Jazz en automne

Toutes les deux semaines, l’écrivain Grégoire Polet nous dévoile ses coups de coeur et coups de griffe.

Novembre. On se mettrait bien dans un fauteuil marron, à écouter du jazz. Black trombone…

Pourquoi le jazz va-t-il si bien à l’automne? Bizarre. Peut-être parce que l’automne est plein de silence, et donc de musique. Parce que le vent y souffle sur tout, les arbres, les coins de rue, les dessous de porte, les châssis de fenêtres, comme dans des instruments, des instruments à vent… En automne le vent fait de tous les paysages son jazz band particulier, avec les percussions de tout ce qui bat et de tout ce qui tombe, les volets, les branches et les marrons, sous les applaudissements – clap clap clip clap cloap clap clip clap – de la pluie.

Black trombone, un dimanche d’automne. Le jour où le vent fait le mieux sa musique, avec la complicité des carreaux, des petits carreaux à croisillons, et les deux énormes têtes des marronniers de la cour, qui marquent le rythme, et d’une gamine en ciré rouge qui joue toute seule à la marelle, en lançant un marron. Il ne fait pas tellement de bruit, le vent. C’est le silence qui lui laisse beaucoup de place. Quand on a proposé les quatre saisons, le silence (qui a le vent dans sa poche) s’est incliné pour l’automne. Et quand les dieux ont joué à la marelle sur les cases de la semaine, le marron du silence est tombé sur dimanche. Black trombone, monotone…

Et puis l’automne, c’est le froid, qui vient avec la promesse qu’il fera encore plus froid. Brrr. Et la petite en ciré rouge bondit, une, deux, trois, ramasse son marron et quatre, cinq, six. Au bout de sa marelle, le paradis est plein de feuilles mortes. Black trombone.

Les notes noires tombent des instruments comme les feuilles et les marrons. Le ciré rouge est rentré chez lui. Le croisillon laisse passer l’eau. On ne devrait jamais écouter de jazz en automne.

Grégoire Polet

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