Michelle Obama, le bilan fashion d’une First Lady

Lors de sa première apparition publique, la First Lady portait une tenue d'un de ses designers préférés, Narciso Rodriguez. © Getty Images

Elle est belle, intelligente, drôle, affiche un look irréprochable, sait danser, chanter et ne se laisse jamais décontenancer : Michelle Obama a été la pop star que l’Amérique n’aurait jamais osé espérer comme Première Dame. Et ses choix, qu’il s’agisse de ses coups d’éclat médiatiques ou de sa garde-robe, ont toujours été mûrement réfléchis. Pour la bonne cause.

La fin approche sérieusement – le 8 novembre prochain, les Américains passeront aux urnes – et la Toile mondiale s’enflamme. « Il n’y aura jamais plus de First Lady comme Michelle Obama », « 13 moments qui nous ont fait tomber amoureux de Michelle Obama », « 11 raisons pour lesquelles Michelle Obama va me manquer », « 10 moments où on aimerait être aussi cool que Michelle Obama », « 15 raisons pour lesquelles Michelle Obama est le modèle d’excellence de la First Lady »… A l’heure où Barack boucle ses huit ans de présidence US sur un bilan mitigé, son épouse sort par la grande porte, en laissant dans les esprits quelques moments mémorables qui ont fait exploser le carcan de l’archétype de sa fonction potiche, genre « sois belle et tais-toi ».

Michelle Obama, le bilan fashion d'une First Lady
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Parmi les vidéos qui circulent de manière virale au moment des adieux, il y a son Carpool Karaoke pour The Late Late Show. Le concept de cette séquence récurrente dans le talk-show de la chaîne CBS ? Le présentateur, James Corden, emmène des stars – en général des chanteurs : Adele, Sia, One Direction… – en voiture, ils papotent et se lâchent ensemble sur l’un ou l’autre tube. Lors de son passage à l’antenne dans ce programme, Michelle s’est déchaînée sur Get Ur Freak On de Missy Elliott, avec la rappeuse, casquette des New York Yankees orange fluo et lèvres mauves, assise sur la plage arrière en passagère surprise. Mais Michelle n’était pas uniquement là pour démontrer les qualités de son flow hip-hop : dans la bande-son du karaoké automobile figurait également This is For My Girls, l’hymne officiel de sa campagne « 62 Million Girls » pour l’éducation des filles et qu’interprète un combo de chanteuses dont font partie Janelle Monáe, l’ex-Destiny’s Child Kelly Rowland et… Missy Elliott. Avec la First Lady, rien n’est laissé au hasard. Sous des dehors frivoles et fun, le propos est sérieux, aussi sérieux que lorsqu’elle s’adresse à toutes les jeunes femmes lors d’une conférence en affirmant « qu’aucun garçon n’est assez mignon pour vous empêcher d’accéder à l’éducation ». On rappellera utilement ici que cette arrière-arrière-petite-fille d’esclaves en Géorgie est diplômée en droit de l’université Harvard et a longtemps exercé comme avocate.

Même constat pour une autre séquence vidéo où l’Américaine se déhanche sur scène, entourée de danseurs sur Uptown Funk de Bruno Mars : la chorégraphie faisait partie de sa campagne « Let’s move » contre l’obésité, fléau US s’il en est. Pour la promouvoir, Michelle O. a même fait un concours de pompages avec Ellen DeGeneres sur le plateau de son show. Concours qu’elle a gagné, of course. Car elle ne se contente pas de faire la morale, elle donne l’exemple.

Derrière les vêtements

En 2013, Michelle Obama, qui avait déjà figuré très haut dans le classement du Vanity Fair, était désignée par le Sunday Times comme « la femme la mieux habillée du monde ». En matière d’épouses de présidents, on n’avait pas vu autant d’élégance depuis Jackie Kennedy. Et dans le domaine vestimentaire également, ses motivations ne sont pas que glamour.

