Un homme seul

En 2004, quand Tom Ford a claqué la porte d’Yves Saint Laurent en déclarant que désormais, son but dans la vie était de faire un film, j’ai fait comme tout le monde. J’ai ricané.

En 2004, quand Tom Ford a claqué la porte d’Yves Saint Laurent en déclarant que désormais, son but dans la vie était de faire un film, j’ai fait comme tout le monde. J’ai ricané. Quelques années plus tard, lorsque j’ai appris qu’il s’attelait à l’adaptation d’un roman d’Isherwood et que Colin Firth et Julianne Moore figuraient au casting, j’ai un peu moins ricané. Excellents, les premiers échos du film ont achevé de me clouer le bec. Je restais pourtant méfiante: je ne comprenais pas où l’esthétisante bande annonce voulait en venir, et je craignais un film trop homo pour réussir à m’identifier au héros.

Hier soir, je suis allée voir A Single Man. J’avais tort de me méfier. J’aurais dû savoir que l’on pouvait faire confiance à Tom Ford. Qu’il résuscite une illustre marque italienne ou qu’il réalise un film pour la première fois, son degré d’exigence demeure le même. A Single Man est un film splendide, émouvant, universel.

1962. Depuis Cuba, L’URSS menace les Etats Unis de ses fusées. A Los Angeles, comme partout ailleurs dans le pays, l’heure est à la psychose, mais George (Colin Firth) s’en fout. Six mois plus tôt, son compagnon s’est tué dans un accident de voiture. Prof d’anglais, il tente tant bien que mal d’assurer ses cours à l’unversité, mais chaque jour est une épreuve. Muré dans sa solitude, il songe au suicide. Le film raconte ce qui pourrait être sa dernière journée.

On entre dans le film comme on chausse une paire de loafers en cuir souple. Les Sixties de Mad Men s’ouvrent à nous, lisses et séduisantes. Le soleil californien caresse les corps. Les filles relèvent leurs cheveux en chignons compliqués, les garçons imitent l’allure de James Dean. La maison de George est un fantasme d’architecte. Tout le monde est beau. A aucun moment on n’oublie que celui qui filme est l’homme qui a remis le porno chic au goût du jour il y a 15 ans. Cette sensualité signée pourrait nous empêcher d’entrer complètement dans le film, mais le jeu des acteurs et la rigueur du scénario sauvent la mise.

De même que la température de l’image varie en fonction de l’humeur de George, Colin Firth décline devant nous une palette subtile de sentiments. A ses côtés, Charley (Julianne Moore) et Kenny (Nicholas Hoult), un de ses élèves, le soutiennent de leur mieux. Comme eux, on aimerait pouvoir lui apporter un peu de chaleur en le serrant dans nos bras. On sort du film amoureux de Colin… et de sa maison.

Géraldine Dormoy
A Single Man, sortie en France le 24 février.

PS: maintenant que j’ai vu le film, je me repasse en boucle la bande annonce. La musique d’Abel Korzeniowski suffit à me donner la chair de poule.

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