La Joconde bientôt en voyage ?

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Il n’est pas impossible que la Joconde prenne, d’ici quelque temps, des vacances pour voir du pays. La ministre française de la Culture envisage en effet très sérieusement la possibilité de la faire sortir ponctuellement du Louvre où elle trône aujourd’hui. Est-ce vraiment une bonne idée ? Les avis sont divisés.

Présente dans le musée depuis 1797 elle n’aura quitté qu’en de très très rares occasions le Louvre. Et sa dernière sortie remonte à plus de quarante ans. La Joconde n’a en effet plus quitté la Salle des Etats du musée parisien depuis 1974, année où elle a été exposée au Japon après un court séjour à Moscou. Dix ans plus tôt, elle avait traversé l’Atlantique. Quelque 1,6 million d’Américains s’étaient déplacés pour voir le portrait supposé de Monna Lisa exposé pendant trois mois au total, d’abord à la National Gallery of Art à Washington, puis au MoMA de New York.

Véritable icône de Louvre

Présentée depuis 2005 derrière une vitre blindée, protégée par un caisson spécial où l’humidité et la température sont contrôlées, « La Gioconda » au célèbre sourire voit défiler chaque année des millions de personnes. Elle est avec la Vénus de Milo et la Victoire de Samothrace l’un des incontournables du Louvre, le plus grand musée d’art du monde (8,1 millions de visiteurs en 2017). Son départ même temporaire pourrait entraîner une perte nette des bénéfices.

« On va étudier sérieusement » la proposition de faire partir le tableau en tournée selon la ministre. L’état a en effet son mot à dire puisque L’oeuvre est en fait la propriété de la République française et a été achetée en 1519 par le roi François Ier après la mort de Da Vinci. L’idée est de monter une exposition itinérante qui rassemblera les oeuvres d’art les plus prestigieuses de France, dans un premier temps à l’intérieur des frontières. « Ma priorité est d’empêcher la ségrégation culturelle, pourquoi l’art devrait-il être lié à un certain endroit et inaccessible partout et à tout le monde? », Pense Nyssen. »Après il faut faire attention à la préservation et à ce que ça représente », a-t-elle précisé.

11 secondes par personne, c'est le temps moyen passé devant
11 secondes par personne, c’est le temps moyen passé devant « La Joconde ».

Une bonne idée ?

Les experts sont néanmoins circonspects quant à cette initiative, tant ce petit tableau (77x53cm) peint sur panneau de peuplier est très fragile et sensible aux altérations du temps. Il s’est même fissuré au niveau de l’oeil gauche, et est légèrement courbé. Le Louvre refuse même de le déplacer même au sein de ses murs puisque l’exposition consacrée à Vinci qui aura lieu l’an prochain se fera sans le plus célèbre tableau du maître. Il y a aussi des risques de vol de cette oeuvre estimée à 600 millions d’euros. Ce ne serait pas une première puisque, le tableau a déjà été volé au Louvre en 1911 par un Italien qui avait été arrêté en 1913 au moment où il tentait de la vendre à un collectionneur dans la ville de Florence. Lors de son dernier « voyage » en 1963 vers le Metropolitan Museum, sous l’impulsion de Jackie Kennedy les coûts d’assurances avaient atteint la somme astronomique de 80 millions d’euros ce qui est aujourd’hui encore un record.

Interrogée sur les réserves des conservateurs et des experts, la ministre a cependant rétorqué: « nous avons eu la même réaction quand on a proposé de sortir la tapisserie de Bayeux au moment où le musée serait en réfection ». L’Élysée a décidé de prêter cette tapisserie au Royaume-Uni en 2022 à l’occasion d’importants travaux de restauration du musée qui l’abrite.

Le maire de Lens (nord), où se trouve depuis 2012 une antenne du Louvre, s’est déjà dit candidat à l’accueil provisoire de la Joconde.

Un mystère

A l’instar de son auteur, génie de la Renaissance dont on sait peu de choses, l’histoire de La Joconde n’est pas simple : « ni l’identité du modèle, ni la commande du portrait, ni le temps pendant lequel Léonard y travailla, voire le conserva… ne sont des faits clairement établis », affirme Le Louvre.

Il s’agirait du portrait de Lisa Gherardini, épouse de Francesco del Giocondo, marchand d’étoffes florentin, dont le nom féminisé lui valut le « surnom » de Gioconda. Léonard l’aurait emporté avec lui en France. À sa mort, le tableau serait entré dans la collection de François Ier.

Il existe des oeuvres qui ne pourront jamais sortir de leur musée. On pense, notamment, à La jeune fille à la perle qui date de 1665 et a été peint par Johannes Vermeer. On peut l’admirer depuis 1902 à la Mauritshuis à La Haye. Mais il est beaucoup trop fragile que pour être déplacé. Il y a aussi Le David de Michelange. Cette oeuvre imposante qui date de 1504 trône depuis 1873 dans la Galleria dell’Accademia à Florence pour le protéger des intempéries. Des petites fissures aux chevilles font craindre qu’il puisse s’écrouler si on le bouge. Autre exemple: le Las Meninas de Diego Velásquez. Cette oeuvre de 1656 peut être admirée depuis 1819 dans le Prado à Madrid. Mais ce tableau est trop grand, trop fragile et trop précieux pour être déplacé.

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