Quel avenir pour la haute couture?

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Avec ses codes stricts et ses usages désuets, elle semble parfois d’un autre âge. A quoi ressemblera la haute couture dans un avenir proche ? Trois questions à Stéphane Wargnier, le tout nouveau président exécutif de la Fédération française de la couture du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode.

En septembre dernier, Jean Paul Gaultier annonçait qu’il arrêtait le prêt-à-porter pour se consacrer entièrement à sa couture. Est-ce la fin d’une ère ?

Non. Jean Paul Gaultier a autant créé en prêt-à-porter qu’en couture, il a envie de se concentrer sur la deuxième, où il est plus libre, où il n’y a pas de contraintes. Il l’a dit, beaucoup, partout. A l’âge qu’il a, et il a quand même beaucoup donné, il a envie de se concentrer sur ce qui l’excite le plus. Il a la chance d’avoir une société qui a eu l’intelligence de se structurer, entre autres, en développant des parfums qui lui assurent les conditions de sa survie. L’un des éléments-clés pour ce secteur c’est évidemment de fabriquer de l’image et, pour cela une collection de couture cela marche largement aussi bien, sinon mieux, que le prêt-à-porter. Je pense que c’est un calcul extrêmement habile, il sort la tête haute de la partie prêt-à-porter mais ne quitte pas du tout le milieu de la mode : il continuera à inventer le printemps-été 2015, l’automne-hiver 15-16 et les suivants…

Pour un jeune, être dans le giron d’un grand groupe de luxe, est-ce mieux ?

Cela peut aider, ne serait-ce que s’il agit en tant que financier. Mais un tel groupe apporte-t-il autre chose ? Je ne sais pas, je n’en suis pas certain à 100 %, mais c’est un point de vue personnel. C’est tellement différent, le quotidien d’une entreprise où l’on est trois et celui d’une autre, où travaillent trois mille salariés… Mais de toute manière, pour se lancer dans la mode, il faut beaucoup d’énergie, de détermination et avoir des amis. Tous les biopics sur Saint Laurent ne peuvent laisser ignorer que quand on commence, on commence petit.

La fast fashion et la digitalisation ont-elles modifié les rythmes de la mode?

Oui, beaucoup, complètement. Avant, il existait ce que l’on appelle un press release, les journalistes avaient le droit d’assister à la présentation de la collection mais pas celui de communiquer immédiatement, il fallait attendre jusqu’à une certaine date. A une époque, il n’était même pas question de faire des photos pendant les défilés, ceux que l’on prenait sur le fait, en train de dessiner, se faisaient virer manu militari et l’on appelait la police. Cette notion de conserver la création jusqu’au moment de sa commercialisation était beaucoup plus forte alors. La télé a perturbé les choses, le digital les a complètement transformées. Les rythmes professionnels ne correspondent plus nécessairement aux propositions en boutiques, c’est en partie ce qui a fait sans doute se détourner le public de la véritable création. Il n’y a pas si longtemps, je me souviens que l’on attendait les sorties des numéros spéciaux fin août pour découvrir la mode de la saison, aujourd’hui, tout arrive de façon complètement décalée par rapport à la réalité du moment où l’on va s’habiller dans un magasin. C’est déconnecté.

Stéphane Wargnier, nouveau président exécutif de la Fédération française de la couture du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode.
Stéphane Wargnier, nouveau président exécutif de la Fédération française de la couture du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode.© DR

>>> Envie d’en savoir plus ? Découvrez l’intégralité de cette interview dans Le Vif Weekend de ce 19 décembre 2014.

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