Jason Wu, autre créateur fétiche de Michelle Obama, qui l'habilla pour sa parution en couverture de Vogue et signa cette robe blanche portée lors du bal d'investiture.
Jason Wu, autre créateur fétiche de Michelle Obama, qui l’habilla pour sa parution en couverture de Vogue et signa cette robe blanche portée lors du bal d’investiture.© getty images

Pendant ses huit années à la Maison-Blanche, Michelle s’est montrée assez fidèle au styliste américain Narciso Rodriguez, dont elle portait une robe noire rehaussée d’un rouge flash lors de son apparition initiale en tant que Première Dame. La success-story de Rodriguez, fils d’immigrés cubains (son père était docker à New York) avait sans doute de quoi lui plaire. Tout comme celle de Jason Wu, le jeune prodige originaire de Taïwan basé aujourd’hui à Big Apple, qui l’a notamment habillée lorsqu’elle a fait pour la première fois la cover de Vogue US. Mais la fashionista n’a pas défendu que les designers américains, elle a en parallèle mis sa notoriété et sa visibilité mondiale au service de la mode d’un continent en pleine effervescence à ce niveau, et pourtant trop peu médiatisé : l’Afrique.

Lors de sa première apparition publique, la First Lady portait une tenue d'un de ses designers préférés, Narciso Rodriguez.
Lors de sa première apparition publique, la First Lady portait une tenue d’un de ses designers préférés, Narciso Rodriguez.© Getty Images

En 2013, elle accompagnait son mari pour un voyage qui passait par le Sénégal, l’Afrique du Sud et la Tanzanie. Parmi ses tenues, elle affichait alors des looks griffés Maki Oh, le label de la styliste nigériane Amaka Osakwe, et de la marque Osei-Duro qui produit des vêtements « socialement responsables » et durables et dont la production implique des artisans du Ghana.

« Je rêve tellement de voir les premières dames africaines en faire autant plus souvent, car le pouvoir économique dont on nous parle sans arrêt dans « l’émergence » continentale passe aussi par-là », affirmait à ce sujet Marina Tsonga sur une des pages de son blog Young Gifted and Black.

Vêtue d'un top Maki Oh et d'une jupe Osei-Duro lors d'un voyage de représentation en Afrique du Sud.
Vêtue d’un top Maki Oh et d’une jupe Osei-Duro lors d’un voyage de représentation en Afrique du Sud.© reuters

Coups de pouce

En octobre 2014, Michelle Obama a organisé à la Maison-Blanche une journée « Celebration of Design », un événement associant workshops et réception, auquel participaient 150 étudiants en mode ainsi qu’une flopée de stars du milieu, avec en première ligne la prêtresse fashion Anna Wintour.

La journée Celebration of Design, à la Maison-Blanche, avec Anna Wintour en invitée.
La journée Celebration of Design, à la Maison-Blanche, avec Anna Wintour en invitée.© Getty Images

Parmi les invités figuraient plusieurs stylistes africains. On y comptait Amaka Osakwe, ou encore Duro Olowu et Mimi Plange. Cette dernière est installée à New York, mais affirme que l’Afrique reste sa principale source d’inspiration. On retrouve par exemple l’influence des scarifications de sa mère ghanéenne dans son travail du cuir en relief et des robes de style victorien inspirées des femmes Héréros de Namibie et du Botswana. Si elle a collaboré avec Manolo Blahnik et habillé Rihanna pour son anniversaire et sa seconde tournée mondiale en 2012, la créatrice considère qu’elle doit son aura médiatique à l’épouse du président, qui l’avait repérée à ses débuts grâce à un article du New York Times et qui a porté ses tenues à la télé, notamment chez Barbara Walters sur la chaîne ABC.

