Allier cosmétique et médecine, la tendance pour protéger globalement le capital de la peau

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Nous serons de plus en plus nombreux à vivre centenaires. Un état de fait qui oblige médecine esthétique et industrie cosmétique à travailler de concert. Pour aider la peau à mieux vieillir, en toute harmonie.

Le chiffre est sans appel. Une fillette sur deux qui naît aujourd’hui deviendra centenaire. Ce constat statistique, validé par l’OMS (Organisation mondiale de la santé), a au moins le mérite de replacer les enjeux du vieillissement bien au-delà du désagrément engendré par l’apparition des premières rides. Parce qu’il n’y a d’intérêt à vivre aussi longtemps que si l’on est en possession d’un corps et d’un esprit sains. L’âge, même avancé, n’est plus perçu comme un ennemi mais comme un capital à protéger pour profiter au mieux de son avenir. Totalement éradiqué des publicités, le terme « antirides » a cédé la place à des slogans parlant de « soin global », la notion même d’anti-âge qui y est encore majoritairement associée commençant à faire tache.

Ainsi, la dernière formule du sérum Capture Totale de Dior préfère qualifier son produit de « soin jeunesse global ». La maison Lancôme, qui célèbre cette année ses 80 ans, lancera le 1er mai prochain une campagne digitale frappée du hashtag #loveyourage. Sur la plate-forme du même nom, quatre ambassadrices de la marque – Lily Collins (26 ans), Lupita Nyong’o (32 ans), Kate Winslet (39 ans) et Penélope Cruz (41 ans dans quelques jours) – assumeront le poids des ans avec fierté pendant 1 min 30, histoire d’inciter toutes les femmes qui le souhaitent à suivre l’exemple et à poster leur confession.

Loin d’opposer comme par le passé leur démarche à celle des médecins et des chirurgiens esthétiques, les grands noms de la cosmétique préfèrent désormais jouer la carte de la complémentarité, en allant parfois même jusqu’à « mimer » les effets de certaines procédures médicales, comme en témoigne la surutilisation des mots « filler » – en référence aux injections d’acide hyaluronique -, « shot » ou « needle » – un clin d’oeil aux piqûres de Botox -, « laser » et « lift » sur des emballages qui jonglent avec les codes visuels épurés des médicaments et ressemblent même parfois à des seringues.

Des promesses adaptées

Un mélange des genres dans lequel excelle Filorga, l’un des rares acteurs du secteur à se positionner réellement sur les deux tableaux. L’entreprise française, qui vient d’inaugurer une unité de fabrication de produits de comblement à base d’acide hyaluronique ainsi qu’un centre de R&D à Anderlecht, a commercialisé en 2007 une gamme complète de cosmétiques inspirés par son savoir-faire médical. « Notre force, c’est justement de combiner les différentes thérapies afin d’obtenir le meilleur résultat possible, souligne Didier Tabary, président des laboratoires Filorga. Le marché des fillers représente environ 35 % de notre activité et il est en plein développement. A l’échelle mondiale, il ne pèse pas loin d’un milliard d’euros et croît de près de 15 % chaque année. »

Face aux résultats spectaculaires que ces procédures permettent d’atteindre en quelques minutes et pour un handicap social quasi nul, c’est tout le discours et surtout la teneur des promesses annoncées par la cosmétique qui a changé. A l’occasion du lancement de sa nouvelle gamme Forever – sous-titrée Youth Liberator, soit libératrice de jeunesse… -, la marque Yves Saint Laurent a décidé de s’entourer d’un comité d’experts composé de chimistes, de biologistes et d’un dermatologue, le docteur Thierry Michaud, spécialisé dans la prise en charge du vieillissement facial. « On est moins aujourd’hui dans une recherche de beauté stéréotypée comme il y a une quinzaine d’années, lorsqu’on ciblait les rides de manière plus agressive, constate Caroline Nègre, directrice de la communication scientifique d’Yves Saint Laurent. On les accepte désormais car elles signent notre vie, expriment aussi qui on est, même si on les préférerait parfois un petit peu moins profondes. Les femmes se tournent plus facilement vers des actes de médecine esthétique légers et cherchent dans la cosmétique un complément. Mais, dans le cabinet d’un médecin ou autour de nos comptoirs de vente, elles expriment leurs préoccupations de la même manière dès que l’image qu’elles renvoient n’est plus en adéquation avec la façon dont elles se sentent à l’intérieur. Elles se voient fatiguées, sévères, tristes. Nous savons que c’est la conséquence d’une modification globale de la qualité de la peau, d’une perte d’éclat et de volumes. Et c’est là, désormais, que nous agissons le plus sincèrement possible, sans faire des promesses que nous ne pourrons pas tenir. »

