Les îles de Raja Ampat, un paradis en sursis (en images)

© AFP

Les îles de Raja Ampat — qui signifie « les quatre rois » en indonésien — abritent 1.400 espèces de poissons et 600 variétés de coraux qui en font l’une des plus grandes biodiversité marine de la planète. Cet archipel de 1.500 îles souvent montagneuses situé en Papouasie occidentale (est), où se rencontrent les océans Indien et Pacifique, est une destination prisée des amateurs de plongée sous-marine. « C’est incroyable. Nous sommes allés sur des millions d’îles et je dirais que celle-ci est la plus belle », confie à l’AFP Angelika Redweik-Leung, une touriste canadienne de 51 ans, en contemplant la vue depuis un poste d’observation de l’île Pianemo.

Difficiles d’accès, ces îles lointaines aux 750 km de plage abritent pour le moment un nombre limité d’hôtels et de bungalows. Mais les intentions du gouvernement indonésien de faire de Raja Ampat un nouveau Bali — île la plus touristique de ce pays d’Asie du Sud-Est — inquiètent d’autant plus les habitants qu’ils se plaignent déjà de ne pas profiter des retombées du tourisme.

– Paquebots et dégâts

Pour attirer davantage de visiteurs, les autorités veulent accroître les liaisons aériennes et aménager un plus grand port pouvant accueillir des paquebots.

Aujourd’hui, le temps nécessaire pour rejoindre cet archipel d’îles éparpillées sur 67.000 kilomètres carrés au large de la Papouasie occidentale, des deux côtés de l’équateur, a de quoi dissuader bien des amateurs: depuis la capitale indonésienne Jakarta, il faut quatre heures d’avion pour rejoindre Sorong, où se trouve l’aéroport le plus proche, puis deux heures de bateau pour gagner Wasai, la capitale de l’archipel, et deux de plus pour une île de rêve…

Nombre d’habitants de cette province indonésienne s’inquiètent des menaces que fait peser le tourisme de masse sur les sites naturels de Raja Ampat.

En mars, un bateau de croisière appartenant à une société britannique a percuté des récifs coralliens uniques près de l’île de Kri, site de plongée mondialement connu, provoquant la colère des habitants. Le Caledonian Sky, un paquebot de 4.200 tonnes, avait heurté ces rochers pendant la marée basse.Bloqué dans les récifs, le bateau, qui transportait 102 passagers et 79 membres d’équipage, avait été remis à flot par un remorqueur avant de poursuivre sa croisière, laissant derrière lui des dégâts considérables: quelque 13.500 mètres carrés de récifs coralliens avaient été endommagés.

Leur restauration pourrait coûter plus de 15 millions d’euros, selon des experts locaux. La société exploitant le paquebot, Noble Caledonia, devrait être jugée prochainement en tant que personne morale par un tribunal de Papouasie.

– Exclus et ‘trahis’ –

Après cet accident, des itinéraires pour bateaux de croisière ont été établis afin de prévenir une nouvelle catastrophe. Mais de nombreux indigènes sont depuis devenus méfiants à l’égard du tourisme. Sur une île à deux heures de bateau de Waisai, des habitants expliquent à l’AFP ne rien tirer de l’arrivée de 15.000 touristes par an désormais, contre moins de 5.000 en 2010. Les villageois continuent de vivre dans des huttes sans électricité ni eau potable. Très loin du collège et du lycée de Waisai.

« Nous les indigènes, nous ne ressentons pas les effets du développement », déplore Paul Mayor, chef de la tribu des Byak Betew. Nombre d’entre eux s’estiment exclus. A leurs yeux, le tourisme ne fait que nuire à l’environnement. « Ils ont pris nos terres, notre eau, notre forêt. Nous nous sentons trahis », dit M. Mayor. La Papouasie occidentale, vaste région peu peuplée et riche en ressources naturelles, a été annexée en 1969 par l’Indonésie, à l’issue d’un conflit sanglant, après plus d’un siècle de colonisation néerlandaise.

– Revendications –

De nombreux Papous, peuple ancestral d’origine mélanésienne, réclament l’indépendance comme la Papouasie Nouvelle-Guinée, l’autre moitié de cette grande île qui l’a obtenue en 1975 après avoir été une colonie australienne.

Le président indonésien Joko Widodo a promis après son arrivée au pouvoir en 2014 d’accélérer le développement de la Papouasie, mais la tribu des Byak Betew voit peu de résultats.

Ses membres disent avoir besoin de communications par satellite, d’électricité, de meilleures infrastructures, et réclament le droit de gérer eux-mêmes leur région.

« Le gouvernement devrait avoir une approche basée sur nos besoins culturels, il devrait intervenir en écoutant les aspirations culturelles des habitants de la région », estime le chef de la tribu.

Au village, d’autres comme Medzke Karoswaf sont malgré tout favorables à l’afflux de touristes. « C’est un monde moderne. Nous ne pouvons pas vivre isolés comme dans une grotte. Nous devons avoir l’esprit ouvert. Qu’on le veuille ou non, nous ne vivons pas seuls dans ce monde. »

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