Les Rencontres de Lacroix

Christian Lacroix préside les 39e Rencontres de la photographie d’Arles. Interview.

Christian Lacroix retrouve sa ville natale le temps des Rencontres de la photographie d’Arles. Avec éclat : le styliste assure la direction artistique de la 39e édition du célèbre festival qui débute ce 8 juillet. Interview.

Qu’est-ce qui vous a convaincu de porter l’habit de commissaire des Rencontres de la photographie d’Arles?
Christian Lacroix : Voilà plusieurs années qu’on me l’a proposé. Mais je n’étais pas prêt, ni dans ma tête, ni dans mon travail. Aujourd’hui, je suis plus serein, plus organisé, mieux installé dans mes diverses activités. Après quelques années de recul pris avec Arles, ma ville natale que je n’ai jamais oubliée mais dont je m’étais éloigné comme on s’éloigne de sa famille à l’adolescence, j’ai senti que c’était le moment de revenir aux sources, de renvoyer à cette ville le reflet de tout ce qu’elle m’a donné.

Vous avez étudié l’histoire de l’art, « fait » l’Ecole du Louvre, à Paris. Quels artistes ont durablement marqué votre manière de regarder ?
Quand j’étais enfant, Picasso était un artiste contemporain. C’est la première exposition à laquelle mes parents m’ont emmené. J’avais 6 ans. Ma formation m’a donné le goût du Caravage, des maîtres anonymes de la fin du Moyen Age, français et flamands, de l’art antique, de Velasquez, Goya, Turner. Pas de photographes dans tout ça. Mais le goût de tout ce qui innove, décape, détonne, des périodes charnières. Disons que je regardais plutôt les représentations de peintres classiques du début du XXe siècle en photo.

Mis à part votre formation, quelle est selon vous la meilleure école du regard ?
La curiosité. Ça ne s’apprend pas. Le dessin aussi, qui transforme tôt l’oeil en scanner.

Existe-t-il des sensations communes à dessiner une collection et à monter des expos ?
Le processus est le même pour moi. D’abord la page blanche, plus excitante qu’angoissante. Puis la compilation des idées, des intuitions, des introspections dans l’air du temps où je ne glane que ce qui me ressemble. Ensuite, il s’agit d’éliminer des éléments et en muscler d’autres au jour le jour, comme un plat qui demanderait à être « touillé », remué sans cesse pour rester fluide. De l’apparente incohérence peut alors naître la cohérence. Il ne reste plus qu’à illustrer, parer, présenter. Avec cette même sensation, que rien ne sera jamais prêt, qu’on ne pourra pas se montrer et puis, dans l’un et l’autre cas, on finit par être prêt quand même. Et fataliste par rapport à ce qui éventuellement n’a pu se faire ou avoir lieu : on se dit qu’il ne fallait pas, que c’était un signe, que c’est mieux ainsi.

Quelles sont les saveurs dominantes du menu que vous nous avez composé ?
Nous filons un peu tous les deux la métaphore culinaire… Sans doute parce qu’il faut que cette manifestation soit « goûteuse », sans fadeur, sucrée-salée, bien équilibrée. Je n’ai en tout cas pas voulu que la mode phagocyte ces Rencontres. Elle est là naturellement au travers d’autres thématiques qui parlent du corps, de l’apparence, de l’absence. Sous le commissariat de mon ami Olivier Saillard, directeur de la programmation au musée de la Mode et du Textile, à Paris, on pourra pénétrer tout l’univers photographique périphérique à la mode, avec un fonds de dépôt de modèles appartenant au musée et jamais montré, une histoire de la vidéo de mode, des lookbooks, des photos de défilés. Agnès de Gouvion Saint-Cyr présentera des images plus iconiques ou traitant plus précisément du vêtement et du modèle. Je présenterai également le fruit des recherches locales sur la photo vernaculaire, XIXe et XXe siècles, à partir des studios locaux ou des photographes de presse arlésiens, des images de la guerre et des bombardements ou de la vie quotidienne des années 1950, 1960, 1970 et des images ayant trait aux collections, à leur élaboration et à leur diffusion.

Propos recueillis par Baudouin Galler

Rencontres de la photographie d’Arles. Du 8 juillet au 14 septembre prochains. www.rencontres-arles.com

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