Prisée des touristes, Chypre lutte pour réduire ses déchets

Ayia Napa, Chypre. © Getty Images/iStockphoto

En plein soleil, sur une plage bondée de la station balnéaire d’Ayia Napa à Chypre, des touristes jettent des canettes dans des poubelles de tri. L’île méditerranéenne reçoit plus de visiteurs que jamais et cet afflux touristique l’a mise sous pression: elle doit développer le recyclage.

Chypre, considérée comme une destination sûre comparée à d’autres pays de la région, a enregistré 3,18 millions d’arrivées de touristes en 2016, un chiffre qui devrait augmenter de 8% cette année.

Pour les experts du tourisme et de l’environnement, c’est en grande partie ce boom touristique qui a généré l’accroissement des déchets. C’est « un grand défi pour l’île », reconnaît Panicos Michael, directeur de l’hôtel cinq étoiles Alion Beach. En 2013, 79% des déchets municipaux de Chypre ont fini à la décharge – le dernier chiffre disponible sur Eurostat -, un taux largement supérieur à la moyenne de l’UE qui était alors de 28%.

Aussi les autorités de ce pays membre de l’Union européenne depuis 2004 ont-elles multiplié, avec l’appui des professionnels du tourisme, les efforts pour réduire la part d’ordures terminant à la décharge. M. Michael, lui, a introduit le tri dès 2003 dans son hôtel et assure qu’il a depuis réduit de moitié son volume de déchets par client.

La ville d’Ayia Napa veut aller plus loin et compte lancer d’ici le printemps 2018 une collecte des déchets organiques dans les hôtels. Elle a aussi installé des bacs de recyclage dans les endroits prisés des touristes. « C’est une très bonne idée, car les ordures sont un problème mondial », estime Helen Mikhaylenko, vacancière russe de 23 ans, lunettes de soleil et bikini noir. « Les gens boivent beaucoup de bière et ils devraient trier » leurs canettes, dit-elle.

« Réduire, réutiliser, recycler »

Kyriakos Parpounas travaille chez Green Dot, qui gère environ la moitié du recyclage des déchets à Chypre, où résident 866.000 habitants permanents. Créée en 2005 en réponse à une loi de l’UE exigeant un meilleur tri, Green Dot a mené une série de campagnes scolaires et médiatiques encourageant les Chypriotes à « réduire, réutiliser et recycler ». Située dans une zone industrielle terne à la sortie de Nicosie, la capitale chypriote, Green Dot traite environ 12 tonnes de déchets par jour. Un homme enfourne dans un conteneur des pelletées de déchets qui sont ensuite transportés par tapis roulant dans un entrepôt. Près du tapis, une quinzaine de manutentionnaires trient à la main, séparant les bouteilles en plastique, les canettes et les cartons.

Prisée des touristes, Chypre lutte pour réduire ses déchets
© AFP

Selon le manageur de l’usine, Andreas Andreou, environ un cinquième des déchets qui arrivent doivent en fait être envoyés à la décharge car des éléments non recyclables s’y cachent. La veille, le cadavre d’un chien est même apparu sur le tapis roulant. « Nous sommes partis de zéro, il n’y avait pas d’infrastructure ni de culture du tri », justifie M. Parpounas devant l’une des deux usines de Green Dot.

Si la gestion des déchets a incontestablement été améliorée depuis une décennie, Chypre ne recycle toutefois aujourd’hui que 19% de ses détritus, loin derrière la moyenne de l’UE, qui est à 44%. L’île aura fort à faire pour atteindre l’objectif européen de recyclage de la moitié des déchets municipaux d’ici 2020 car « il nous manque nombre d’outils importants qui aideraient à créer une culture du recyclage », dit M. Parpounas.

« En retard »

Au moment de sa création, Green Dot avait présenté une liste de dix demandes au gouvernement. Douze ans plus tard, sept n’ont pas été remplies, souligne-t-il. L’organisme a notamment réclamé la mise en place d’un système de redevance proportionnée au volume ou au poids de déchets, pour inciter au recyclage, et la création d’une taxe sur les décharges. « Nous sommes en retard au niveau des comportements mais également parce que les infrastructures appropriées (au recyclage) ne sont pas en place », explique le directeur du département de l’Environnement, Costas Hadjipanayiotou.

Philippos Drousiotis, de la « Cyprus Sustainable Tourism Initiative », affirme que les hôtels comme leurs clients ont bien accueilli les efforts visant à limiter l’usage de bouteilles en plastique. Près d’une plage à Ayia Napa, la Russe Kate Tsurkanova dit sa satisfaction de pouvoir désormais faire le tri sur la plage. « C’est parfait. D’ailleurs, je viens juste de commencer à le faire chez moi, en Russie », note cette Moscovite. « J’aimerais qu’il y ait plus de poubelles comme ça partout. »

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