Jacqueline Kennedy, Carla Bruni et la princesse Mathilde, c’est un chapeau très classique devenu très contemporain. »

Christophe Coppens vient d’être désigné « Fournisseur breveté des la Cour de Belgique », lisez notre article à ce sujet ICI

Exposition publique, les 3 et 4 décembre prochain, de 10 à 18 heures et le 5 décembre, de 10 à 13 heures. Vente le 5 décembre prochain, à 15 heures. chez Pierre Bergé & Associés Belgique, 40, Grand Sablon, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 504 80 30.Christophe Coppens, Place du Nouveau marché aux grains, à 1000 Bruxelles.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content