Paris perd son musée de l’Erotisme: ses collections coquines aux enchères

© AFP

Le Paris coquin dépérit. Alors que ses sex-shops sont remplacés par des bars bobo, l’unique musée français de l’Erotisme et des plaisirs charnels ferme ses portes et met aux enchères ses collections.

Godemichés du monde entier et de toutes les époques, chaises de plaisir, dessins et sculptures érotiques… Plus de 2.000 objets plus polissons les uns que les autres ont été vendus au plus offrant dimanche par la maison de vente Cornette de Saint Cyr.

Le clou de la vente, une imposante sculpture moderne en acier patiné de Rudolfo Buccacio représentant une femme en plein coït avec un robot, a été adjugée pour 38.160 euros. L’objet était estimé entre 7.000 et 8.000 euros. « De nombreuses personnes se sont déplacées dans l’espoir d’acquérir un souvenir de ce musée inoubliable », s’est réjoui Bertrand Cornette de Saint Cyr, commissaire-priseur de la vente, cité dans un communiqué de la maison.

Plus de 500 personnes étaient présentes dans la salle, tandis que 500 autres ont suivi les enchères par internet.

Une oeuvre de Salvador Dali, version en bas-relief de 1977 de sa toile de 1954 au titre évocateur de « Jeune Vierge autosodomisée par les cornes de sa propre chasteté », a été adjugée 20.608 euros, pour une estimation initiale de 2.000 à 3.000 euros.

Le tableau d’Alex Varenne « Les seins de Mona Lisa », qui figure une Joconde dénudée, est parti pour 13.524 euros, soit 9 à 13 fois la fourchette d’estimation.

Plusieurs dessins coquins ou provocateurs signés Wolinski, estimés entre 1.200 et 1.500 euros, ont trouvé preneur à des prix allant de 3.666 à 11.592 euros, ce dernier montant représentant un « record mondial » pour un dessin de l’artiste assassiné lors de l’attentat contre le journal satirique Charlie-Hebdo le 7 janvier 2015.

Ouvert en 1998 boulevard de Clichy, au coeur du quartier parisien de Pigalle, le Musée de l’Erotisme accueillait chaque année quelques dizaines de milliers de curieux.

Le propriétaire de l’immeuble a décidé de ne pas renouveler le bail et aucune solution viable ne s’est présentée pour réinstaller ailleurs cette institution muséale entièrement privée.

Fondé en 1998 au coeur du quartier le plus chaud de Paris, Pigalle, par deux amis Jo Khalifa et Alain Plumey, une ancienne star du porno, tous deux fascinés par l’érotisme et ses représentations artistiques, le musée de l’Erotisme accueillait chaque année quelques dizaines de milliers de curieux.

Le propriétaire de l’immeuble a décidé de ne pas renouveler le bail et aucune solution viable ne s’est présentée pour réinstaller ailleurs cette institution muséale entièrement privée, version parisienne d’autres musées érotiques de référence comme le Venustempel d’Amsterdam et le musée du sexe de New York.

« On n’a jamais été aidés, ni par l’État ni par la ville de Paris. Il faut dire qu’avec un tel sujet, on imagine mal des élus nous soutenir », souligne Jo Khalifa. « Et en France, la fréquentation touristique a vraiment baissé, y compris pour notre voisin Le Moulin Rouge. Il n’y avait pas de raison que nous soyons épargnés », ajoute-t-il, en référence à la baisse des visiteurs depuis les attentats de 2015.

Ses propriétaires, grands voyageurs, ont pendant trente ans constitué une collection internationale, mélange d’art populaire, sacré ou contemporain, qui sera donc dispersée dimanche.

Pour Maître Bertrand Cornette de Saint Cyr, chargé de la dispersion, « cette vente exceptionnelle offre un tour du monde de l’art érotique, un panorama unique des cultures et coutumes des peuples ».

« L’art érotique est un art populaire, et a toujours existé. Il a toujours été difficile à dénicher en raison de sa source d’inspiration au coeur de l’intime », explique-t-il à l’AFP.

Automate musical et robot

Cette collection « a été motivée par un grand souci esthétique et une originalité dans les représentations, les plus éclectiques possibles », ajoute le commissaire-priseur.

« Les représentations érotisantes sont très minoritaires dans les manifestations artistiques habituelles. Constituer une telle collection est très compliqué », insiste-t-il, très confiant au sujet de cette vente qui intéresse « un large spectre de clientèles ».

Parmi les lots proposés, beaucoup viennent d’Asie où l’érotisme peut parfois être considéré comme une philosophie. La plus ancienne oeuvre mise en vente est une plaque de marbre du XVIIIe siècle représentant Vishnu et provenant d’un temple tantrique.

Un kamasutra indien, des bronzes de Pathan (Tibet), une pipe phallique en bois sculpté provenant de Thaïlande, des représentations érotiques des sexes masculins et féminins d’Amérique latine sont aussi au catalogue, tout comme un automate musical français de la fin du 18e siècle, représentant deux personnages en plein acte sexuel.

De nombreux lots évoquent les maisons closes qui, en France, ont connu leur âge d’or à la fin du 19e siècle et jusqu’à leur fermeture en 1946. Un ensemble de documents sur la prostitution sera également dispersé, ainsi que des dessins coquins signés du caricaturiste Wolinski, ami du Musée de l’Erotisme.

Des chaises de plaisir sont estimées à partir de 1.000 euros. Des phallus en bronze ou en bois d’Afrique seront proposés en lots à partir de 500 euros, tandis que de nombreuses photographies de nus féminins et masculins sont estimés autour de 80 euros.

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