Lahore, l’ex-capitale moghole, se refait une beauté

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Juchés sur des échafaudages, des ouvriers restaurent avec soin une vaste mosaïque à l’entrée du vieux fort moghol de Lahore. Longtemps indifférente, la chaotique capitale culturelle du Pakistan s’est lancée dans une vaste entreprise de préservation de son patrimoine.

Pendant des siècles, cette ville d’aujourd’hui 11 millions d’habitants a vu se mêler des myriades de civilisations et fut un temps la capitale de l’empire moghol, qui s’étendait alors sur une grande partie du sous-continent.

« Lahore peut facilement rivaliser avec (la cité ouzbèke de) Samarcande. Elle atteint presque Ispahan » (en Iran) en termes de splendeur des monuments islamiques, estime la présidente du musée Guimet à Paris – consacré aux arts asiatiques – Sophie Makariou, rencontrée à Lahore lors d’une table ronde sur le patrimoine pakistanais.

« Mais à cause de la mauvaise réputation du Pakistan, elle demeure inconnue », souligne-t-elle, en allusion aux nombreux épisodes de violence et d’instabilité qui ont secoué le pays ces dernières décennies.

La vieille ville de Lahore, derrière ses remparts, abrite aussi bien des temples hindous que des gurdwaras (temples sikhs) ou encore des monuments moghols ou datant de l’ère coloniale britannique.

« Vous avez là 1.000 ans d’histoire, des maisons, des monuments, des mosquées et des sanctuaires qui en ont 500, et une atmosphère très paisible », souligne Kamran Lashari, directeur de l’Autorité en charge de la vieille ville de Lahore (WCLA).

Au premier rang des sites remarquables, le fort de Lahore, construit au XIe siècle, d’abord en pisé, puis renforcé, étendu et embelli au cours des siècles par une longue série d’empereurs moghols.

Mais le monument a depuis souffert d’années de négligence, de conflits, sans parler des ravages de la chaleur et de la mousson.

– Bijoux architecturaux –

La situation sécuritaire s’étant nettement améliorée ces dernières années au Pakistan, les autorités espèrent faire renaître la gloire passée de Lahore grâce à un projet de restauration des principaux bijoux architecturaux et artistiques de la vieille cité.

Plus de 40 experts, dont des ingénieurs, des architectes et des céramistes venus du monde entier, travaillent ainsi pour le compte de la WCLA à la restauration de la mosaïque géante du fort de Lahore.

On peut y voir de grandioses cérémonies et des batailles épiques: « C’est une des plus grandes représentations murales du monde. Elle contient plus de 600 panneaux de mosaïques et fresques », souligne Emaan Sheikh, du Fonds Agha Khan pour la Culture.

La réhabilitation de cette mosaïque s’inscrit dans un projet plus large de rénovation du fort, notamment des cuisines royales et du palais d’été, explique M. Lashari.

Des travaux similaires ont été conduits dans la célèbre mosquée Wazir Khan et au sein du magnifique hammam Shahi, un des derniers bains turcs du sous-continent, vieux d’environ 400 ans.

La fameuse Porte de Delhi, sous laquelle passaient jadis d’extravagantes processions mogholes venues de l’Orient, a également été restaurée, de même que des dizaines de maisons à caractère historique à l’intérieur des remparts.

Les participants au projet se veulent optimistes.

« Les villes les plus connues pour le tourisme comme Londres, Madrid, Istanbul ou Rome ont toutes des caractéristiques qu’on trouve à Lahore », souligne Ahmer Malik, chef du département du tourisme de la ville.

– ‘Disneyland’ –

D’autres sont pourtant moins convaincus. Kamil Khan Mumtaz, président d’une organisation de défense du patrimoine, la Lahore Conservation Society (LCS), redoute que le projet ne transforme la vieille ville en un « Disneyland » destiné à attirer les touristes.

« C’était une ville piétonne, créée selon un modèle d’avant la Révolution industrielle. Cela devrait être maintenu ainsi », déplore-t-il, plaidant pour l’instauration de zones piétonnes et l’emploi de matériaux de construction traditionnels.

Cette vision cadre mal avec les plans de modernisation de la ville, qui construit des ponts aériens pour réduire ses problèmes chroniques de circulation.

Lahore a été la première ville pakistanaise à inaugurer un « Metrobus », ligne de bus au tracé réservé. Une ligne de train urbain est en chantier, au risque de porter atteinte à l’héritage de la ville, selon ses détracteurs. Des projets de gratte-ciel et de centres commerciaux sont également annoncés.

La Lahore actuelle ne manque pourtant pas d’admirateurs, même si certains ne ménagent pas leurs critiques.

« Il y a des vieux bâtiments coloniaux magnifiques, datant de la période britannique, mais ils ne sont pas bien entretenus », regrette Usama Bilal, un touriste canadien qui en est à sa cinquième visite dans le pays. « Et il n’y a pas d’infrastructures construites pour les touristes », fait-il valoir.

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