Les Havaianas, l’histoire d’un succès

Havaianas © Reuters

La marque Havaianas, qui vient de changer de propriétaire dans le cadre d’une affaire de corruption, reste l’une des plus grandes success-stories du Brésil.

D’abord portées par les pauvres, ces tongs ont conquis toutes les couches sociales et la planète entière, devenant des icônes du pays latino-américain, avant qu’Havaianas soit vendu la semaine dernière.

Alpargatas, la société-mère, était contrôlée par le groupe J&F, des frères Joesley et Wesley Batista, qui possèdent le plus grand empire de commerce de viande du monde, JBS.

Impliqués dans divers scandales de corruption — dont l’un a récemment mis en cause le président Michel Temer — les frères Batista ont décidé de collaborer avec la justice pour préserver leur conglomérat, tout en évitant la prison.

Mais ils ont écopé d’une amende colossale de 2,86 milliards d’euros sur 25 ans, qui les a poussé à se débarrasser de nombreux actifs — dont l’emblématique Havaianas.

La semaine dernière, J&F a cédé pour environ 950 millions d’euros la participation de 54,24% qu’Alpargatas détenait dans Havaianas à trois holdings: Itausa, Cambuhy Investimentos et Brasil Warrant, propriété des familles Setúbal et Moreira Salles, qui contrôlent Itaú, première banque privée du Brésil.

Déjà il y a deux ans, la marque avait fait les frais de l’enquête anticorruption « Lavage-express » et avait dû être revendue par son précédent propriétaire.

La success-story de Havaianas a débuté avec le lancement en 1962 de tongs inspirées par des sandales de paille de riz japonais.

Le nom de son modèle en caoutchouc au design simplissime — une semelle souple et une lanière en Y entre les orteils– a été emprunté à la capitale de l’exotisme d’alors: Hawaï.

Aujourd’hui, c’est l’univers multicolore de la marque qui attire les clients — les nombreux contrefacteurs aussi.

Les Havaianas se vendent en plus de 150 modèles différents, du basique pour moins de cinq euros, à celui stylisé avec des dessins tropicaux et un petit drapeau brésilien pour neuf euros, jusqu’au modèle customisé avec des pierres incrustées Swarovski pour près de 60 euros.

‘Elles sont cool’

Dans une boutique de Copacabana, Solange Brascher, 55 ans, employée d’une entreprise de télécommunications, achète une paire pour sa fille. « Avant il y avait cette idée que c’était la sandale du pauvre », dit-elle, « mais maintenant toutes les classes sociales les portent parce qu’elles sont cool ».

Avec plus de 200 millions de paires vendues chaque année, dont 16% à l’exportation, les Havaianas sont devenues un symbole du Brésil, au même titre que le football et la samba.

« C’est la première chose que j’ai achetée en arrivant pour offrir à mes amis », dit Beatriz Rodrigues, une jeune touriste portugaise. « J’en ai déjà acheté 10 paires et je vais en acheter dix autres car elles sont beaucoup plus chères en Europe ».

Les Havaianas ont commencé à marcher à l’étranger grâce à leur nouveau design et à une grosse offensive marketing dans les années 90. Le slogan « Elles ne se déforment pas, n’ont pas d’odeur », a laissé la place à « Tout le monde les porte ».

Aujourd’hui Alpargatas, compagnie basée à Sao Paulo, dispose de plus de 700 points de vente dans plus de 100 pays.

« Havaianas représente l’âme brésilienne et est un objet de désir, synonyme du Brésil qui fonctionne », estime Claudio Goldberg, professeur d’économie à la Fondation Getulio Vargas.

Madonna, Beckham, Kim Kardashian

On en a vu aux pieds de Madonna, David Beckham ou Kim Kardashian pour laquelle le joailler H. Stern a costumisé une série de paires sertie d’or pour 15.500 euros.

A l’origine les Havaianas avaient une semelle blanche et une lanière bleue. Jusqu’en 1969, lorsqu’un employé a peint par erreur des lanières en vert. A la surprise générale, les clients ont adoré. Havaianas s’est donc mis à varier les couleurs, puis le design, à partir du boom des années 90.

La marque assure que les deux tiers des 200 millions de Brésiliens achètent en moyenne une paire de Havaianas par an et qu’en mettant bout à bout les paires vendues au long de son histoire, on ferait 62 fois le tour de la Terre.

Le scandale de corruption lié aux anciens propriétaires va-t-il affecter la marque?

« Déjà c’est bien qu’une telle marque reste brésilienne », dit M. Goldberg, qui insiste sur la nécessité de « ne pas perdre l’identité » de Havaianas. Ses nouveaux gestionnaires ont indiqué qu’ils voulaient s’étendre aux États-Unis et laisseraient la direction en place.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content