Paris Fashion Week Jour 7: sérenité chez Hermès et la rage ado chez Saint Laurent

Chez Hermès, on n’oublie jamais ses racines. Rendez-vous donc au manège des Célestins, à la Garde républicaine, boulevard Henri-IV, Paris 4e. Les chevaux sont à l’écurie, le sable a momentanément disparu, recouvert pour l’occasion d’un plancher de bois avec gradins assortis, c’est chic et sobre à la fois. C’est un jour particulier pour le sellier, de même pour Nadège Vanhee-Cybulski – en juillet dernier, elle était nommée  » responsable de la création des collections féminines  » de la maison, prenant ainsi la succession de Christophe Lemaire parti développer son univers personnel. Autant dire qu’il s’agit d’un baptême du feu, la créatrice ayant plutôt eu l’habitude d’oeuvrer dans l’ombre, successivement chez Margiela, Céline et The Row, on a vu pire comme bagage. Sur un body à col roulé en maille de coton façon fil d’Ecosse blanc cassé, bleu marine, rouge ou bleu curaçao, elle construit ses silhouettes avec une belle cohérence et une vraie modernité : elle y ajoute un blouson esprit sellier en agneau, un pantalon à taille haute ou une jupe en maille de laine et soie double face ; une chemise d’homme en twill de soie et une jupe à plis creux ; un pull d’homme et une jupe portefeuille en agneau et twill de soie imprimé. Tout ici prouve le savoir-faire de la maison, des bottines en chèvre velours à la ceinture en crocodile Porosus lisse noir et métal palladié, du mini-losange foulard en jacquard de soie au sac Octogone en box rouge H, du bijou de tête Brides de Gala en or rose, diamants, cuir velours et saphirs violet au sac Poudrier en alligator Mississippiensis lisse. Et quand vient le soir, avec huit passages parés de satin duchesse, de vison, de soie tussah, le compte est bon, soit quarante silhouettes d’une grande élégance, les deux pieds dans ce XXIe siècle qui ne pourra pas être totalement esclave du tout à l’image vite consommée déjà oubliée. Ce vestiaire réussi, on l’aura compris, ne sacrifie pas à la facilité, jamais chez Hermès, c’est admirable. Nadège Vanhee-Cybulski salue cheveux au vent. Elle rit – le bonheur, cela se partage.

Chez Saint Laurent Paris, on a laissé tomber le Yves sauf, bizarrement, à l’entrée du Carreau du Temple où s’affichent les logos aux trois lettres imbriquées, ce YSL mythique dessiné par Cassandre en 1961 avant même que la première collection haute couture de la maison ne foule le catwalk. Depuis, le créateur n’est plus, mais sa garde rapprochée est là pour assister au show concocté par Hedi Slimane – Pierre Berger et Betty Catroux n’ont rien de gardiens du temple. L’invitation est un collector, comme toutes les autres depuis que ce Parisien né en 1968, photographe par ailleurs et Angeleno par adoption, occupe ce poste de directeur artistique (2012). Cette fois-ci, il s’agit d’un carnet de dessins et collages datés de 1974 à nos jours et signé par Jim Shaw, personnage atypique, artiste proche de la scène néo-conceptuelle californienne des années 80 qui puise son inspiration dans la culture vernaculaire et la société US consumériste, le tout sur mediums multiples, voilà pour les références. Sur le podium, qui d’abord aura fait dans l’esbroufe en se surélevant juste avant le début du show, les filles se lancent, air peu commode, collants troués mais avec couture, elles affichent une garde-robe ado telle qu’on la pratiquait fin ’80 début ’90, avec cet ajustement foutraque de jupon de tulle sous mini jupes patineuses, avec perfecto (redimensionné ici en queue de pie) ou veston piqué aux hommes. Ça brille aussi, évidemment, et ça a l’allant de la jeunesse qui n’en a rien à faire de ce que les gens pensent. En cela, Hedi Slimane rejoint monsieur Saint Laurent, qui avait tout compris de l’air du temps saisi dans la rue, sur Loulou de la Falaise et Betty Catroux, la boucle est bouclée.

Anne-Françoise Moyson

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