Rencontre avec Louis Garrel, une égérie pas bégueule

A tout juste 30 ans, il est le visage du nouveau parfum Valentino Uomo. Rencontre exclusive à Venise avec le plus Italien des acteurs français.

Lorsqu’il se lève pour nous accueillir, la chevelure bouclée décoiffée comme il faut, en chemise blanche à col ouvert et costume sombre malgré la douceur de cet après-midi de septembre qui inviterait plutôt au farniente le long de la piscine de l’hôtel Cipriani, Louis Garrel est 100 % raccord avec l’image du jeune premier tourmenté qu’il assume d’un film à l’autre. A un petit détail près : Louis Garrel sourit.

Pas bégueule du tout, la clope au bec, il se lâche même sans faire d’histoires. Ce qui rend son charme agaçant d’évidence encore plus désarmant. Sûr qu’il n’a pas dû se forcer beaucoup pour se glisser dans la vision moderne de la Dolce Vita filmée par Johan Renck – pas vraiment le même registre que la série Breaking Bad dont il a réalisé trois épisodes… – qui tient lieu de décor à la campagne du nouveau parfum Valentino Uomo. « Cet air toujours sérieux que j’ai pu avoir, avant, sur les photos, ça m’est passé, lâche-t-il. Un jour, alors que je participais à un shooting pour un magazine, le photographe en regardant les polas qu’il avait pris pour des essais m’a dit : « oh, là, là, toi, surtout, ne souris jamais ! » Ça m’a filé des complexes. Aujourd’hui, je n’ai plus peur de sourire, même si cela me met encore un peu mal à l’aise. C’est bizarre mais lorsqu’on sourit, on a toujours peur d’avoir l’air idiot. Surtout face à la foule des tapis rouges. C’est angoissant. Au point de vous rendre parano. Mais heureusement, avec le temps, j’ai appris peu à peu à apprivoiser l’idée d’être en représentation. »

Ce n’est donc pas un hasard, finalement, s’il se sent prêt aujourd’hui à en remettre une couche en acceptant de jouer le jeu de l’égérie, lui que l’on sait pourtant avare d’interviews et plutôt secret. « Devenir le visage d’une grande maison, c’est important bien sûr, moins en tant que passage obligé dans la carrière d’un jeune acteur que pour ce que cela peut m’apporter comme nouvelles expériences, poursuit-il. Ici par exemple, même si cela m’arrive souvent de défendre un film, le contexte est tout à fait différent. C’est l’image qu’une marque veut donner d’elle-même qui est en jeu. Là, par exemple, pendant que je réponds à vos questions, je suis sûr qu’ils sont en train de se demander si je ne vais pas lâcher une grosse connerie. » Au vu de son parcours perso, plutôt réglo et maîtrisé, la maison Valentino n’a pas trop de soucis à se faire. Preuve par cinq.

Louis Garrel est un bosseur. Fils de Philippe le cinéaste, petit-fils de Maurice, l’acteur, il en est venu au 7e art comme d’autres reprendraient la boulangerie familiale. Sans trop se poser de questions. « Pourtant, gamin, j’ai eu envie de devenir médecin, confesse-t-il. Le problème, c’est que j’étais mauvais en math. »

Enfant de la balle, il sera donc. Enfant chéri du cinéma d’auteur, aussi. Celui de son père d’abord qui lui fait goûter, à 6 ans déjà, aux frissons des tournages et ne cesse depuis de lui confier ses plus beaux rôles, tous plus autobiographiques les uns que les autres. La jalousie, récit d’un désamour familial programmé, ne fait pas exception. Pas que fils à papa pourtant – d’ailleurs, il l’appelle Philippe -, Louis né Garrel s’est fait un nom sur les bancs du Conservatoire de Paris avant d’être rattrapé par l’envie des autres – Bernardo Bertolucci, Xavier Dolan, Valeria Bruni-Tedeschi mais surtout Christophe Honoré – de tourner avec lui. « C’est vrai que je travaille plutôt avec des réalisateurs qualifiés d’auteurs qui cherchent à raconter des histoires qui leur sont très personnelles, reconnaît-il. Et c’est ce que j’aime en général. Etre dirigé par des gens obsédés, maniaques, qui savent exactement ce qu’ils veulent. Un film, c’est le rêve de quelqu’un. Et nous les acteurs, nous devons l’aider à aller jusqu’au bout. Sur le tournage du spot, c’était la même chose. L’ambiance était la même que sur un court-métrage. Et j’ai tout de suite senti que je pouvais faire confiance à Johan Renck, le réalisateur. »

>>> Les chansons d’amour, Christophe Honoré (2007)

