Stromae: ses bonnes adresses à Bruxelles (en images)

Á moins que vous ayez passé l’année écoulée aux îles Vanuatu (et encore), vous l’avez dans la tête, ce flow dépressif balancé sur des mélodies Eurodance délicieusement kitsch. Avec Alors on danse puis Te Quiero, les deux petites bombes move-your-body tirées de l’album Cheese, Stromae aura fait danser l’été, de Paris à Knokke-le-Zoute, de Berlin à Benidorm. Un succès monstrueux (le premier single a détrôné Lady Gaga sur iTunes) pour ce Belgo-rwandais de 25 ans originaire de Laeken. Alors on danse connaît même depuis peu une version remixée, pour laquelle l’artiste belge a fait appel au célèbre rappeur américain Kanye West.

À première (courte) vue, on lui aurait prédit quelques tailles de col de chemise en plus, une centaine de chevaux supplémentaire dans le moteur et des tonnes d’amies bombas sur Facebook.

Non, en fait. Il a le cou aussi fin que le flair, roule en Fiat et s’il était de la grande bande FB il afficherait depuis trois ans une situation « en couple » sur son profil. Le garçon est bien plus malin. Il suffit de prêter l’oreille à ses textes pour se convaincre de sa race de champion du trompe-l’oeil.

Perles vénéneuses enduites de beats collants comme un Malabar à la fraise, elles vous explosent à la face une fois leur gangue dansante fondue sous le soleil noir de sa verve. S’emparant sans coup férir des blèmes de notre époque (le couple qui se lézarde (Te Quiero), la murge cathartique du samedi soir (Alors on danse), la violence domestique (Dodo), les congés cache-misère (Summertime) le faire bonne figure (Cheese)…), Stromae choisit l’exhibitionnisme de la piste de danse pour nous mettre face au mur de nos contradictions et de nos failles les plus intimes. Ne pas y voir du cynisme, promet l’intéressé. De l’ironie, brellienne, certes. Surtout de l’empathie, voire du réconfort. Vraiment ? « Mon album est un vaccin. J’injecte le poison pour qu’on s’en défende. Parce qu’on est tous des cas soc' ». Tous des cas sociaux. On se sent de suite moins seul, non ? Non ? Eh bien dansez, alors.

Ou suivez-nous dans les rues de Bruxelles avec Paul « Stromae » Van Haver, qui, généreux bonhomme, nous a filé ses adresses préférées dans la capitale. Une ville qui l’a vu grandir et qu’il affectionne particulièrement pour sa modestie. Au final, un portrait en creux d’un gars qui ne l’est pas du tout. Suivez le maestro

Le toit du MIM

On s’est donné rendez-vous sur le toit du Musée des Instruments de Musique pour déjeuner. S’il en aime bien sûr l’architecture Art nouveau, il lui préfère encore la vue. « Voyez derrière moi le charmant quartier Nord », ironise-t-il tranquillement avant d’affirmer son « affection » pour cette ville « moins uniforme que Paris mais tellement moins pressée, pas si dégueulasse qu’on ne le prétend. » L’aspect urbanistiquement azimuté des bords de Senne pourrait du reste faire office de parfaite métaphore de sa musique, toute en collisions esthétiques. « Et de moi-même, aussi : je suis un indécis, je ne sais pas choisir, je n’aime pas renoncer, j’aime quand c’est complexe et nuancé. » Une ville surtout bien plus modeste : « ce qui me convient : mon plus grand souhait, c’est que mon côté diva reste bien caché. » Aujourd’hui, entre les tournées promos, il vit encore entre chez son frère à Drogenbos et sa maman à Huizingen. C’est là qu’il postait, dans sa chambre, les fameuses leçons qui ont fait buzz l’éclair sur le Net.

Orbit

Une petite boutique sombre de la rue du Marché au charbon remplie de matos d’enregistrement aux noms obscurs. C’est ici que Stromae venait claquer une partie des tunes qu’il gagnait en travaillant au Quick, le reste servant à payer ses études (il est diplômé en prise de son et réalisation à l’Inraci depuis septembre 2009 – il coréalise ainsi ses clips). Il y a acquis son clavier LPK2T, un petit synthé portable « que je glisse dans mon sac, très pratique », le logiciel Reasol, aussi, avec lequel il compose. Commentaire : « Pour les pros, ce logiciel c’est de la farce, mais je n’ai jamais été un fou de technique pur. Au début, j’étais très bricolo, j’avais les boules de venir ici, les mecs sont hypercalés, puis j’ai découvert un service low-profile qui me convient parfaitement. »

Privejoke

Question mode, Stromae est comme les grands peintres : il a eu ses périodes. S’il nous emmène aujourd’hui chez Privejoke, petit temple de la mode hip avec ses griffes suédoises et ses éditions limitées, il fut d’abord du genre jogging-hoody-baskets : « ado, j’écoutais presque exclusivement du hip-hop et j’en adoptais l’uniforme, même si je tiens à préciser que je n’ai jamais été fan de la vie de caillera. D’ailleurs, on fantasme beaucoup sur l’influence violente du rap. D’abord, les vrais voyous n’ont pas le temps de rapper, et puis l’image que véhicule le hip-hop est devenue un jeu, ça n’impressionne plus personne de voir un flingue dans un clip. » Pour expliquer son look actuel oscillant entre le gendre parfait et le fieffé preppy, il faut savoir que Paul Van Haver est passé par l’Internat à Godinne : « quand je suis arrivé là, je pensais que les mecs à mèches n’existaient plus depuis les Beatles. ». Il y apprend à porter le pull en V, le petit polo BCBG. Au final, un résultat bien plus subversif que de balancer son flow en petit noeud pap’ et mocassins à gland.

