Tendance grunge, back to the nineties

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Catherine Pleeck

S’il se revendique anti-mode par nature, le mouvement grunge ne cesse d’inspirer, jeans déchirés et chemises de bûcheron en tête. Le défilé Saint Laurent pour l’hiver 13-14 en est le plus bel exemple.

Ces mannequins-là pourraient être les filles de Courtney Love, la compagne de Kurt Cobain, chanteur du groupe Nirvana, suicidé en 1994. Elles ont le regard charbonneux, la mèche collée par la sueur, une moue boudeuse. Leur look se veut rebelle et destroy : microjupe en cuir ou robe baby-doll bousculée par une chemise à carreaux, bas résille, bottines à talons plats. Dans le Grand Palais, à Paris, où est organisé le défilé automne-hiver 13-14 de Saint Laurent, les rédactrices de mode restent dubitatives, certaines n’hésitant pas à qualifier la collection d’affreuse, de cheap.  » Les professionnels du secteur n’ont pas compris ce défilé, considère Florence Müller, historienne de mode à l’IFM, l’Institut français de la mode. Pour eux, il n’avait aucun sens. Ils ont eu l’impression que ce retour en arrière stylistique ne permettait pas d’aller de l’avant.  »

Cette référence claire aux années 90 et au style grunge déroute. Mais a y réfléchir davantage, ce come-back des nineties n’a rien d’étrange. Pour s’en convaincre, il suffit de s’attarder sur le parcours d’Hedi Slimane et sur les motivations premières d’Yves Saint Laurent. Le premier cité, engagé en 2012 pour dépoussiérer la maison parisienne dotée jusqu’alors du sigle YSL, puise dans la décennie qui lui est chère. Celle de sa jeunesse, celle durant laquelle le créateur débutait sa carrière, comme directeur du prêt-à-porter Homme chez Yves Saint Laurent, déjà.

Ici, avec ses silhouettes contestataires estampillées  » California grunge « , il entend prendre de la distance avec la bourgeoisie, bousculer l’establishment. Comme un certain Yves, qui affirmait en son temps :  » Ce que je veux, c’est choquer, pousser les gens à réfléchir.  » Et puis surtout, Hedi Slimane prouve, une fois encore, sa capacité à capter et à retranscrire l’air du temps.  » Ce retour du mouvement grunge fait écho à quelque chose de palpable en rue, indique Florence Müller. Il correspond à une vraie réalité, très jeune, croisée dans la vie quotidienne. En s’inspirant de cette mode, les marques comme Saint Laurent montrent avant tout leur souci d’être connectées à l’esprit du temps. Et, en agissant de la sorte, elles tombent très souvent juste. « 

>>> Retrouvez le décryptage complet Tendance grunge, Back to the nineties de Catherine Pleeck dans Le Vif Weekend en librairie le 11 octobre 2013.

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