Des métiers d’art de chez nous, un savoir-faire à promouvoir

Des ouvrages tout en finesse réalisés dans l'atelier wavrien de Bernard Depoorter. © Daniel Pierot

En France ou en Grande-Bretagne, les Métiers d’Art symbolisent l’excellence. En Wallonie, par contre, leur statut n’est pas défini et leur existence reste plutôt méconnue du grand public.

La Région wallonne ne manque pas de talents. Prenez le couturier-artisan Bernard Depoorter, qui défile pendant la semaine de la haute couture, à Paris. A seulement 35 ans, il est le gardien de techniques en voie de disparition en Belgique et même en Europe. C’est dès la petite enfance que le créateur originaire de Wavre s’est intéressé aux étoffes.  » Quand j’étais bébé, ma mère me cousait des bouts de satin sur mes peluches et cela me calmait ; on peut dire que je suis né avec le toucher du tissu « , se souvient-il. A 7 ans, il découvrira dans le grenier de la maison familiale une immense malle remplie de vêtements ; sa future vocation deviendra une évidence. Il se formera finalement à diverses pratiques du xviiie siècle et fondera un atelier,  » véritable laboratoire qui préserve des savoir-faire anciens mais mise aussi sur l’avenir avec de nouvelles méthodes ou matières « . Avec son équipe, il se spécialisera dans la plumasserie, le travail du cuir et la parurerie florale…

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© sdp

Ce concepteur wallon n’est toutefois pas le seul à se distinguer par ses mains en or. Arnaud Murzeau, jeune luthier qui vient d’installer son atelier au coeur du musée Grétry à Liège, Alain Lovenberg, graveur d’armes formant désormais des apprentis (lire par ailleurs)… : ces Belges brillent dans leur domaine, mais hélas bien souvent dans l’anonymat le plus complet.

Qualifier et quantifier

L’une des problématiques majeures concerne l’identification de ces professionnels. Car, a contrario des pays limitrophes, il n’y a chez nous actuellement aucune définition ou statut reconnu pour ceux-ci. Il existe certes un label pour l’artisanat, mais il regroupe autant les maroquiniers que les boulangers…

L’autre question concerne la quantification. En 1996, une Entente interprovinciale des métiers d’art a vu le jour, mais les provinces n’ont jamais réussi à recenser le nombre exact de maîtres encore en activité. D’autant que, comme le souligne une responsable de la cellule du Brabant wallon, toutes ne travaillent pas de la même façon :  » Par exemple, à Liège, il y a plus de mille inscrits, alors que nous n’en comptons que septante car il y a des critères et un jury de sélection. « 

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Toutes ces institutions partagent néanmoins une même inquiétude :  » Il s’agit de pratiques vieillissantes et donc en perdition. L’ouverture et la transmission s’avèrent dès lors essentielles.  » C’est pourquoi la Région wallonne et son ancien ministre de l’Economie, Jean-Claude Marcourt, ont, dès 2014, mandaté et subventionné l’ASBL Wallonie Design pour plancher sur le sujet. L’objectif : créer un dialogue entre les acteurs et améliorer leur visibilité.  » Ces savoir-faire anciens peuvent en réalité aboutir à des choses très contemporaines et continuer à innover « , se justifie la chargée de projet, Véronique Closon. Le remaniement gouvernemental de l’été a néanmoins perturbé le travail de l’association.  » Nous continuons toujours certaines de nos actions, mais nous sommes dans l’attente d’une réaction de Pierre-Yves Jeholet « , nous dit la responsable. Au cabinet de l’actuel ministre wallon en charge de l’Economie, de l’Emploi et de la Formation, on nous confirme que le dossier est à l’étude… mais qu’il y beaucoup de pain sur la planche par ailleurs et que l’issue ne sera connue qu’en 2018.

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3 questions à ALAIN LOVENBERG

Graveur d’armes, une pratique ancienne qui se raréfie, puisqu’ils ne seraient plus qu’une trentaine, en Belgique.

Alain Lovenberg
Alain Lovenberg© Bea Uhart

Comment êtes-vous devenu maître-graveur ?

Je pourrais presque dire que c’est le métier qui m’a choisi. Au départ, je voulais me diriger vers la peinture artistique. Mais j’ai bifurqué car mon style de dessin au trait convenait particulièrement bien à la gravure au burin.

Comment vous êtes-vous formé ?

J’ai tout de suite été séduit par le calme qui se dégageait de la classe. J’ai eu la chance d’avoir des professeurs qui étaient aussi des graveurs de talent. Ce sont eux qui m’ont initié à cette tradition liégeoise. Grâce à cela, j’ai pu prendre un bon départ pour continuer ma formation personnelle ensuite.

Comment vous impliquez-vous dans la transmission de votre savoir-faire ?

J’ai déjà eu des élèves et apprentis mais quant à savoir s’ils seront maîtres-graveurs un jour, cela dépend d’eux. La Région wallonne m’a accordé une aide pour assurer le perfectionnement de deux étudiants, choisis pour leurs aptitudes. Ce sera une formation intensive d’un mois. Cette aide est évidemment la bienvenue mais il faudrait qu’elle soit renouvelable et sur un plus long terme car un mois, même avec quelqu’un de doué, c’est insuffisant. Le temps est le vrai problème dans nos métiers car, dans une époque où tout va très vite, il est nécessaire de pouvoir s’extraire de ce tourbillon pour s’atteler à des tâches qui n’autorisent pas la distraction.

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