5 bonnes raisons de (re)découvrir la médina de Tunis

© Jean-Paul Guilloteau pour l'Express

L’une des plus vastes médinas du monde arabe achève sa restauration: l’occasion de redécouvrir ses souks millénaires, ses ruelles et ses trésors.

L’une des plus vastes médinas du monde arabe achève sa restauration: l’occasion de redécouvrir ses souks millénaires, ses ruelles et ses trésors.

1 – Déambuler dans le quartier Hafsia

Passé les tumultes de la place de la Kasbah, c’est une oasis de blancheur qui s’offre aux pas des promeneurs. Elle fait la fierté des Tunisois, qui viennent s’approprier ce coin réenchanté d’une prodigieuse médina, fruit de douze siècles de labeur. Un circuit piétonnier, tout beau, tout propre, y sinue de ruelles en passages couverts, puis vient buter devant de hauts murs derrière lesquels se cache l’éclat retrouvé de maisons de notables trop longtemps désertées. Le quartier Hafsia est l’emblème de quarante années de restaurations entreprises par l’Association pour la sauvegarde de la médina (ASM) dans un des plus fascinants dédales urbains du monde arabe.

On en arpente les chaussées pavées de neuf, entre des façades fraîchement chaulées sur lesquelles rebondissent les éclats bleutés d’une lumière que les enchevêtrements de fils électriques, aujourd’hui enterrés, ne voilent plus. Ponctuée de venelles aux arches de pierres redevenues blondes, avec des couleurs pimpantes sur des portes cloutées qui s’ouvrent sur un hôtel de charme, une boutique déco ou une librairie, la rue Sidi Ben Arous serpente jusqu’à la petite place Romdhane Bey, où un frêle eucalyptus promet l’ombre de ses futures frondaisons aux clients d’un café d’opérette. Dans la rue du Pacha, des élèves, avec ou sans voile, franchissent le portail majestueux de l’Ecole de filles musulmanes, et les fanions des footballeurs rivaux de l’Espérance sportive ou du Club africain volettent aux devantures des boutiques de drapeaux. Les décors rafraîchis de ces fragments d’une ville arabe idéalisée fleurent bon le jasmin et le pain frais.

2 – Se glisser dans les palais de la culture
Difficile de résister à l’appel des « dribas », antichambres des riches demeures où luisent dans la pénombre, comme une promesse de merveilles à venir, des céramiques enluminées. Guidé par Jamila Binous -pétulante dame très savante, historienne et urbaniste, complice télévisuelle de Frédéric Mitterrand- pénétrer dans l’intimité de quelques-uns de ses « dars » favoris devient un jeu de piste entre splendeurs restaurées du passé et effervescence culturelle contemporaine: étourdissant labyrinthe de salles à colonnades, de plafonds peints et de faïences aux volutes fleuries, le Dar Lasram accueille dans l’opulence les membres de l’ASM, dont Jamila fut une pionnière. Dans ses écuries, le Club culturel Tahar Haddad -émancipateur de la femme tunisienne- installe, sous de massives voûtes de pierre et de brique, expos, concerts et conférences.

Les portiques aux arcs noir et blanc de la Medersa Bir Lahjar encadrent les anciens dortoirs des étudiants de la Grande Mosquée autour d’un patio, où bat aujourd’hui le coeur du Festival de la médina. Les salons d’apparat immaculés et les arabesques italianisantes du palais Kheïreddine se sont métamorphosés en pompeux Musée de la Ville et les chapiteaux antiques alignés autour du puits du vénérable Dar Al Jaziri abritent la maison de la Poésie. Fardé de rose et dominant de sa terrasse les cafés chantants de la place Halfaouine, le Palais Khaznadar est le domaine du Théâtre national et d’une bondissante Ecole du cirque. Après les grandes familles « beldi » tunisoises, c’est la culture qui a élu domicile dans cette petite collection de palais.
– Dar Lasram, 24, rue du Tribunal.
– Club culturel Tahar Haddad, 20, rue du Tribunal.
– Medersa Bir Lahjar, 40, rue du Pacha-Palais.
– Kheïreddine, place du Tribunal.
– Dar Al Jaziri, 29, rue du Tribunal.
– Palais Khaznadar, 58, place Halfaouine.

3 – Se régaler de saveurs tunisoises

Elles se dégustent aussi bien dans les gargotes que dans de somptueuses maisons restaurées de la médina, assis sur un tabouret bancal au milieu des souks ou autour de tables aux nappes blanches, entre fontaines de marbre et stucs ciselés. Il faut frapper à la porte du Dar El Jeld pour pénétrer sous ses lustres de cristal reflétés dans des miroirs dorés, entre patio animé et galeries discrètes. Les notables y accueillent leurs hôtes gourmets et gourmands avec des poissons relevés de safran et de citrons ou de kabkabou au four assaisonné de câpres.

