Helena Kritis: l’avenir est féministe

Helena Kritis © Frédéric Raevens

Dans la foulée de la Women’s March, le Beursschouwburg, à Bruxelles, met le féminisme en haut de l’affiche avec un festival d’un autre genre. Profession de foi de l’une de ses têtes pensantes.

Ce jour-là sur toute la planète on vit les slogans fleurir.  » Pussy grabs back « ,  » Women’s rights are human rights  » et  » Future is feminist « . La date ne tenait pas de la nécessité du hasard, on était le 21 janvier 2017, au lendemain de l’investiture de Donald Trump, 45e président des Etats-Unis. Sur les sept continents, près de cinq millions de personnes se rassemblèrent ainsi, toutes minorités confondues et sous une seule bannière engagée, Women’s March. Ce jour-là, à Bruxelles, l’équipe du Beursschouwburg décida que l’écho de ce grassroots movement n’en finirait pas de se faire entendre. Cela faisait des années que ce centre des arts polymorphe avait choisi le féminisme en filigrane dans ses programmes offrant une plate-forme à la question et aux artistes qui en font la part vibrante de leurs créations. Mais il fallait que les choses soient nommées. Avec The Future Is Feminist, elles claquent comme un manifeste mêlant sur trois mois performances, films, expos, débats, workshops, safe space et nightlife, la joie en plus.

Comment se fait-il qu’il y ait si peu de directrices u0026#xE0; la tu0026#xEA;te des institutions artistiques de ce pays ?

A la co-programmation, Helena Kritis, spécialisée en arts visuels. Et féministe, cela va de soi.  » C’était évident pour nous, nous devions parler de ce nouveau féminisme intersectionnel.  » Lequel croise les dominations de race, de travail, de génération, de classes sociales – le moyen contemporain de dépasser tous les patriarcats et de forger une vision du monde renouvelée. Il sera question du corps de la femme, de son objectivation, de la complexité et du plaisir, du féminisme post-binaire et queer. Le lisse, très peu pour elle, Helena sait d’expérience que ce mouvement s’est toujours construit entre  » amour et rage « , pour reprendre les mots de Donna Haraway, philosophe, primatologue, vibrante militante américaine qu’elle a eu le bonheur de rencontrer. Comme beaucoup d’autres, elle croit à l’efficience des quotas, à la discrimination positive ; elle s’emporterait presque –  » Comment se fait-il qu’il y ait si peu de directrices à la tête des institutions artistiques de ce pays ; et qu’à la Mostra de Venise, seules deux réalisatrices soient en compétition ?  »

Son éducation, elle l’a commencée très tôt, par petites touches impressionnistes, avant de s’affirmer. Il a d’abord fallu qu’elle grandisse à Audenarde, Flandre-Orientale, se coltine des humanités en latin-sciences chez les nonnes, avant de filer à Gand, étudier la photo au KASK, tout en se faisant à terme la lucide confidence qu’elle n’est pas une artiste.  » Je n’avais pas le besoin vital de devoir produire moi-même, mais je savais que je voulais travailler dans ce champ-là et soutenir d’autres créateurs.  » Elle enchaîne alors avec un Master  » performing arts and film studies  » et travaille très vite comme  » production and curatorial assistant  » au M HKA, le musée d’art contemporain d’Anvers où elle s’installe par amour.

En 2008, elle se mue en navetteuse, le Beursschouwburg devient son bureau, elle y est engagée comme coordinatrice artistique avant de se voir confier la programmation des arts (audio)visuels par Tom Bonte, le directeur général et artistique qui a déboulé là en 2011 et qui privilégie le collectif.  » J’ai tout appris au Beurs. Mon métier de programmatrice et bosser en team. J’ai aussi découvert beaucoup de choses sur les artistes, sur comment mettre leur travail en lumière et comment notre maison peut les soutenir de la meilleure manière qui soit.  » A la liste de ses combats, elle a donc très naturellement rajouté celui contre la précarité de ceux qui sont et font la culture. Elle vous l’accorde sans détour, sans eux, le Beursschouwburg n’existerait pas, son job, idem et le monde serait plus injuste encore, moins beau certainement.

The Future Is Feminist, Beursschouwburg, 20-28, rue Auguste Orts, à 1000 Bruxelles.

www.beursschouwburg.be

Du 29 septembre au 22 décembre prochain.

Voir aussi dans Focus Vif de ce 22 septembre.

Bio express

1981. Naît à Gand.

1999. Entame un Master en Arts au KASK à Gand.

2006. Est engagée au M HKA, à Anvers.

2008. Entre au Beursschouwburg comme coordinatrice artistique.

2017. Programme The Future Is Feminist.

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