Une cosmétique adulte

Une approche intégrée partagée par d’autres marques du groupe L’Oréal, l’un des premiers à avoir initié un partenariat entre LaClinic Montreux, fondée en Suisse par le docteur Michel Pfulg et Helena Rubinstein afin de mettre au point la gamme Prodigy Re-Plasty où chaque produit s’inspire au plus près des protocoles de ce temple de l’esthétique qui surplombe le lac Léman. Plus récemment encore, L’Oréal Paris a développé un vaste programme de recherche sur les effets des fillers sur une peau reconstruite. L’étude, qui a pu démontrer que les injections favorisaient la production de collagène et d’une protéine dite de stretching lorsque les fibroblastes du derme s’étirent sous la pression de l’acide hyaluronique, a également servi de base à la formulation d’une routine de deux produits opportunément baptisés Revitalift Filler. Le sérum, contenu dans un flacon en forme de seringue délivrant des doses précisément calibrées de 70 microlitres, contient 100 mg du précieux acide, soit cinq fois plus que dans une injection. Dans le même esprit, la dernière innovation du Dr. Brandt, l’un des pionniers de ces marques de « docteurs » principalement venues des Etats-Unis, promet pour sa part de se substituer au Botox grâce à un cocktail d’actifs relaxants censés limiter la contraction des muscles responsables des rides d’expression et défriper les traits instantanément.

« Dans l’ensemble, nous sommes face à une cosmétique plus adulte, avec des revendications plus raisonnables que par le passé, davantage axées sur l’éclat, la fermeté, l’homogénéité, le grain de la peau, constate la dermatologue Nadine Pomarède, qui dirige le Dermo Medical Center de Bruxelles. Il est toutefois préférable de rester prudent par rapport à ce qu’avancent les études : lorsque l’on parle d’une réduction de 15 % des ridules de la patte d’oie, il faut avoir les yeux de la foi pour réellement observer soi-même un changement dans la glace le matin, sous un éclairage moyen ! La cosmétique, comme les injections d’ailleurs, n’est plus faite aujourd’hui pour paraître dix ans de moins ! En revanche, elle est essentielle pour entretenir la peau, la protéger, l’hydrater et éventuellement prévenir, voire corriger, certaines choses.  »

Pour cette spécialiste de l’anti-âge, la bataille entre cosmétique et médecine esthétique n’a plus du tout lieu d’être.  » J’efface les rides en trente secondes, mieux et plus rapidement qu’une crème, ironise-t-elle. Le rôle de cette dernière, ce sera d’agir sur la qualité de la peau, ce qu’elle est capable de faire, et très bien d’ailleurs, grâce à de nouveaux actifs ultraperformants. J’en prescris systématiquement à mes patients. Pour un grand nombre d’entre eux, cela peut d’ailleurs suffire. » L’envie d’aller « plus loin » demande encore souvent réflexion. « Il faut compter environ deux ans d’hésitation avant le passage à l’acte, poursuit Nadine Pomarède. Cela se joue en général un matin, devant le miroir, lorsque vous constatez que le compte n’y est plus, que vous avez l’air fatigué(e), pas très amène. Et, souvent, ce qui donne de la tristesse ou de la dureté à un visage ne peut s’enlever que grâce à certaines procédures médicales, des injections ou du laser. Lorsqu’on restaure des volumes perdus, les gens tout à coup se reconnaissent ! Ils redeviennent en adéquation avec leur image intérieure. »

Une approche globale

Dans l’Anti Aging Center de Bruxelles, 75 % des clients restent encore adeptes de méthodes non invasives. « Nous proposons à chacun un travail individuel, qui sera plus ou moins poussé en fonction de ses envies, de ses besoins et de sa surface financière, détaille Fanny Bretagnon, la directrice de cet établissement qui regroupe sous un même toit une équipe pluridisciplinaire composée d’esthéticiennes, de médecins esthétiques mais aussi de nutritionnistes. On a trop longtemps valorisé le jeunisme. La chasse aux rides aujourd’hui, c’est complètement has-been ! Nous prônons une approche globale qui commence par une analyse minutieuse de la peau à partir d’appareils de mesure très précis qui permettent de faire un état des lieux. Et de valider, ou pas, le traitement que nous allons établir. » Le reste du corps non plus n’est pas oublié, grâce à des examens minutieux – pesées, calcul d’IMC, de teneur en eau, de masse musculaire… – souvent situés à la frontière du médical et pouvant s’accompagner de prises de sang et de cultures d’urine si nécessaire afin de mettre à jour d’éventuelles carences. « Il suffit souvent de quelques réglages – une prescription de vitamines ou d’acides aminés mais jamais d’hormones, des conseils d’hygiène alimentaire de base – pour remettre la machine en ordre de marche », assure Fanny Bretagnon. L’idée ici étant de potentialiser un maximum les effets cumulés de différentes techniques pour apporter du mieux-être à tous les niveaux. En recommençant souvent par expliquer des règles élémentaires, comme l’importance pourtant bien connue d’un bon nettoyage du visage. Un préalable essentiel à l’efficacité de n’importe quelle crème, même la plus chère, que l’on pourrait appliquer ensuite.

 » L’essentiel, conclut Nadine Pomarède, c’est de travailler pas à pas. D’avoir un fil conducteur et d’en finir avec la démultiplication des actes irréfléchis. Vous seriez étonné du nombre de personnes que je vois arriver dans mon cabinet et qui présentent des résultats finalement bien modestes par rapport à tout ce qu’ils ont investi dans tous les sens du terme. Ce qui compte avant tout, c’est de bien entretenir sa peau, en connaissance de cause. Enlever à tout prix une ride sur une peau dégueulasse, excusez-moi l’expression, cela n’a aucun sens ! »

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