Des femmes y perpétuent les traditions culinaires « beldi », qui se mitonnent sous influences andalouses, juives, berbères, turques et persanes, sans oublier celle des colons européens. Elles excellent dans les mélis-mélos, dans le mech-mech salé-sucré et les ragoûts tel le markat, véritable cocktail de sept légumes. Leurs puzzles d’épices sont dominés par la harissa pimentée mais aussi par les boutons de rose et la cannelle, et leurs pâtisseries se parfument d’eau de géranium. Plus basiques sont les fumets des bonnes viandes grillées qui s’échappent d’El Abed et des plats mijotés dans la gargote Bassam. Entre ces extrêmes, parfait équilibre au Dar Slah, cantine d’habitués où l’on déguste l’amer M’loukhia à base de poudre de feuilles séchées de corète et le suave assidat zgougou aux graines de pin d’Alep.
– Dar El Jeld, 5, rue Dar El Jeld.
– El Abed, 2, souk Sakkajine.
– Bassam, rue des Tamis.
– Dar Slah, 145, rue de la Kasbah.

4 – Cibler les bonnes échoppes des souks…

Plutôt que de se laisser emporter par le flot des chalands autour de la Grande Mosquée Zitouna, les adeptes du shopping zooment sur quelques marchands recommandables: le dandy cultivé, propriétaire de Hanout Arab, affiche sans marchandage possible les justes prix d’un bel artisanat assorti d’étiquettes pleines d’enseignements telles ces poteries mogods: « Cuites à la bouse de vache et ornées de motifs linéaires au jus de lentisque »! Troudi Belhassen, dans son superbe mini-magasin, Chéchia Tunisienne, est une encyclopédie de ce couvre-chef en feutre bouilli, il en a même inventé d’élégants dérivés comme de coquets bérets et de douillettes pantoufles en forme de bottines.

La famille Ben Hedi Chammakhi a fait d’Ed-Dar un antre surréaliste, entre musée et brocante, où l’on déniche aussi bien les céramiques contemporaines du frère Ali que l’alambic du grand-père au milieu de quelques somptueux tapis. Enchantement bariolé aux Tissages Bousetta et longues blouses noires des épiciers de Djerba chez Abderrazak B. Ali. A la Maison d’Orient, Ahmed El M’nouchi laisse les amateurs fouiller dans les tiroirs débordants de trésors -ambre noir, médailles, perles de verre et poissons de vermeil- avec lesquels il façonne des parures sur mesure en un tour de main.
– Hanout Arab, 52 bis, rue Jemaa Ez Zitouna.
– Chéchia Tunisienne, 187 bis, rue de la Kasbah.
– Ed-Dar, 7, souk Ettrouk.
– Tissages Bousetta, 235, souk el Blaghgiya.
– Abderrazak B. Ali, 38, souk des étoffes.
– Maison d’Orient, 23, souk El Leffa.

5 – … et plonger dans l’éternité de l’islam

Plus que dans les mosquées qu’on ne peut qu’effleurer du regard, en bon non-musulman, le grand frisson nous saisit dans les mausolées: au Tourbet El Bey s’allongent les tombeaux des beys husseinites coiffés de virils tarbouchs, auxquels princesses, favoris et courtisans, dans de plus sobres sépultures, font la cour à perpétuité. Le mirage ottoman scintille à n’en plus finir sous ces coupoles gravées aux noms louangeurs d’Allah. En extase finale, le dôme de l’oratoire de la Zaouia Sidi Brahim Riahi, firmament laiteux de stucs ciselés percé d’un kaléidoscope de vitraux bariolés où repose le chef mystique de la tariqa soufi des Tidjania. Sa tombe fait face au puits de clarté d’un patio où, les vendredis, les possédés en quête d’exorcisme se rassemblent pour réciter des versets du Coran.

Jean-Pascal Billaud

Pratique Comment y aller?
Vol A/R Bruxelles Tunis sur Tunisair.

Office national du tourisme tunisien
32, avenue de l’Opéra, Paris (IIe), www.bonjour-tunisie.com Site foisonnant de belles idées à consulter avant tout voyage, www.mille-et-une-tunisie.com

Où dormir?
La Chambre bleue Superbe pièce couverte de faïences bleues et vertes du sol au plafond dans un Dar italianisant qu’une jeune famille restaure patiemment. 75 euros la nuit en chambre double. 24, rue du Divan, 00-216-22-57-96-02

Pour visiter la ville Jamila Binous propose des promenades érudites dans la médina sur rendez-vous. 15 euros par personne.
Rens.: 00-216-22-53-98-08, binoushousam@yahoo.com

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