Bien cuisiner sans trop dépenser: 12 conseils simples et efficaces, tirés d’un best seller des années 1940

Eva Kestemont
Eva Kestemont Journaliste Knack Weekend

Avec des conseils comme « réservez un cinquième de votre budget alimentaire en gaz et électricité pour cuisiner votre repas », ce best-seller de 1942 est un ouvrage qui a très bien résisté à l’épreuve du temps. Voici douze conseils issus du livre « How to Cook a woolf » (Comment cuisiner un loup).

Ce livre a été écrit en 1942. Le monde est sous le joug d’une guerre dévastatrice et les pénuries sont légion. La vie est chère et les aliments frais sont rares. Les magazines de mode de vie regorgent de conseils sur la manière d’économiser de l’argent et de recettes qui sont à la fois roboratives et économiques. Le manque, la faim et le deuil sont partout. Et pourtant, au milieu de tout cela, un livre est publié qui célèbre la vie et place le plaisir au coeur de celle-ci. Ce livre s’intitule How to cook a woolf (Comment cuisiner un loup, un clin d’oeil à une faim de loup). L’écrivain américain M.F.K. Fisher en avait marre qu’on ne mette l’accent que sur le fait de garder serrer les cordons de leur bourse. Elle avait compris avant tout le monde que les réprimandes sont la dernière chose dont les personnes affamées ont besoin. Elle va donc donner à ses lecteurs de l’espoir, leur montrer que même dans des conditions difficiles, il est possible de se réunir autour d’une table et de vivre une expérience gastronomique.

Cela fait de ce livre bien plus que ce que nous entendons aujourd’hui par livre de cuisine. S’il contient diverses recettes – allant du très spartiate à quelques suggestions un peu plus luxueuses – c’est surtout un ouvrage destiné à donner un coup de fouet au citoyen ordinaire en temps de guerre. Bien que l’accent soit mis sur le plaisir de manger, même en période de difficultés, le livre se montre tout sauf naïf. Le chapitre « Comment rester en vie » révèle que Fisher a eu ses propres rencontres avec le fameux loup. Elle y présente sa propre tactique pour se débrouiller pendant une semaine avec cinquante centimes (aujourd’hui environ huit euros) et une recette pour ce qu’elle décrit elle-même comme « une bouillie que l’on peut manger froide sans trop souffrir ». Dans les moments les plus sombres de la Seconde Guerre mondiale, tout le monde disposait d’une recette aussi bon marché et nutritive, mais M. Fisher souligne qu’il ne faut les utiliser qu’en cas d’urgence absolue. Après tout, un être humain n’a pas seulement besoin de carburant.

Il est peut-être clair qu’aujourd’hui, même avec les évènements récents et la rareté imminente de certains produits, nous sommes encore loin de la situation qui a poussé Fisher à écrire. Pourtant, quatre-vingts ans après sa première publication, son livre contient toujours de précieuses leçons sur la façon de bien manger en temps de crise. Nous l’avons lu et avons retenu douze choses qui restent utiles encore aujourd’hui.

1. Investir dans de bons ustensiles de cuisine

Un certain nombre d’investissements intelligents réalisés à un moment où vous disposez d’une plus grande marge de manoeuvre financière seront rentables plus tard. Un bon autocuiseur, par exemple, peut réduire considérablement le temps de cuisson, ce qui permet d’économiser de l’électricité ou du gaz. Un plat au four est plus rapidement prêt (et le four énergivore peut donc être éteint plus rapidement) si vous le cuisinez dans plusieurs petits plats. La viande ou le poisson adhère moins à une bonne poêle, ce qui vous permet d’en manger davantage.

2. Faites votre propre pain

« Comment cuisiner un loup » est particulièrement pertinent maintenant que la paix qui régnait depuis longtemps sur notre continent a été rompue, mais il avait déjà connu un regain d’intérêt lors du premier confinement au début de pandémie. Son ton résolument vaillant et les tactiques pour trouver de la joie dans un repas quand on ne peut pas sortir de chez soi (à cause d’une alerte aérienne ou de virus volatile) y sont sans doute pour beaucoup. L’une des tactiques consiste à faire son propre pain. Ce n’est peut-être pas beaucoup moins cher que d’aller à la boulangerie (si vous pouvez résister au comptoir réfrigéré rempli de pâtisseries) et cela prend du temps, mais vous obtenez beaucoup en retour.

Bien cuisiner sans trop dépenser: 12 conseils simples et efficaces, tirés d'un best seller des années 1940
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Même si vous n’avez pas le temps, faites-le dit Fisher, car il n’y a pas de massage, pas de pratique de yoga, pas de méditation plus efficace pour chasser les mauvaises pensées de votre esprit que la cérémonie domestique de la cuisson du pain. (…) Il sentira et goûtera bien plus que ce que vous pouviez seulement imaginer, et vous aurez l’impression de renaître dans un monde plus beau que celui dans lequel vous vivez aujourd’hui.

