Valérie Tong Cuong

Dans Providence, roman choral grave et tendre à la fois, Valérie Tong Cuong met en présence cinq héros du quotidien en équilibre sur le fil de la vie. Un vrai coup de coeur à dévorer au plus vite.

Croyez-vous au destin ?
Je crois que la providence nous envoie un certain nombre d’évènements et que c’est à nous de nous emparer et de leur donner un sens.

Qu’est-ce qui vous donne de l’espoir ?
Observer que la vie redistribue toujours les cartes. Parfois un peu tard, mais toujours.

C’est impossible selon vous qu’une vie soit totalement poisseuse ?
Si elle est complètement poisseuse, c’est qu’on fait partie des êtres élus à devenir très sages (rires). Non, je crois que la vie redistribue les cartes. La vie est complètement poisseuse si justement on n’a pas la capacité à lire ou donner un sens aux tuiles qui nous tombent dessus et à en tirer des leçons pour aller plus loin et pour grandir.

Vous croyez aux bienfaits cachés…
Ah oui ! Complètement.

Si vous aviez plusieurs vies, vous vous verriez bien en quoi ?
En aventurière. En exploratrice avec un côté anthropologue, ou ethnologue. J’aimerai aller étudier et comprendre d’autres civilisations et d’autres formes de société, d’autres cultures. Mais sinon, la vie que je mène et qui a pourtant été entrecoupée d’épreuves et d’accidents, je la prends et je la reprends avec plaisir même dans ce qu’elle a de plus tragique. Comme dans ce qu’elle a de plus heureux.

On prend tout et on recommence…
Voilà. Même mon rêve d’être exploratrice, je crois que c’est un truc de gosse.

C’était quoi vos rêves d’enfant, justement ?
Je crois que je voulais disparaître. J’incarne donc la démonstration que quand on laisse le temps s’exprimer, qu’on s’attache à décrypter le sens des évènements, on comprend mieux et du coup on admet, on accepte et on retrouve l’énergie et plus encore que l’énergie : la force.

Quel est votre principal trait de caractère ?
Je suis parfois un peu trop sensible.

Fragile ?
Ce n’est pas un trait caractère, ça. Mais, oui je me sens un peu fragile. C’est un travail quotidien de se consolider à la lumière du passé et dans la confiance de l’avenir.

Vous avez mis du temps à faire confiance à l’avenir ?
Oui. Longtemps. Très longtemps. Des années. C’est forcément différent d’une personne à l’autre. Mais, voilà, si j’ai écrit ce livre c’est parce que je suis arrivée à ce stade de maturité, dans le sens ou j’ai muri mon parcours, j’ai muri une certaine observation des autres et du monde. Pendant très longtemps, je n’arrivais pas à prendre suffisamment de distance face aux évènements supposés négatifs, ou en tout cas, vécus sur l’instant comme des évènements difficiles, des souffrances, des douleurs, des blessures. Je n’arrivais à prendre suffisamment de distance pour regarder ce que ça générerait dans le fond. Donc, ce que ça apporterait en fin de course. Je prenais le choc frontalement. Et donc, j’étais sur une vision beaucoup plus sombre. Très noire. Pas négative. Mais noire. C’est d’ailleurs visible dans mes premiers romans.

Qui sont des espèces de voies sans issues…
Oui, voilà. Des impasses en permanence. Mais depuis quelques années, les choses se sont éclairées et j’ai compris qu’en fait il y avait toujours une issue à condition de le vouloir et de se mettre en position de la voir apparaître.

De la saisir…
Oui. Et c’est une chose que j’ai envie de transmettre. Nos blessures et nos fractures sont vraiment nos accélérateurs les plus puissants. C’est ce qui nous fait grandir. J’ai aussi compris qu’une vie sans accrocs ce n’est pas du tout souhaitable parce que c’est une vie qui va forcément nous amener à un moment donné un sentiment de vide complet parce qu’elle ne nous aura pas appris l’essentiel.

Le monde : désenchanté ou enchanteur ?
Tragique et enchanteur à la fois.

La dernière fois que vous avez pleuré ?
J’ai eu une dispute assez violente avec une de mes filles qui va avoir treize ans. C’est très frustrant quand vous essayez d’apporter vos acquis pour donner une vision positive et constructive de la vie et que les pulsions noires, fortes, violentes de l’adolescence vous en empêchent.

Dernier fou rire ?
Ca m’arrive pratiquement tous les jours avec mes enfants. On rit beaucoup à la maison.

Quel type d’humour ne supportez-vous pas ?
Le comique gras.

L’écriture : labeur ou plaisir ?
C’est un immense plaisir qui passe par des phases très difficiles. J’entre complètement dans la vie de mes personnages. Je fais vraiment corps avec eux. Du coup, quand ils vont très mal, je vais très mal aussi, quand ils vont très bien, je suis complètement euphorique.

Le compliment qui vous fait chavirer ?
En ce moment ? « Je l’ai lu d’une traite. J’ai pas pu le lâcher » (rires).

Vous en êtes fière de ce livre ?
Oui. Je suis très touchée par les réactions des lecteurs. Il se passe quelque chose qui ne s’était pas produit avec mes livres précédents. Il y a un enthousiasme. Il y a une soif. Je le sens à travers les lecteurs, les journalistes, les libraires. Avant même sa sortie, alors que je ne suis pas un auteur connu internationalement, il y avait déjà sept pays qui avaient acheté les droits de traduction.

On vous a aussi proposé de l’adapter au cinéma…
Ca y est ! Oui. Ca va être un film aussi… On ne connait pas encore le nom du réalisateur mais on sait déjà qui sera le producteur : Dominique Besnehard (NDLR : producteur de L’Age des ténèbres de Denys Arcand et ex-agent de très nombreuses stars française – Sophie Marceau, Isabelle Adjani, Cécile de France,…).

Propos recueillis par Baudouin Galler

Providence, Valérie Tong Cuong, Stock

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content