Guide de montagne, une profession à dépoussiérer

au Sommet de l'Aiguille de Bionnassay, 4052m © Flickr / Twiga

La haute montagne a longtemps fait rêver à travers ses héros et leurs récits d’ascensions. Mais parce que son image est restée trop élitiste et dangereuse à l’heure du tourisme de masse, les guides cherchent à la dépoussiérer.

À l’occasion des 70 ans du Syndicat National des Guides de Montagne (SNGM), quelque 700 professionnels venus du monde entier planchent cette semaine à Chamonix (Haute-Savoie) sur les changements qui touchent leur métier, à commencer par la manière d’appréhender et de « consommer » les sommets. « On a pris le prétexte des 70 ans du syndicat pour se retrouver mais la profession a besoin de ces échanges car elle est à un moment charnière de son histoire », juge le président du SNGM, Christian Jacquier.

Ce dernier, créé en 1946 pour réglementer le métier et créer un diplôme d’État, est composé de onze compagnies de guides en France, dont celles de Chamonix et de Saint-Gervais (Haute-Savoie), et de 70 bureaux de guides. Il regroupe 1.658 professionnels au total, dont 1.457 en activité – et seulement 27 femmes, dont huit aspirantes.

Pour les initiateurs de la réflexion, il s’agit de tordre le cou aux préjugés sur les activités de montagne – le « trop dur, trop cher, trop risqué » – et de surfer sur les nouvelles tendances – trail, escalade – pour convier une clientèle plus diversifiée et plus internationale vers les massifs.

Féminiser la profession, l’insérer dans l’ère du numérique sans l' »uberiser » pour autant, varier l’offre ou encore réduire l’accidentologie de 30% : les pistes envisagées, soulevées par une trentaine de professionnels dans un premier temps, ont été regroupées dans une feuille de route, « Horizons guides ». Elle doit être finalisée d’ici à la prochaine assemblée générale du syndicat, dans un an, afin d’établir un plan d’actions pour la période 2018-2020.

Gestionnaire de projet

Désormais, les professionnels doivent cultiver leur polyvalence pour faire face à la variété des demandes, dont le ski hors-piste, pour lesquelles ils n’étaient « pas très bien armés », estime Élodie Lecomte, guide de haute montagne de 38 ans. « Nous devons les sensibiliser à l’importance de descendre au pied de la pyramide chercher les clients », ajoute Bernard Prud’homme, vice-président du syndicat, en soulignant que le métier a déjà muté de « l’alpinisme sportif à l’alpinisme culturel ».

Fini, le temps des héros: « le guide est aujourd’hui davantage un gestionnaire de projet », résume l’ancien patron du groupe industriel haut-savoyard Somfy, Jean-Philippe Demaël, qui a piloté la première phase de la réflexion.

La relation avec le client, essentielle au temps d’internet et des formules « tout compris », cristallise particulièrement l’attention des professionnels, notamment à l’École Nationale de Ski et d’Alpinisme (ENSA) de Chamonix, qui souhaite adapter sa formation en ce sens. « Les gens ont une vraie attente: ils ne veulent plus seulement faire de l’alpinisme mais aussi échanger davantage avec un guide », confirme Élodie Lecomte.

Pour le responsable du département alpinisme de l’ENSA, François Marsigny, la profession de guide est « avant-tout un métier de communication » qui doit « sortir de l’archaïsme » et élargir ses critères d’entrée, concentrés actuellement sur la technique et le physique. Tout en augmentant de 15% le nombre de femmes dans les promotions d’ici à cinq ans.

Côté sécurité, le constat est double: le nombre d’accidents graves demeure « trop élevé » (65 sur 200 déclarations entre août 2015 et août 2016), tandis que le risque juridique va croissant.

Face à cela, « nous souhaitons créer un projet de gestion du risque, de circulation de l’information: une base de données qui nous aiderait à mieux identifier les pratiques accidentogènes, en lien avec les prévisionnistes et experts en avalanches », indique Christian Jacquier, qui loue à cette fin l’utilité de l’application « Whatsapp ».

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