Vanessa Seward, portrait d’une timide flamboyante chez A.P.C

Injecter un esprit couturedans le vestiaire A.P.C? n’est pas un crime de lèse-majesté. Juste un petit pas de côté, un twist signé Vanessa Seward. La créatrice allurée sait ce qu’elle fait. Et elle le fait bien.

On est toujours un peu/beaucoup le produit de sa famille. Dans le cas de Vanessa Seward, on ne s’étonnera guère de trouver du sang argentin et du God Save the Queen mêlés, l’allure de sa grand-mère, de sa mère, de son père diplomate, des garde-robes des uns et des autres pour qui le vêtement était une histoire de classe.

Dès lors, ses silhouettes auront la taille haute, parce que « cela fait le buste menu » et que « c’est flatteur » et, dans son abécédaire de créatrice, l’on retrouvera les décolletés djellaba, les blouses adorées, les incrustations de dentelles, les chaussures tango, ne pas oublier d’où l’on vient – Vanessa Seward préfère les femmes de Buenos Aires, qui, avec leur shoes, font l’inverse des New-Yorkaises, après leur journée de boulot, elles enfilent leurs escarpins à brides pour aller danser rioplatense dans les milongas.

Donc, l’élégance, en guise d’héritage génétique – « Je déteste quoi qu’il arrive quand la mode est déguisement. » Et en guise de cadeau maternel à sa petite Jacqueline – « avec ma pauvre fille je continue, elle a 3 ans et c’est déjà Debbie Reynolds. » Elle a de l’humour, des lettres et une culture cinématographique imparable, les grandes comédies musicales de Hollywood, ce qui sortait des studios de la MGM, « ces merveilles d’esthétique ».

Son style, qui est aussi sa signature, est un heureux mélange d’époque et de lignes – le Londres des années 70, la silhouette de Lauren Hutton ou d’Anjelica Huston, la splendeur des tissus Abraham. On ne craint pas le pire à lire cette liste non exhaustive. Autant d’influences que Vanessa Seward porte contrastées, timidité et fragilité assumées. Elle a l’envie de dire vrai, pourquoi se raconter des histoires ?

Elle a grandi à Londres jusqu’à 10 ans, petit passage à Buenos Aires et puis Paris, où elle écume les Puces, ado, se créant un vestiaire  » non mode « , on résiste comme on peut. Elle étudie au très parisien studio Berçot, son idole à l’époque, c’est Martine Sitbon, on lui propose d’entrer chez Chanel, elle y va à reculons –  » Je ne voulais pas, c’était un truc de vieille bourgeoise « , préciser qu’elle ne pense plus pareil.  » C’est l’époque des über models, deux cents passages par défilé, des tonnes d’accessoires (c’est sa part de job). C’était génial et cela a été très difficile de quitter la griffe, c’était mon premier travail, mais je me disais qu’il fallait que je puisse voir autre chose.  »

Deux ans chez Saint Laurent, aux débuts de Tom Ford, un autre monde, mais formateur, puis entrée chez Azzaro, en 2002, où elle travaille en tête à tête avec Monsieur avant de reprendre tout toute seule, elle est pétrifiée mais elle sait qu’elle ne peut  » pas laisser passer une telle occasion « . Elle puise dans les archives et réinvente la robe Trois Ronds, comme elle est intemporelle. Ni Carine Roitfeld ni Diane Lane ne démentiront, on se souvient de les avoir vues chez elle ou aux Oscars en Azzaro par Vanessa Seward.

Il lui faudra très logiquement quelques mois d’adaptation quand l’aventure prendra fin en 2011, une petite détestation de ses robes Azzaro, une boulimie de fringues A.P.C., pour contrebalancer,  » quand on quitte une maison, on a besoin de changer de peau  » et l’invitation qui tombe du ciel, par Judith et Jean Touitou, ses amis et créateurs d’A.P.C., une collection capsule, pourquoi pas ? Depuis, cela fait trois saisons qu’elle est sur les portants, cette petite ligne A.P.C. par Vanessa Seward, plus couture, sensuelle, seyante, avec soie et dentelles, mais pas sans la simplicité des lignes.

Aucune raison d’arrêter une si belle collaboration, la collection du printemps-été 2014, la quatrième, est déjà sur les rails. Ça lui va, à Vanessa, elle s’en donne à coeur joie, elle fait dans le flou,  » c’est là où je suis le plus confiante « , même si elle sait que rien ne l’empêche de passer à autre chose –  » j’aime bien les défis.  »

Elle n’a pas oublié cette sentence que lui avait glissé à l’oreille monsieur Lemarié, le roi des plumassiers, elle travaillait alors chez Chanel :  » Ce n’est pas bien de connaître trop la technique, cela arrête la créativité.  » Elle ne s’interdira donc rien, jamais, sauf de lancer une marque à son nom –  » je n’ai pas assez d’ego pour avoir besoin de ça et je ne suis pas frustrée.  » Et elle rit – laisser faire le destin, le privilège des timides flamboyantes.


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