Un petit musée du Sud de la France victime d’une monumentale escroquerie et de dizaines de contrefaçons

Vue d'Elne par Étienne Terrus (1900). © Wikicommons

« C’est une catastrophe pour la municipalité », Yves Barniol le maire d’Elne, une petite commune du sud de la France, non loin de Perpignan, ne décolère pas depuis la découverte d’une monumentale escroquerie au détriment du musée de la ville.

La collection, entièrement consacrée à l’enfant du pays, le peintre « méditerranéiste » Étienne Terrus (1857-1922), était composée à 60% de faux tableaux, dessins ou aquarelles : 82 oeuvres sur les 140 de la collection.

Vendredi, c’est à bas bruit que ce village de 8.000 âmes a inauguré son musée entièrement rénové et désormais amputé de plus de la moitié de ses oeuvres.

« Étienne Terrus est le grand peintre d’Elne, il fait partie de la commune, c’est le peintre de chez nous », lance le maire.

Car si Terrus était « ami avec de nombreux artistes de renom » comme Henri Matisse ou André Derain, « il préféra se retrancher dans sa ville natale », après des études à Paris et « ne connaîtra pas le même succès que son ami et mentor Aristide Maillol sans doute à cause de son éloignement (de) Paris », explique sur son site la ville d’Elne.

C’est presque par hasard que le pot aux roses a été découvert. Depuis cinq ans, quelque 80 pièces ont été achetées pour enrichir la collection. « En 2013, la précédente équipe municipale avait acheté 16 oeuvres. En 2015, des associations locales ont acquis 47 oeuvres en lançant une souscription, auxquelles s’ajoute un leg de 13 pièces provenant de la collection privée d’Odette Traby, au décès de la fondatrice du musée », explique l’historien d’art et commissaire d’expositions, Éric Forcada.

M. Forcada a été missionné l’été dernier par la mairie pour réorganiser l’institution autour de ces nouvelles acquisitions provenant « majoritairement d’antiquaires » de la région. Dès le premier coup d’oeil, il se rend compte que la plupart sont des faux. « Sur un tableau, la signature à l’encre s’effaçait lorsque je passais dessus avec mon gant blanc ».

Il sonne l’alerte et demande la réunion d’un collège d’experts pour confirmer ces doutes. « Au niveau stylistique c’est grossier, des supports en coton ne correspondent pas aux toiles utilisées par Terrus et il y a parfois des anachronismes », explique-t-il.

Marché de l’art gangréné

« J’espère que l’enquête ira au bout. Nous, nous ne lâcherons pas. On va rechercher tous les éléments, les délibérations, les certificats qui nous permettront de remonter jusqu’aux faussaires », lâche le maire.

Début avril, la municipalité a décidé de porter plainte notamment pour faux, usage de faux, contrefaçons et escroqueries. Pour Éric Forcada, « tout le marché de l’art au niveau local est gangréné. Du vendeur à la sauvette qui démarche les collectionneurs privés jusqu’aux antiquaires, en passant par les salles des ventes », affirme-t-il.

Même si cette constatation vaut en dehors du département, l’historien d’art relève un « particularisme local » : « Il y a dans les Pyrénées-Orientales (le département) énormément de collectionneurs privés, avec un « narcissisme local » poussé, qui sont extrêmement attachés aux artistes locaux ».

Selon lui, les oeuvres d’Étienne Terrus pouvaient atteindre avant cette affaire, « entre 6.000 et 15.000 euros pour les tableaux et de 2.000 à 3.000 euros pour les dessins et aquarelles ».

La brigade de recherches de Perpignan a été chargée des investigations pour débusquer les faussaires et les intermédiaires peu scrupuleux qui ont écoulé toutes ces contrefaçons. « Ces dernières années, on a vu passer en salle des ventes des oeuvres hallucinantes, dont des « Terrus » », affirme encore M. Forcada, expliquant que le « défaut d’authentification » est souvent lié à l’absence d’ayants droit.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content