Paris est à nous

En plein coeur de la Fashion Week parisienne, le pari des Belges pour l’automne-hiver 09-10. Balade en coulisses, dans les showrooms, et itinéraire coup de coeur.

En plein coeur de la Fashion Week parisienne, le pari des Belges pour l’automne-hiver 09-10. Balade en coulisses, dans les showrooms, et itinéraire coup de coeur.

Rendez-vous, place Beauvau, à la galerie Ariane Dandois, Paris VIIIe. Au showroom de 101 % Brussels Fashion, organisé par Bruxelles Export et Modo Bruxellæ. On pousse la porte, on tombe immanquablement sur une belle poignée de jeunes créateurs bruxellois d’âme, de coeur, de sang.

Jessie Lecomte. Avec une collection inspirée de la peinture tridimensionnelle, en noir, mauve et rouge. Où l’on retrouve ses broderies, son esprit haute couture, ses tissus nouveaux, sa fluidité mariée à la rigidité, sans que ce ne soit la guerre, son amour des kimonos, son 100 % made in Belgium, « j’y tiens », dit-elle et son univers si riche, définitivement hors de tout chemin modeux.

Isabelle Baines. Avec quelques belles nouveautés : des robes dans une maille raffinée, des nuisettes ravissantes à réchauffer d’une petite cape, des écharpes denses, des cravates fines, tricotées dans l’atelier de la créatrice, le long du canal, à Bruxelles. Du sur-mesure et une qualité à laquelle Isabelle Baines n’a jamais dérogé. Des bleu marine désirables, du rose tout doux, une collection qui porte des noms de comptine, « mimosa », « chou » ou « groseille ». Et une actualité en mouvement puisque Isabelle Baines change de crèmerie : en septembre prochain, elle emménage rue de la Longue Haie, à Bruxelles et en profite pour faire un saut à Cologne où elle expose sa collection dans la boutique épurée de la créatrice Eva Gronbach.

Olivia Hainaut. Avec des bijoux en cristal de roche à arborer comme des trésors tribaux, des écharpes en cuir perforé, tressé, maillé, doux comme de la soie, de longs et ravissants colliers de fleurs parce que « il n’y a rien à faire, rit-elle, les fleurs, c’est mon truc ». Tout chez Olivia Hainaut respire la délicatesse. Même ses envies cuirassées.

Conni Kaminski. Avec une collection Femme construite sur buste – la créatrice venue d’Allemagne n’hésite pas à travailler le drapage et le moulage d’où la profusion de coupes asymétriques avec détails sportifs dans des tissus haut de gamme. Ajouté à cela de la maille en 100 % mérinos qui se joue des transformations. Et une petite collection Homme parce que dans sa boutique-atelier de la rue Marché au Charbon, à Bruxelles, on le lui a souvent demandé avec insistance.

Carine Gilson. Avec sa lingerie couture qui puise dans les années 1920 et dans son art de dénuder en ne dévoilant pas grand-chose. Depuis quinze ans, la créatrice, diplômée de l’Académie d’Anvers, raconte une belle histoire où l’underwear se mue en « überwear ». Car tout ici est pensé – les matières (rien que du satin de soie), les couleurs (toujours faites maison), les incrustations (de dentelle sublime). Une sophistication qui tend à la perfection. Et quand Carine Gilson décline ses inspirations en une gamme « plus casual » – tee-shirts et leggings en mousseline de soie Lycra, on manque défaillir sur le champ.