La collaboration de Mimi Plange, avec Manolo Blahnik.
La collaboration de Mimi Plange, avec Manolo Blahnik.© Getty Images

Quant au fashion designer nigérian Duro Olowu, né en 1966 à Lagos et qui partage aujourd’hui sa vie entre Londres et New York, il a été choisi plusieurs fois par la Flotus (First Lady of The United States), notamment pour un passage aux côtés de son époux dans le talk-show d’Oprah Winfrey. Elu en 2010 Best International Designer aux African Fashion Awards, Duro Olowu a renoncé à la carrière d’avocat que lui destinait sa famille pour prendre cette voie créative et se distingue par ses imprimés aux couleurs électriques, qu’il assemble dans des compositions baroquisantes. Il compte aujourd’hui parmi ses clientes célèbres Keira Knightley, Uma Thurman et Linda Evangelista. En 2015, Michelle l’a invité à participer, avec Carolina Herrera et Kenzo, à la déco de Noël de la Maison-Blanche.

En Duro Olowu, aux côtés de son mari, dans le talk-show d'Oprah Winfrey.
En Duro Olowu, aux côtés de son mari, dans le talk-show d’Oprah Winfrey.© AFP/Getty Images

Pour la notoriété de tous ces créateurs, le coup de pouce de Michelle Obama a eu un impact incommensurable. Avec son statut de trendsetteuse, elle a rejoint les rangs des Beyoncé, Rihanna, Kelis et autres Alicia Keys qui, par leurs choix vestimentaires audacieux, ont ouvert les yeux du monde sur une nouvelle génération, en plein boom, où figurent aussi le Sud-Africain Laduma Ngxokolo, les Nigérianes Lisa Folawiyo et Lanre Da Silva Ajayi, la Zimbawéenne Intisaar Mukadam ou encore le Mozambicain Taibo Bacar. Un dressing qui ne séduit pas que les Afro-Américaines, loin de là, comme l’ont déjà prouvé avec maestria Kim Kardashian, Gwen Stefani ou Katy Perry. Oui, décidément et de plus en plus, l’Afrique, c’est chic !

PAR ESTELLE SPOTO

Joue-la comme Michelle

Beyoncé, grande fan de la boutique Kisua. ©
Beyoncé, grande fan de la boutique Kisua. ©© Reporters

Comme Beyoncé et sa soeur Solange, comme la chanteuse Estelle et l’actrice Lupita Nyong’o, Michelle Obama est cliente de la boutique en ligne de mode africaine Kisua. Cette plate-forme dont le nom signifie « personne bien habillée » en swahili a été lancée en novembre 2013 par l’homme d’affaires ghanéen Sam Mensah Jr., formé en économie à l’université d’Oxford, ex-directeur d’Intel Capital Africa et ex-analyste à la Deutsche Bank. Lors de ses voyages à travers l’Afrique, Mensah avait pris l’habitude de rapporter des vêtements à ses amis et il a constaté que de plus en plus de personnes étaient demandeuses de ce genre de créations. L’idée lui est alors venue de développer une structure qui permettrait de faire rayonner les stylistes africains à travers le monde. Le succès a été immédiat et l’info est tombée dans quelques oreilles de choix. « Quand la styliste de Beyoncé nous a contactés, on a d’abord pensé que c’était une blague et on n’a pas répondu avant une semaine et demi », se souvient le fondateur. Evidemment, la visibilité offerte par Queen Be a dopé la fréquentation du site et les pièces qu’elle avait portées ont rapidement été épuisées.

Basé à Johannesbourg, Kisua réunit aujourd’hui une dizaine de stylistes – Chechi Arinze, Beatrice Black Atari, Jamil Walji, Tina Lobondi… – du Nigeria, du Kenya, du Ghana et de RDC et possède des centres de distribution en Afrique, Europe et Amérique. La production des vêtements s’effectue en grande majorité sur le continent noir, avec des matières premières principalement locales et surtout avec un souci constant de haute qualité, de durabilité et d’éthique, notamment dans l’autonomisation des femmes et les conditions de travail du personnel. Une initiative inspirante à bien des égards.

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