Lunettes grand écran

Nouvel eldorado des marques de luxe, les lunettes de soleil regardent du côté des célébrités, qui inspirent de nombreux modèles. Une chose est sûre, on ne passera pas inaperçu !

Nouvel eldorado des marques de luxe, les lunettes de soleil regardent du côté des célébrités, qui inspirent de nombreux modèles. Une chose est sûre, on ne passera pas inaperçu !

Cet été, les lunettes solaires font dans la nostalgie écarquillée, à coups de modèles maxi et de hauts patronages. Aux binocles ronds de Yoko Ono, aux solaires oeil de gazelle d’Oum Kalsoum et aux verres aquatiques de Marguerite Duras, les adolescentes préfèrent sans surprise les Wayfarer d’Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé, les vastes lunettes de Grace Kelly ou de Monica Vitti dans L’Avventura. Elles devraient raffoler des Dior rouge vif, inspirées par les lunettes-coeur de la Lolita de Kubrick, et vendus en édition limitée.

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La star en chef de la saison reste Jackie O, immortalisée par ce gros papillon noir qui mangeait son visage et protégeait son public d’un regard trop célèbre. Habituellement, ses solaires étaient galbées oeil de mouche, tel le modèle en écaille créé pour elle par le lunetier parisien François Pinton.

Plus seyantes étaient les XXL en carré arrondi -la forme même de son visage- fournies par Nina Ricci. Une photo de 1978 la montre cachant ses yeux de veuve impeccablement faits derrière ce double écran, et posant sur le monde ce regard enchanté mais distant que toutes lui enviaient déjà. Et que ses fans peuvent désormais arborer grâce au modèle réédité par Nina Ricci.

Ces vastes lunettes carrées se prévalent d’une autre superwoman, la styliste Emmanuelle Khanh. C’est grâce à cet attribut guerrier que l’on se souvient encore de Renée Mézière, mannequin rebaptisé Emmanuelle d’après un roman leste de l’époque et dont le nom, avec ses deux « h » impossibles à placer, ressemble lui aussi à une paire de lunettes.

Germanopratine « libérée », elle habillait les femmes actives des années 1970 d’une mode qui leur ressemblait, robes-sacs et parapluies transparents. Quand toutes camouflaient leur myopie, elle affirma la sienne en élaborant ces lunettes voyantes, qui allaient rendre courage à deux générations de binoclardes.

« Elle fut la première à envisager les lunettes comme un accessoire de mode, en y insérant les tissus de ses collections », explique Didier Marder, directeur général de la marque. Portées par Françoise Sagan, Catherine Deneuve, Jane Birkin, Françoise Hardy, Isabelle Adjani – mais aussi par Stevie Wonder et par le gentleman-gangster Alfred Spaggiari – ces icônes des Trente Glorieuses vivaient encore au travers de multiples fan-clubs. Cet été, la réédition – à l’identique – de ses modèles va réjouir les lolitas qui n’auraient pas déjà chipé celles de leurs mères.

Voilà quelques saisons que les solaires sont géantes et la « pipolisation » les fait encore enfler. Elles affolent les ados, amateurs d’oversize.

Sliimy, le nouveau phénomène de la pop juste âgé de 20 ans, les promène sur les plateaux télé, les suffragettes de la Nouvelle Star s’en servent pour faire les belles.

Des lunettes qui statufient les bouilles les plus anodines et font voir la vie en panoramique. Passé 40 ans, on les porte pour d’autres raisons. « Elles affinent le visage, explique magasins-optique-opticiens-050000-PARIS@18-75-Paris.html » target= »_new »>Annette Hoffman, l’opticienne en vue de la rue des Abbesses, à Paris. Outre protéger les yeux et la peau alentour, elles camouflent les ridules et les poches. » Chez JLC, rue du Bac, on affirme: « Sur 2 paires de solaires vendues, 1 est oversized. » Au moindre rayon de soleil, ces yeux de mouche éclosent en parterres aux terrasses des cafés.

La protection n’est qu’un argument mineur pour ces fées du look, qui changent votre tête plus vite qu’un cosmétique, et transforment votre anonymat en célébrité cachée. Avec elles, la vie semble un éternel bal masqué dont la ville, bien plus que la plage, est le terrain de jeux.