Christa Reniers. Avec ses incontournables qui n’ont pas pris une ride – ses bagues Black Star ou Ball Cascade et ses nouvelles créations – sa Links Ring ou sa Dots Ring – qui rappellent que depuis 1992 cette autodidacte a le sens du bijou intemporel, de l’or, de l’argent et des pierres semi-précieuses jamais nunuches, toujours organiquement architecturés. Bon plan fashion : pour fêter son installation dans sa toute nouvelle boutique de la rue Antoine Dansaert, numéro 196, Christa Reniers discounte ses bagues, bracelets, colliers, pendants et boucles d’oreille. (30 % durant tout le mois d’avril)

Direction le Showroom Antwerp, le pendant du 101 % Brussels Fashion, mais avec comme son nom l’indique rien que de l’anversois, réuni sous la houlette du Flanders Fashion Institute au Studio Lacen, Paris IIIe. Arrêt total respect devant les sacs sobres et chics souvent rigides et architecturaux de Michaël Verheyden, lauréat 2009 d’un « Henry Van de Velde award for young talent » mérité. Puis arrêt douce impression devant la collection maille de Hilde Frunt et celle de son fils Sigi – un duo qui manie la paire d’aiguilles comme peu.

Galerie Felli, rue Vieille du Temple. Tim Van Steenbergen est là, avec sa collection Femme, Homme, ses chaussures, les lunettes pour Théo et son talent inspiré. Il confie en montrant un tailleur en laine très vieux tweed : « Je voulais revenir à des formes organiques, des matières plus nature, des laines feutrées, pour créer une silhouette qui s’intègre dans son environnement ». On sait qu’il a pensé à l’artiste Josef Beuys et avait aussi envie de rendre hommage à Mademoiselle Chanel. Il précise qu’il aime toujours ce qui est très « tailored » et que le vêtement soit beau autant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Cela donne des silhouettes étudiées, années 1930 ou 1940, d’une féminité exquise et d’une cohérence totale.

A deux enjambées de là, Christian Wijnants s’est inspiré des couleurs de la peintre sud-africaine Marlène Dumas – des pastel, des bleus, des gris, des couleurs du ciel. Il les a posées sur des formes et des matières qui rappellent le mouton. « Je voulais quelque chose de cosy, explique-t-il, de doux et d’agréable mais en même temps je ne voulais pas d’un hiver trop sombre, j’avais envie de fraîcheur, de positif. » Résultat : de beaux drapés en velours, de la maille comme des couvertures, un imprimé fleur délicat, un catsuit olive et une robe dans une soie écaille très animale, « une folie », pure et contemporaine. Ne pas oublier de suivre ce garçon ultracouronné et prof à l’Académie royale des beaux-arts d’Anvers.

Détour par l’Hôtel de Retz où Ann Demeulemeester présente sa collection sur cintres, en showroom, spécialement pour les acheteurs. Tous ici portent du noir et du blanc, on ne s’est pas trompé d’adresse. On repère les gilets avec grelots, la maille XXL, les bottes cavalières, les bijoux de tête avec plumes noires, les vestes edwardiennes sans cesse réinventées, les ceintures-corset à lanières qui sanglent la taille et la chemise en voile évanescent, le marcel avec inscription « Holy », les très très très longues robes sans manches et les rubans de poignet avec messages subliminaux tels « a snake in the grass with wings ». Et toujours ce supplément d’âme.

Presque par hasard, pousser la porte d’un showroom rue Saintonge et retenir son souffle …a moment in time… C’est le nom d’un projet audacieux, ambitieux, imaginé par Anne Chapelle, CEO et propriétaire de Ann Demeulemeester et Haider Ackermann. L’idée : créer une collection maille avec une équipe de neuf talents presque anonymes et avec l’aide d’un expert venu du dehors, travailler en team et construire une garde-robe tricotée et crochetée en marron, beige, « wine », gris et noir. Soit des pulls inventifs, des grosses vestes cocon, de longs manteaux en alpaga peint, des robes fines en cachemire et des leggings sans couture. Une collection d’indispensables furieusement désirables. Laquelle sera agrémentée de capsules « …a moment in desire… » (lingerie), « …a moment in touch… » (jersey) ou « …a moment in care… » (produits de beauté) en exclusivité sur un site e-commerce. Un argumentaire poétique et pragmatique, différent et spirituel. Une respiration. C’est ça, la magie de la mode.

Anne-Françoise Moyson


Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content