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Louis Garrel est un exhibitionniste qui s’assume. Même s’il admet ne plus se laisser désaper devant la caméra aussi facilement que lorsqu’il avait 18 ans – l’affiche des Innocents de Bernardo Bertolucci ne laisse rien ignorer de sa plastique -, il sait qu’une ligne de texte peut elle aussi vous mettre à nu. « Oui, pour oser faire ce métier, il faut être un peu exhibitionniste, ce serait un peu fou de le nier, admet-il. Même si l’on se cache toujours derrière quelque chose ou quelqu’un quand on joue. Sur scène ou devant la caméra, je ne suis pas moi. Je ne suis pas fier de me montrer, je suis fier de porter les dialogues d’un metteur en scène. » Même lorsque le scénario ressemble comme deux gouttes d’eau à son vécu à lui – dans Un château en Italie – (disponible en DVD dès le 13 mars.) , film de son ex-compagne et mère de sa fille, Valeria Bruni-Tedeschi, il joue l’amant de celle-ci -, c’est un rôle comme un autre. Le film sur ce qu’il ressent à se dévoiler ainsi, ce sont plutôt les spectateurs qui se le font.

Louis Garrel aime les filles. Comme toutes les icônes de style qui s’ignorent, Louis Garrel assure ne rien savoir ni comprendre de la mode. Heureusement, les femmes de sa vie, ces filles « plus intelligentes et plus érudites » que lui, avec lesquelles il se plaît à parler pendant des heures même si elles le « dominent intellectuellement », toutes ces actrices exceptionnelles qu’il a croisées, en quatorze ans de carrière, et qui l’on fait et vu grandir – au hasard, on empile Jane Birkin, Eva Green, Chiara Mastroianni, Ludivine Sagnier, Léa Seydoux, Monica Belucci, Valeria Bruni-Tedesci, Anna Mouglalis, sans oublier sa chérie, la comédienne iranienne Golshifteh Farahani – savent être de bon conseil, quand il faut parler chiffon. « Quand la maison Valentino m’a proposé cette collaboration, Isabelle Huppert m’a dit sans hésiter : « c’est la plus belle marque, vas-y, fais cette pub tout de suite, c’est super », raconte-t-il en imitant jusqu’aux intonations de l’actrice française. J’ai regardé les robes de plus près et j’ai mieux compris pourquoi toutes mes copines étaient folles de Valentino. »

Louis Garrel adore jouer à se faire peur. En regardant les étoiles par exemple. « L’idée même de l’infini, c’est un truc qui m’angoisse totalement, lâche-t-il. Rien que d’en parler, déjà, ça m’angoisse. » Ou en montant sur une scène du théâtre, comme il le fera tous les soirs jusqu’au 23 mars prochain sur celle de l’Odéon, à Paris, pour incarner Dorante aux côtés d’Isabelle Huppert dans Les fausses confidences de Marivaux. « Pour moi, c’est beaucoup plus fou que le cinéma, explique-t-il. Un tournage, c’est un peu comme une colonie de vacances où l’on travaille entre soi. Au théâtre, il faut chaque jour aller au-devant de 600 personnes, 600 inconnus qui sont venus vivre quelque chose d’exceptionnel. On n’a pas d’autre choix que d’être présent pour tous ces gens, même si on n’est pas d’humeur à monter sur scène. C’est grisant de domestiquer ainsi l’existence, de donner à voir des choses qui émeuvent ou qui font peur. »

Louis Garrel ne le sait pas mais il est Italien. Dans l’âme en tout cas. « J’avoue que je n’aurais pas de mal à vivre la vie du jeune homme de la campagne Valentino, plaisante-il. Mais sans pour autant qu’on m’apporte mon petit-déjeuner au lit le matin. J’aime trop faire mon café moi-même. En revanche, la grande maison romaine, la belle voiture décapotable, oui, ça me plairait. Ce qui était drôle sur le tournage, c’était de la conduire justement, cette auto, moi qui n’ai jamais passé mon permis. Le challenge ici, c’était de réussir à donner l’illusion d’être dans un film d’Antonioni. Le scénario était très cinématographique finalement : on est en présence d’un fils de bonne famille, joueur et désinvolte qui s’échappe d’une soirée mondaine pour feindre d’entrer par effraction dans un château avec une jeune fille. Jusqu’à ce qu’on se rende compte le lendemain matin qu’il est en réalité chez lui. J’adore l’esprit qui se dégage de cette campagne. » De l’Italie, comme tous les gens de cinéma, il aime les fantômes de la grande époque de la Cinecitta. Même si le fait qu’on le compare sans cesse à Marcello Mastroianni le dérange un peu. « Ce n’est pas gênant, concède-t-il. Juste intimidant. Il y avait chez lui une sorte de détachement, comme si rien n’était difficile. Un peu comme ces grands violonistes qui arrivent à jouer mine de rien des morceaux très compliqués. Ce qui me fascine aussi chez les Italiens, les hommes comme les femmes d’ailleurs, c’est qu’ils sont toujours dans une sorte de théâtralité, un peu comme s’ils étaient tous les enfants de Goldoni. »

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