Que deviennent vos données en ligne après votre mort ?

Free WiFi cemetery © Getty Images/iStockphoto

A la fin de ce siècle, Facebook deviendra le plus grand cimetière du monde. L’occasion de se questionner sur ce qu’il adviendra des données que vous laisserez sur le Web après votre trépas. Entre immortalité digitale et complications du deuil, tour d’horizon de la mort sur Internet.

En 2065, Facebook comptera plus d’utilisateurs décédés que de vivants si sa croissance s’arrête. Il faudra attendre 2130 si le site continue de se développer. Actuellement, plus de 30 millions de profils appartiennent déjà à des défunts. Au-delà des chiffres, une question persiste : que deviennent vos données en ligne après votre mort ? Dans tous les cas, ces data vous appartiennent. Cela signifie que personne ne peut se connecter à votre place.

Que deviennent vos données en ligne après votre mort ?
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Le réseau social de Mark Zuckerberg propose de transformer votre page en mémorial. L’expression « en souvenir de » est alors affichée à côté de votre nom et vous êtes retiré des espaces publics tels que les rappels d’anniversaire ou les publicités – l’inverse serait extrêmement maladroit. On retrouve aussi la mise en place d’un système de « légataire » chargé de gérer votre compte à la suite de votre trépas. Ce quidam, désigné de votre vivant, aura la possibilité d’écrire un message épinglé en haut de votre timeline commémorée, de changer votre photo de profil et de couverture et de répondre aux demandes d’ajout à la liste d’amis. Tout ça, sans s’identifier à votre place. Elle ne pourra pas effacer ou modifier vos publications, lire vos conversations privées ou supprimer vos connaissances. La famille et les amis peuvent également demander la suppression de votre page, à condition de fournir une preuve d’autorité et un acte de décès. La tâche est donc compliquée. Des applications liées au site font aussi leur apparition, comme If I Die, qui propose de partager vos dernières volontés sous la forme d’une vidéo ou d’un texte publié ultérieurement à votre dernier voyage, et Sanctri, qui n’apporte rien de plus que Facebook à vrai dire mais qui le fait de manière moins publique, plus intime.

Concernant Twitter, les identifiants inutilisés sont supprimés après six mois. Du côté de Google – qui regroupe Gmail, Drive, YouTube etc. -, il y a un gestionnaire de compte inactif à configurer. Tout d’abord, il suffit de définir un délai d’expiration – de 3 à 18 mois – au terme duquel le profil est considéré comme abandonné. Peu avant la date fatidique, vous recevrez un sms d’alerte – si jamais vous êtes en vie mais que vous aviez oublié de vous connecter depuis des mois déjà. Vous pouvez également ajouter des contacts de confiance et partager vos données avec eux. De plus, il est possible de programmer la suppression future de votre compte.

Eternité virtuelle

Plus ou moins récemment, une multitude de sites et d’applications concernant la mort online ont vu le jour. Par exemple, l’appli Legacy Organiser – seulement pour iPhone – vous permet de spécifier vos préférences pour votre enterrement : des musiques aux photographies en passant par les souvenirs à évoquer. Plus troublant, Eternime propose de créer votre avatar capable de discuter avec vos proches et d’échanger des pensées avec eux, mais après votre décès. Ici, pas de planche ouija, censée permettre la communication avec les esprits, juste une série d’algorithmes et une intelligence artificielle qui récoltent, compilent et analysent les informations que vous avez postées sur Internet. Pour l’instant, la plate-forme n’est pas encore fonctionnelle ; il est juste possible de s’inscrire à la newsletter. Et que penser de ces cimetières virtuels aux noms évocateurs – tunousmanques.fr, defunt.be et autres dansnoscoeurs.fr qui fleurissent sur la Toile ? Comme une messe du souvenir 2.0, entre recueillement privé et malaise partagé, il est possible d’y déposer un cierge, une couronne de fleurs ou un petit mot au format digital.

« Le deuil est à la fois un itinéraire personnel lié à la relation unique que l’on a avec le défunt – un fils ou une fille ne se résigne pas à être privé de leur père de la même façon – et la perte est un moment partagé par des gens plus ou moins proches de l’être disparu qui lui donnent une signification sociale ou culturelle », explique le docteur Alain Sauteraud, psychiatre spécialiste du deuil. Mais cette omniprésence de la personne décédée en ligne peut entraîner des complications, comme un deuil chronique, complexe et persistant. « La page Facebook d’un mort qui reste active sous-entend que celui-ci est toujours là. En ce sens, cela ne semble pas être un bon cadre pour un processus de deuil qui vise à réaliser la perte, à ressentir l’absence. C’est comme garder la chambre du défunt intacte, comme s’il allait revenir. On peut le comprendre dans les premiers mois, mais le maintien à terme de cette mise en scène est un facteur de risque de problèmes pathologiques. » Pour toutes ces raisons, les experts conseillent de rédiger un testament numérique avec ses identifiants et ses mots de passe. Une dernière demande, peut-être aussi importante que le don d’organes ou la volonté d’incinération…

Par Yoris Bavier

Cimetière connecté

Que deviennent vos données en ligne après votre mort ?
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Depuis quelques années maintenant, il est possible pour les visiteurs de certains cimetières de lire la biographie d’un trépassé et de consulter ses portraits, ses mémoires, ses vidéos tout simplement en scannant – avec son smartphone – un QR code apposé sur la pierre tombale. Le concept américain ne cesse de s’étendre aux quatre coins du monde : Japon, Grande-Bretagne, Pays-Bas, France… Cette tendance répond à une réelle demande. Une personne décédée est bien plus qu’un simple patronyme et deux dates gravées sur du marbre. Ce petit carré blanc et noir permet donc à qui le veut – ou à un cercle restreint à la famille et aux amis – d’en savoir un peu plus, non pas sur un individu décédé, mais sur quelqu’un qui a vécu. Alain Sauteraud, psychiatre spécialiste du deuil, se veut rassurant : « Une fois dépassée la possible stigmatisation négative d’un code-barres – qui renvoie plutôt à un produit d’hypermarché qu’à un être aimé -, il n’y a aucun inconvénient à cette pratique. » Malgré tout, la demande peine à décoller chez nous. Tout simplement parce que ceux qui utilisent des smartphones ne sont pas forcément ceux qui visitent le plus les cimetières.

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