Le magnétique Joaquin Phoenix

Joaquin Phoenix © Reuters

L’Américain Joaquin Phoenix , prix d’interprétation masculine à Cannes, excelle dans les rôles troubles pour lesquels il a imposé un jeu intense. Portrait.

Dans ce thriller psychologique, l’acteur de 42 ans impressionne en vétéran de l’Irak, traumatisé, mutique et ultra-violent, qui doit exfiltrer une adolescente d’un réseau de prostitution. Massif, présent de tous les plans, il crève l’écran, le visage tuméfié, mangé par une barbe épaisse.

Né le 28 en octobre 1974 à Porto Rico, dans les Caraïbes, Joaquin, troisième d’une fratrie de cinq, grandit dans une famille hippie, adepte de la secte des « enfants de Dieu » qui passe sa vie sur les routes d’Amérique du Nord, avant de s’établir à Los Angeles.

Là, les parents font appel à un agent pour lancer la carrière artistique de leur progéniture, avec un certain succès, puisque Joaquin et son aîné de quatre ans, River, sont embauchés dans deux téléfilms en 1982 et 1984.

En 1986, Joaquin, rebaptisé « Leaf » (feuille), joue dans son premier film, « Spacecamp », puis en 1989 dans « Portrait craché d’une famille modèle » de Ron Howard.

Mais sa carrière reste en retrait de celle de River, star de « My own private Idaho » (Gus Van Sant, 1991) après avoir incarné le jeune Indiana Jones dans « La dernière croisade » (1989).

En 1993, celui-ci meurt d’une overdose. L’appel désespéré aux services de secours de Joaquin, alors âgé de 19 ans, est vendu aux médias et tourne en boucle sur les radios et la télévision. Traumatisé, le jeune acteur se met en retrait des studios.

Il fait son retour en 1995, face à Nicole Kidman, dans « Prête à tout » de Gus Van Sant. Il brille ensuite dans des rôles de personnages sombres: notamment en mauvais garçon dans « U-Turn » d’Oliver Stone et surtout en empereur romain Commode, ennemi de Russell Crowe dans « Gladiator » (2000), qui lui vaut sa première nomination aux Oscars.

La même année, avec « The Yards », il tourne pour la première fois sous la direction de James Gray, dont il deviendra un des acteurs fétiches (« La nuit nous appartient », « Two Lovers », « The immigrant »).

Joaquin Phoenix
Joaquin Phoenix© Reuters

– Fausse descente aux enfers –

La consécration vient en 2005 pour l’acteur au physique bourru, avec ses yeux bleu-vert, ses cheveux sombres et sa cicatrice sur la lèvre supérieure. Il est choisi pour incarner Johnny Cash, disparu deux ans plus tôt à 71 ans.

Phoenix apprend pendant six mois à jouer de la guitare et à chanter pour coller au personnage de l' »homme en noir » et décroche le Golden Globe du meilleur acteur et un Grammy.

Devenu une tête d’affiche à Hollywood, il se lance alors dans un projet fou. Il annonce arrêter le cinéma pour faire carrière dans le hip-hop.

Pendant deux ans, les médias décrivent sa descente aux enfers, entre concerts catastrophiques, excès en tous genres et interviews chaotiques. Silhouette empâtée et barbe longue, il se montre bredouillant, hagard, lors d’une émission télévisée américaine. Il reprendra cette apparence pour « You Were Never Really Here ».

En fait, tout n’est qu’artifice. Joaquin Phoenix, strict végétalien connu pour ses engagements sociaux, est en train de tourner dans le plus grand secret un faux documentaire (« I’m still here », 2010), sous la direction de son beau-frère Casey Affleck, et pousse la performance jusqu’à incarner son personnage hors plateau.

Le film est tièdement accueilli. D’aucuns prédisent à l’acteur un retour de bâton pour s’être prêté à cette supercherie. Il n’en est rien.

Spike Jonze, Woody Allen, entre autres, recrutent l’acteur au jeu fiévreux et magnétique, qui excelle dans les rôles d’homme tourmenté par des conflits intérieurs et en proie à l’isolement, physique ou mental.

En 2012, il remporte le prix d’interprétation au festival de Venise pour son rôle dans « The Master » de Paul Thomas Anderson, conjointement avec Philip Seymour Hoffman, qui confie alors: « il me fait peur, et c’est une bonne chose ».

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