Café Central

C’est son bar préféré du quartier Saint-Géry. Il en aime l’intimité, le cadre tout de bois apaisant : « L’endroit parfait pour emballer. Et puis tu te sens intelligent ici, il y a plein de bobos qui kiffent la musique expérimentale, t’as l’impression d’être un philosophe. » Lol. N’empêche, l’endroit le rend prolixe. Autour d’un amaretto-citron-glace, « ma nouvelle boisson fétiche », il nous parlera en vitesse de son père rwandais, vraisemblablement tué dans le génocide, « je l’ai très peu vu, je ne suis pas traumatisé, je ne veux pas récupérer l’affaire, faire semblant d’être le petit mec qui a souffert de ça. J’ai eu une enfance heureuse avec ma mère et mes frères et soeurs, je ne me plains de rien. » De ses origines africaines, il dit : « si t’as été un mois au Rwanda en touriste, t’es quoi ? Le Renoi qui habite ici et qui retourne de temps en temps en Afrique, c’est un Blanc. Moi, je suis un métis francophone qui fait l’effort de parler flamand, en Belgique on est tous des batards, je le revendique et j’en suis fier. »

Le Paki de Dansaert

Au fond de ce Paki tout ce qu’il y a de plus Paki, il y a un trésor : un humidore plein à craquer de succulents boulons. « Je n’aime pas le cigare pour faire mon 50 Cent à 2 balles. J’en aime vraiment l’odeur et le goût. J’ai un faible pour les Romeo y Julieta, le meilleur rapport qualité-prix. Et puis c’est convivial, le cigare, j’aime aller les fumer place Poelaert avec mes potes, Bruxelles sous nos yeux ». Pourquoi ici ? « C’est simple, à part dans les hôtels, où on te regarde comme un terroriste, c’est le seul endroit du centre de Bruxelles où tu peux trouver un Havane sur un coup de tête, en pleine nuit. » À bon fumeur…

Place de Bockstael

Stromae a grandi avec sa maman et ses 4 frères et soeurs dans le quartier bruxellois populaire et multiculturel de Bockstael, près de Laeken. « Je ne vous jouerai pas le rôle du mec qui a grandi dans la rue », prévient-il, « on ne vivait pas dans l’opulence, mais on a toujours mangé à notre faim, même si on faisait les courses chez Aldi. Dire que j’ai grandi dans la misère, ce serait faire insulte à ma maman. » Une fois sur place, les souvenirs foisonnent. Simple et sans façon, il se rappelle qu’il descendait la rue « sur le BMX rose de ma soeur », nous montre le snack des « deux jumeaux turcs » où il achetait ses durums, la boucherie Franco – « ma commande régulière : trois cent grammes de jambon d’épaule et 300 grammes de saucisson au jambon, avec la petite couenne rouge, tu vois », la librairie du coin « où j’ai acheté pour 75 francs, une sucette en coeur pour ma première Saint-Valentin » et la maison de « Mamy Beignet, une dame congolaise qui faisait des merveilles à la banane, c’était juste monstrueusement bon ».

Oud’ Drogenbos

Le caberdouche jaune tabac avec ses habitués au nez en Bintje, sommeille quelque part dans l’imaginaire collectif de tous les Bruxellois. Stromae cherchait ce type d’établissement pour réaliser le clip d’Alors, on danse. C’est à Drogenbos qu’il l’a trouvé. Oud’ Drogenbos, ça s’appelle : il y a les photos d’équipes de la première provinciale au mur, Radio Nostalgie dans les baffles, de la Jupiler au fût, des tables en formica imitation bois, ça clope sévère. « Je ne voulais pas tourner mon clip dans une boîte glamour, comme beaucoup s’y attendaient », explique-t-il après avoir commandé une tournée de pintjes voor allemaal. L’idée ? Souligner que noyer ses problèmes au champagne dans les endroits glamour ou vider des chopes au bar du coin, c’est finalement pareil. Ne pas y voir quelque foutage de gueule : « On vit tous ça. Tourner le clip ici, ça touchait simplement plus de monde. »

Carnet d’adresse

Musée des Instruments de Musique, 2, Montagne de la Cour, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 545 01 30. www.mim.be

Orbit, 95-101, rue du Marché au charbon, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 503 41 22. www.orbit-dj.com

Privejoke, 76-78, rue du Marché au charbon, à 1000 Bruxelles. Tél. : 02 502 63 67. Page Facebook de Prive Joke

« Le Paki de Dansaert », 25, rue Pont de la carpe, à 1000 Bruxelles.

Le Café Central, Borgval 14, 1000 Bruxelles. www.lecafecentral.com

Place Emile Bockstael, à 1020 Laeken.

Café Oud’Drogenbos, 277, Grand Route, à 1620 Drogenbos. Tél. : 02 377 71 10.

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