Leurs dimensions illustrent l’opulence d’un marché, jadis chasse gardée des opticiens, qui a généré ses propres chaînes de distributeurs – tel Solaris, qui renouvelle tous les ans 90% de ses collections pour rester sur le fil de la mode – où les lunettes se vendent comme des petits pains.

Avec des prix qui peuvent atteindre 500 euros, elles apportent au luxe un ballon d’oxygène à l’heure où s’essoufflent les ventes d’accessoires, qui le portaient depuis dix ans. Tout le monde s’engouffre dans ce secteur, qui a progressé de 11% en valeur sur deux ans (source: Solaris), autorisant les rebonds spectaculaires (Tom Ford) et les départs en fanfare (Caroline Abram, dont les lignes s’appellent Audrey, Grace et Sofia). Après Montblanc et Jimmy Choo, 2009 voit arriver Jil Sander, Dsquared2, Paul & Joe, l’agence Andrée Putman et Karl Lagerfeld, en attendant Tod’s, Hogan et John Galliano l’an prochain.

Dans cet eldorado dynamisé par une communication massive, on ne rabougrit ses logos que pour mieux brandir les codes de la marque: vraies perles de culture chez Chanel, peau à imprimé lézard chez Bottega Veneta, motif Flora chez Gucci – dessiné en 1966 pour Grace de Monaco… Si la mode, cette année, joue les transparences et les couleurs (notamment le blanc et le bicolore), c’est au sein d’une vague vintage dominée par les Wayfarer, une forme créée par Ray-Ban qui emporte tout, grâce à la caution des stars, d’Elle Macpherson à Tilda Swinton …

Et les magazines people – qui capturent souvent leurs proies masquées – de devenir de vrais cahiers de tendances pour être incollables sur les modèles du moment.

Les stars, c’est justement la chose la moins rare chez ces lunetiers d’élite qui agitent les branchés. Chevaliers de l’acétate noble et du titane, de l’incassable et de l’inrayable, ces marques inventives et coûteuses – Cutler and Gross, Christian Roth, Linda Farrow… – ont leurs quartiers chez Marc Le Bihan à Paris.

C’est là encore qu’on retrouve le Berlinois Mykita, qui masque ce que Hollywood a de plus en vue. Ou Oliver Peoples, plébiscité par Zooey Deschanel ou Jessica Simpson.

Quand les adeptes du no logo ne croient plus aux marques, c’est pour mieux succomber au mysticisme de la star. Et plaquer tant et tant de visages sur un objet d’abord conçu pour préserver l’anonymat…

Surfant sur la vague vintage, la Clubmaster de Ray-Ban retrouve une nouvelle jeunesse sur les jeunes pousses du rock.

Avec ses verres légèrement arrondis, soulignés d’une barre en métal rouge ou bleue, elle fleure bon la simplicité des lignes et l’optimisme des années Happy Days, quand l’énergie du rock’n’roll et les milk-shakes coulaient à flots. Relancée par Ray-Ban ce printemps, la Clubmaster est entrée au catalogue des Icons maison (parmi lesquelles on compte la Wayfarer et l’Aviator).

Son histoire commence en 1986. Les années 1950 sont à la mode et Ray-Ban imagine des lunettes dont la ligne « sourcil » évoque les modèles que portaient à l’époque Malcolm X ou les beatniks. Son allure rétro est si réussie que Denzel Washington les portera en 1992 pour interpréter à l’écran le leader des Black Muslims, tout comme Kevin Costner dans JFK.

En version 2009, la Clubmaster s’est un peu métamorphosée. Allégée, sa monture en acétate arbore sur ses branches et sa barre frontale un effet « fripé » et s’offre sept coloris vifs. Mais aussi de nouveaux ambassadeurs pour incarner les valeurs de cool et de liberté chères à la jeunesse des fifties. Du coup, la marque du groupe Luxotticaa imaginé les Ray-Ban Remasters, une série de concerts au cours desquels de jeunes groupes ont été invités à revisiter une chanson culte des débuts du rock.

Après les Black Kids à New York, The Kills à Pékin, la tournée s’est achevée en avril dernier à Milan avec les concerts de Ladyhawke et de Young Knives. Une thérapie pop et antidéprime (130 euros le modèle) à consommer sans modération.


Charlotte Brunel – L’Express Styles.fr

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