La renaissance de l’ashram des Beatles (en images)

© AFP

C’est ici, dans ce qui était la retraite du sémillant gourou Maharishi Mahesh Yogi aujourd’hui colonisée par la jungle, qu’a été composée la majorité de l’Album Blanc, un des chefs d’oeuvre du plus célèbre groupe britannique du XXe siècle.

« Avant, les gens entraient en douce, ce qui pouvait être dangereux », se rappelle le journaliste Raju Gusain, qui a joué un grand rôle dans la réhabilitation, très partielle, du site de Rishikesh, ville verdoyante arrosée par le Gange au pied de l’Himalaya (nord).

« On pouvait y voir des traces de léopards et des bouses d’éléphants », poursuit-il. « Nous avons érigé une clôture pour tenir à l’écart les animaux de la réserve de tigres voisine. »

C’est en février 1968 que les Beatles vinrent dans ce coin reculé. Quelques mois plus tôt, ils avaient perdu leur emblématique manager Brian Epstein décédé d’une surdose de barbituriques et les tensions étaient palpables au sein du Fab Four.

Après avoir suivi à l’été 1967 une initiation à la méditation transcendentale au Pays de Galles, les quatre se laissent convaincre par Maharishi Mahesh Yogi (1917-2008) de le suivre avec leurs compagnes et d’autres dans sa retraite de Rishikesh.

– L’accouplement de deux singes –

Loin de l’Angleterre et de la vie accélérée à laquelle ne peuvent échapper ces stars planétaires, les Beatles parviennent dans la sérénité indienne à recoller les morceaux, lors d’une des phases les plus créatives de leur histoire artistique.

Près de 50 chansons y sont composées, parmi lesquelles « I’m So Tired » ou « The Continuing Story of Bungalow Bill ».

Le groupe est accompagné du musicien Donovan, de Mike Love des Beach Boys, de l’actrice Mia Farrow ou encore de la soeur cadette de cette dernière, la recluse Prudence.

Toute à sa méditation, cette dernière passe ses journées cloîtrée, suscitant l’inquiétude de ses acolytes, et donnant à John Lennon l’idée de sa chanson « Dear Prudence ».

La faune de Rishikesh aurait aussi inspiré à John « Everybody’s Got Something to Hide Except Me and My Monkey », où il serait aussi question de l’héroïne et de Yoko Ono.

En voyant deux singes s’accoupler dans la nature, Paul a lui eu l’idée du très efficace « Why Don’t We Do It in the Road » tandis que la présence de Mike Love contribue à la naissance de « Back in the USSR », pastiche de « California Girls » des Beach Boys.

A l’exception de Ringo Starr, dont l’estomac goûte peu la cuisine locale et qui ne reste que 10 jours, chaque membre du groupe apprécie cette bienvenue coupure indienne et les séances de méditation.

– « Comme une plume qui flottait » –

« Je me sentais comme une plume qui flottait au-dessus d’un tuyau d’air chaud », racontera plus tard Paul McCartney. « Je l’avais dit à Maharishi qui m’avait répondu, en pouffant: « +Oui, c’est bien!+ »

Ajit Singh, propriétaire d’un magasin de musique qui existe toujours dans la localité voisine de Dehradun, n’a rien oublié du séjour des Beatles, lui qui avait réparé la guitare de John et joué pour les 25 ans de George Harrison.

Ce monsieur de 86 ans a des étoiles dans les yeux à l’heure de se remémorer ce thé offert dans sa boutique en toute simplicité à ces stars.

« Ils étaient très polis, pas du tout hautains ou quoi », raconte-t-il. « Ca m’avait impressionné. Je dis toujours que c’était des gens bien. »

L’ambiance se tendit cependant au bout de quelque temps, en raison notamment de rumeurs d’avances sexuelles de Maharishi faites à Mia Farrow et son désir évident de faire de l’argent sur le dos de ses éminents élèves.

Paul partit au bout de cinq semaines, George et John après deux mois. Interrogé sur les raisons de ce départ par Maharishi, Lennon lui aurait répondu: « Vous devez le savoir si vous êtes si cosmique. »

En attendant, les Beatles ont indéniablement contribué à la célébrité de Rishikesh auprès des Occidentaux, et à la popularité de la méditation. Maharishi eut même les honneurs de la couverture de magazine Time.

– « Prudence est venue jouer » –

Son ashram continua de prospérer avant de décliner, puis d’être abandonné en 2001. Sous ces latitudes, la nature revint très vite, des morceaux de bâtiments furent dérobés et des graffitis apparurent.

L’endroit a cessé d’être négligé à partir de 2016 quand des passages ont été débroussaillés et certains bâtiments partiellement rénovés.

Il faut aujourd’hui payer une entrée -600 roupies (7,50 euros) pour les étrangers, 150 pour les Indiens- pour accéder au site qui compte un café, une petite exposition de photos et des panneaux d’information.

« Grand fan des Beatles », Atta Curemann, touriste américaine de 68 ans, espère que la réhabilitation du lieu n’ira pas plus loin.

« La première fois que nous sommes venus il y a quatre ou cinq ans, c’était abandonné et nous avons dû payer un bakchich pour entrer », raconte-t-elle à l’AFP. « Mais j’espère qu’ils ne rendront pas l’endroit trop mignon et parfait parce qu’on veut pouvoir sentir son histoire. »

Récemment, c’est Prudence elle-même qui est venue, raconte Raju Nautiyal, un ranger de la Rajasthan Tiger Reserve qui a aidé à l’aménagement du site.

« J’avais l’habitude de chanter +Dear Prudence+ et, un jour, Prudence est venue jouer », sourit-il dans un jeu de mot sur la première phrase de la chanson (« Dear prudence, won’t you come out to play »).

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