Pierre Vanherck, un créateur de cannes au savoir-faire unique

Devenu facteur de cannes par une succession d’heureux hasards, Pierre Vanherck est l’héritier d’un savoir-faire unique en Europe. Ses créations s’arrachent dans le monde entier.

Le parcours de Pierre Vanherck ressemble à une suite de coïncidences, qui débute lors de son service militaire. Alors jeune électromécanicien, il trompe l’ennui sous les drapeaux en s’initiant à l’informatique, ce qui lui vaudra d’être embauché dans un centre de recherche. Dix-huit ans durant, il testera la résistance des matériaux, jusqu’au jour où il surprend son patron en faute grave, ce qui précipitera son départ, dans des conditions plus que confortables. Chômeur forcé, il s’adonne à sa passion du bois et crée du mobilier contemporain. Cela n’aurait dû durer que six mois, mais les commandes se succèdent, au point de le pousser à investir dans de nouveaux équipements. Il rachète les machines d’un vieil ébéniste de Namur, mais à condition d’embarquer son stock de bois, « deux bons mètres cubes » qu’il prend à contrecoeur, et oublie dans un coin de son atelier.

Parmi les engins qu’il acquiert se trouve un tour à bois, qu’il s’entête à maîtriser – « beaucoup de copeaux pour peu de résultat ». Il finit par se faire la main et se voit reconnu artisan tourneur. Un jour, alors qu’il s’apprête à débiter une tige pour en faire des stylos, une voix intérieure l’empêche de sacrifier la pièce d’ébène. D’instinct, il rappelle le Namurois, qui l’affranchit : « C’est du bois précieux, datant de la fin du XIXe siècle. On s’en servait pour faire des cannes de prestige, mais c’est trop compliqué à réaliser. » Piqué au vif, Pierre décide de relever le défi, et trois mois plus tard, sa première canne est exposée au salon ArtisanArt. Dès l’ouverture, un amateur le prend de court en l’achetant sur-le-champ, 300 euros. Pris de remords, l’heureux propriétaire reviendra lui avouer qu’un tel objet se négocie entre 1 500 et 2 000 euros – mais se gardera de restituer cette incroyable aubaine.

Nous sommes alors en 2004 et Pierre Vanherck, qui jusqu’alors concevait surtout des stylos et des petits champignons en bois, s’enferme un semestre dans son atelier, décidé à creuser ce filon original et lucratif. Bien lui en prit : une douzaine d’années plus tard, il a vendu le fruit de son travail dans maintes boutiques huppées et hôtels 5-étoiles, de la place Vendôme à Monte-Carlo en passant par Tokyo, où un magasin à son nom va ouvrir, et New York, où une de ses créations fut adjugée pour plus de 40 000 euros. Le baron de Rothschild et le pape Benoît XVI comptent parmi ses clients.

Aujourd’hui, il « s’éclate » au gré des commandes personnalisées, jongle entre bois précieux – ébène, palissandre… – et matériaux nobles, repoussant les limites de la physique en s’appuyant sur ses connaissances techniques. La preuve avec son modèle électriquement conducteur grâce à la fixation d’atomes d’argent, une première mondiale. Comme en témoigne son portfolio, sa seule limite est l’imagination : pommeaux ouvragés, sertis de diamants ou d’un Louis d’or, réalisés en noix de banksia garnie d’or coulé ou en céramique exhalant du parfum au contact de la main, canne-épée cachant un fleuret, pommeau accueillant stylo, clé USB ou montre gousset, cigare ou fiole à whisky, « et même un sex-toy ! », précise-t-il non sans malice.

De la belle ouvrage, sur mesure et ergonomique, pour réhabiliter une certaine coquetterie masculine : « Le néodandysme veut que les hommes s’accessoirisent, explique-t-il. J’ai un client qui vient chaque année pour gainer le pommeau d’un cuir identique à celui de ses chaussures. Ce qui lui permet de jouer entre ses différents pommeaux, fûts et trompettes, pour se composer quotidiennement une canne assortie à son habillement. » Et lui, est-il adepte ? « Si je vais au théâtre ou au resto, je sors ma canne. Et on m’accoste à tous les coups », se félicite-t-il à raison.

pierre-vanherck.com

CINQ DATES-CLÉS :

2003 : Pierre Vanherck quitte son poste dans un centre de recherche.

2004 : Vente de la première canne au salon ArtisanArt.

2006 : Il remporte le concours de La vitrine de l’artisan et enregistre la marque Pierre Créations.

2014 : Lancement de sa deuxième marque, Pierre Vanherck.

2016 : Il ouvre une boutique à Tokyo.

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