3. Partagez ce que vous avez

Il n’est pas étonnant que de nombreux rituels religieux dans le monde impliquent le partage de la nourriture, selon l’auteur. Un repas qu’on partage est un moment comme suspendu, de plaisir conscient. Et il peut le rester, dit-elle, même lorsque la faim et la peur nous guettent. Dans le chapitre « Comment être joyeux tout en étant affamé », elle raconte l’histoire de Sue, une femme célibataire connue pour ses dîners uniques, malgré ses mauvaises conditions de vie. Ses repas étaient toujours éclairés par une seule bougie, car elle n’avait pas d’argent pour en acheter plus, et les plats étaient généralement composés d’herbes cueillies non loin de chez elle. Sue avait de nombreuses raisons de baisser les bras, mais ne l’a pas fait. Pour Fisher cette attitude est riche en enseignement, car elle illustre bien l’idée selon laquelle notre besoin de nourriture n’est pas qu’une obsession, mais un besoin qui doit être apprécié en tant que tel. De cette façon, elle a nourri plus que son corps.

4. Préparez vos propre repas

Aujourd’hui, la préparation des repas est un terme à la mode, mais en 1942, préparer plusieurs repas à la fois relevait du bon sens. Cuire deux fois plus de riz que nécessaire et en conserver la moitié pour le lendemain permet d’économiser sur sa facture énergétique. Et si vous allumez ce four énergivore pour rôtir des légumes, autant le remplir pour cuire d’autres légumes, des gâteaux ou du pain dur pour faire des croûtons.

5. Soyez malin avec la viande

La viande est rare en temps de guerre. En 1942, cependant, elle était encore considérée comme une source indispensable de nutriments (surtout pour les soldats, les malades ou les blessés), pour laquelle on n’hésitait pas économiser sur d’autres aliments pour la mettre au menu. Plutôt que d’en manger un peu tous les jours, Fisher conseille à ses lecteurs de ne pas manger de viande du tout pendant quelques jours pour pouvoir se permettre un bon morceau un ou deux jours par semaine.

Bien cuisiner sans trop dépenser: 12 conseils simples et efficaces, tirés d'un best seller des années 1940
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« En rationnant sur la fréquence, j’ai presque l’assurance d’au moins un bon repas et même d’être dans une période d’abondance. » Comme choix de viande, elle suggère un rôti, car vous pouvez le manger avec toute une famille pendant plusieurs jours. Les morceaux de moindre valeur, comme les intestins, peuvent également constituer un choix intéressant tant sur le plan économique que culinaire.

6. Il y a toujours des pommes de terre

Même en période d’incertitude, il existe des certitudes. La première est que les pommes de terre sont bon marché, généralement disponibles partout et très polyvalentes dans la cuisine. Il existe de nombreuses façons de les préparer : vous pouvez les faire bouillir, les faire rôtir au four, les faire frire et les faire cuire comme des röstis. Elles peuvent constituer la base d’une salade, un plat d’accompagnement avec de la viande et des légumes, ou briller seuls dans une soupe nourrissante. Il en va de même pour les autres sources de féculent comme le riz, les pâtes ou la polenta. Autant d’ingrédients qui sont faciles à préparer et très polyvalents. « Ils peuvent être préparés même lorsque l’heure est grave, mais ils constituent un repas tout aussi bon les jours plus simples », écrit Fisher. « Leur simplicité fondamentale survit à tout et rassure nos estomacs et nos âmes comme un matin chaud de printemps ».

7. Tout le monde mérite un dessert de temps en temps

Fisher ne se présente pas comme une grande amatrice de sucreries, mais elle sait qu’un bon dessert peut apporter beaucoup de réconfort. Malheureusement, en 1942, il y avait une pénurie importante de presque tous les produits de base dont on a besoin pour la pâtisserie. Les oeufs frais et le beurre sont rares, tout comme l’énergie (gaz ou autre) nécessaire pour les temps de cuisson souvent longs. C’est pourquoi elle propose des recettes qui les contournent, comme ce surprenant gâteau à la soupe de tomates et dont voici la recette.

  • 3 cuillères à soupe de beurre (ou d’une autre matière grasse)
  • 1 tasse de sucre
  • 1 boîte de soupe aux tomates
  • 2 tasses de farine
  • 1 tasse 1/2 de raisins secs, de noix hachées, de figues ou de tout ce que vous aimez
  • 1 cuillère à café de soda
  • 1 cuillère à café de cannelle
  • 1 cuillère à café de noix de muscade, gingembre, clous de girofle

Battez fermement le beurre et le sucre ensemble. Ajoutez le carbonate de sodium à la soupe, puis incorporez le premier mélange. Ajoutez la farine et les épices. Remuez bien et faites cuire à 160°C, une température à laquelle vous pouvez également cuire facilement des légumes.

