Rencontre avec Oliviero Toscani, l’oeil choc de Benetton de passage à Liège

Oliviero Toscani © SENNE VAN DER VEN

Le photographe italien s’est fait un nom dans les années 80 et 90 avec ses campagnes chocs pour Benetton. Il opère son grand retour auprès de la marque et exposera son travail à Liège, au début 2018 (*).

Créativité

 » Je ne travaille pas avec des gens qui se définissent comme des  » directeurs créatifs « , un titre auquel même Dieu n’aurait pas voulu prétendre. La créativité réside dans nos incertitudes, notre imagination, nos non-sens. Il me suffit de regarder un fond blanc et de laisser libre cours à mes idées. Si je peux donner un bon conseil à tout le monde : éteignez votre smartphone ou votre ordinateur et consacrez chaque jour un peu plus de temps à votre fantaisie. « 

Partage

 » Mes photos, je ne les prends pas pour moi, mais pour partager ma vision avec le monde. L’art, pour moi, c’est un service public, quelque chose de gratuit. C’est pour cela que je travaille pour les médias de masse : l’art entre des mains privées, à mes yeux, c’est inconcevable. La même chose pour les oeuvres qui n’existent que par et pour la forme, la couleur ou la composition. Elles seront forcément médiocres. Un bon artiste analyse la condition humaine, fût-ce sans toujours se prendre trop au sérieux. On peut être à la fois engagé et drôle ! « 

Mode

 » Tout le monde me connaît grâce à Benetton. Ils avaient alors le plus gros budget et la plus grande visibilité, mais cela fait plus de cinquante ans que je travaille pour des magazines de mode et des marques partout dans le monde. Je reviens aujourd’hui auprès de la griffe après près de vingt ans. La nouvelle campagne s’articule autour du thème de l’intégration. Nous avons peur de tout ce qui nous est inconnu. Nous craignons le terrorisme et la guerre, mais le plus grand danger, c’est en nous qu’il sommeille. Le suicide fait plus de victimes que les attentats. C’est à ce problème que nous devrions nous consacrer. « 

Provocation

 » Une photo n’est jamais choquante. Ce qui nous heurte, c’est la réalité qu’elle dévoile et que nous ne voulons pas voir. La photographie nous prend aux tripes beaucoup plus profondément que la réalité. Tout le monde avait déjà vu des bateaux de réfugiés à la télévision… Mais ce n’est que lorsque nous avons découvert le corps sans vie du petit Aylan que nous avons vraiment été touchés. « 

Liberté

 » Je ne suis pas un photographe de mode, d’actualité ou de natures mortes. Je suis un témoin de mon époque,et j’utilise un appareil photo pour raconter mon histoire. Je suis l’homme le plus heureux et le plus privilégié au monde ! Travailler avec qui je veux, comme je veux : c’était ma seule ambition lorsque j’ai débuté, et le fait de l’avoir réalisée est ma plus grande réussite. Pour être libre, il faut énormément de discipline, il faut pouvoir dire non et oublier l’argent. Je ne recherche pas non plus le succès : je n’ai rien à perdre et rien à prouver. « 

Par IRIS DE FEIJTER.

(*) Oliviero Toscani, Razza Umana, Cité Miroir, à 4000 Liège. www.citemiroir.be Du 11 janvier au 1er avril prochains.

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