8. Faire plus avec moins

En cuisine, il est primordial de faire à ce que Fisher appelle le « bon sens ». Jeter (ou devoir jeter) quelque chose de comestible est du gaspillage. Egouttez la graisse du bacon frit, par exemple, et gardez-la pour faire frire autre chose plus tard. Gardez votre réfrigérateur propre et sans glace, afin de ne pas avoir à jeter des aliments devenus sales et de ne pas consommer inutilement beaucoup d’énergie. Ne vous contentez pas de jeter l’eau de cuisson des pâtes, mais récupérez-la, enrichissez-la de quelques légumes supplémentaires et d’un cube de bouillon et utilisez-la comme base pour une soupe nutritive.

9. Légumes

Les légumes sont sains et bon marché, mais ils sont souvent préparés d’une manière malheureusement peu inspirante. C’était le cas en 1942 et c’est toujours le cas aujourd’hui. Pourtant, la solution est souvent évidente, et elle est aussi bonne pour le portefeuille : « Aucun légume n’a besoin d’être cuit aussi longtemps que vous le pensez », dit-on.

De plus, beaucoup de choses sont gaspillées. Fisher conseille comme pour les pâtes ou le riz de ne jamais verser l’eau de cuisson des légumes (« et en utiliser toujours aussi peu que possible »), mais de s’en servir comme base pour une sauce ou une soupe. Nous ajoutons à cela qu’il y a plus de comestibles dans les légumes qu’on ne le pense : la tige d’un brocoli ou d’un chou-fleur, si elle est bien épluchée, fait des merveilles dans un ragoût ou une soupe, les feuilles des radis sont délicieuses dans une salade, les fanes des carottes combinées avec des noix font un délicieux pesto. Cela vaut souvent la peine de partir à la découverte des nombreuses possibilités.

10. Revaloriser les conserves

Les aliments en conserve ont une réputation douteuse (même en 1942), mais elle n’est pas toujours justifiée. Il peut être un excellent point de départ pour un repas décent pour ceux qui n’ont pas peur d’expérimenter. Selon Fisher, la soupe de poulet et le jus de tomate sont une bonne combinaison, « et c’est encore meilleur si vous ajoutez un peu de jus de citron et de fromage râpé ».

Les boîtes de conserve peuvent également constituer une solution intéressante pour les poissons. En 1942, les camions frigorifiques utilisés pour transporter cette nourriture rapidement périssable ont été réquisitionnés par l’armée et les hôpitaux, de sorte que tous ceux qui voulaient manger du poisson de temps en temps devaient se contenter de boîtes de conserve. Un choix culinaire parfaitement défendable, selon Fisher, si vous gardez à l’esprit, au moment de cuisiner, que le poisson en conserve a une odeur et un goût plus prononcés que le poisson frais et qu’il est déjà cuit, de sorte que vous ne pouvez l’ajouter qu’en fin de cuisson.

11. Apprendre à cuire un oeuf

En raison de leur fragilité, les oeufs étaient difficiles à trouver et chers pendant la Seconde Guerre mondiale, mais selon Fisher, il était toujours judicieux de les mettre au menu de temps en temps pour remplacer la viande. Si, aujourd’hui, sa suggestion que la façon la plus saine de manger un oeuf soit de le manger (aussi) cru (que possible) peut sembler un peu étrange, elle donne quelques façons intéressantes de le cuire d’une manière économiquement responsable.

Elle met les oeufs dans une casserole avec de l’eau froide, qu’elle fait chauffer à feu vif. Dès que des bulles apparaissent dans l’eau, ils sont cuits à point. Pour un oeuf dur, elle éteint le feu au même moment, mais elle laisse les oeufs dans l’eau jusqu’à ce qu’elle ait refroidi. La technique que nous connaissons aujourd’hui principalement grâce au shakshuka – soit casser un oeuf au-dessus d’une sauce frémissante pour le cuire – permet également de réaliser des économies d’énergie.

12. Ne pas trop engranger

« Les guerres ont fait vivre les gens comme des rats, des loups ou des poux, mais jamais comme des vers de terre », écrit Fisher. En 1942, si les gens se réfugiaient régulièrement dans les sous-sols ou restaient pendant des jours dans la sécurité relative de leur maison, ils refaisaient toujours surface et pouvaient se réapprovisionner. Par conséquent, selon Fisher, il n’est pas nécessaire de stocker des quantités déraisonnables de nourriture. Ce qui est intelligent, en revanche, c’est de conserver un petit stock de produits qui ont une longue durée de vie pour pouvoir survivre pendant quelques jours. Ici aussi, on peut penser au coeur, plutôt qu’à l’estomac : « si vous avez l’habitude de boire, il est bon d’avoir quelque chose dans le placard ». Un verre à la main, le ciel semble tout de suite moins menaçant. »

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