Les recettes de cocktails de Matthieu Chaumont (Hortense) pour faire durer l’été

Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

En manque de breuvages pour siroter l’été ? Matthieu Chaumont, du bar bruxellois Hortense, nous livre trois variations aussi fraîches qu’exclusives, avec parfum de Polynésie en prime.

Matthieu Chaumont de chez Hortense
Matthieu Chaumont de chez Hortense© Frederic Raevens

Cela fait un moment que la culture Tiki a débarqué sous nos latitudes. Jamais entendu parler ? C’est l’histoire d’une fascination, celle qu’a éprouvée, entre 1920 et 1960, l’Amérique puritaine pour la culture polynésienne. Vahinés aux seins nus, dieux farceurs, fantasme d’une harmonie entre l’homme et la nature au son de l’ukulélé… Tels sont les éléments qui ont donné naissance à cet engouement, dont le nom fait référence à l’ancêtre mi-humain mi-divin qui fut le premier homme dans la mythologie océanique. Cette culture populaire de l' » éden tropical à portée de main  » s’est traduite par l’émergence d’une esthétique facilement reconnaissable : meubles en bambou, simulateurs d’orage et de pluie tropicale, chemise hawaïenne, volcans en céramique et autres cendriers en noix de coco. Curateur d’une exposition au Musée du Quai Branly, à Paris, en 2014, l’Allemand Sven Kirsten compte parmi ceux qui ont le mieux rendu compte du phénomène. Evoquant les USA de l’après-guerre, il explique :  » A tous égards, l’Américain des classes moyennes ne manquait de rien à cette époque. Nourriture, maison, famille, argent : il avait tout. Et il était stressé. La rigoureuse morale de travail qui lui permettait de « vivre bien » engendrait aussi le besoin de décompresser, de se décharger de ses responsabilités et des attentes de la société, ne fût-ce que pour un soir. En quête d’exutoire, les gens se réfugièrent dans l’antithèse du monde moderne : le fantasme de la vie insouciante des îles des Mers du Sud. Celui d’un retour au paradis où la figure Tiki incarnait les désirs secrets de l’homme, d’un retour à la vie primitive où tout était simple et l’amour dégagé de toute contrainte. »

 » LE TEMPS D’EN BOIRE UN, ON EST EN VACANCES… ET C’EST NETTEMENT MOINS CHER QU’UN BILLET D’AVION.  »

COMPOS SECRÈTES

Depuis quelques années, une série d’enseignes à travers le monde, d’Oslo à Tokyo, en passant par Londres, revisitent cette influence.  » L’homme qui a donné son lexique et sa grammaire au genre est Ernest Raymond Beaumont Gantt, mieux connu sous le nom de Don the Beachcomber, explique Matthieu Chaumont du bar à cocktails bruxellois Hortense. A partir des années 30, il a ouvert une série de bars, de restaurants et de clubs axés sur la culture polynésienne. A son apogée, son empire comptait seize établissements, il avait même ouvert un village typique en Californie qui était fréquenté par de nombreuses stars de Hollywood. Il y avait une telle effervescence à l’époque que l’on protégeait bec et ongles les recettes. Celles-ci étaient volontairement sophistiquées pour qu’elles soient difficiles à recréer. Pire, les barmans qui travaillaient sur place n’avaient aucune marge de manoeuvre. Ils disposaient de bouteilles opaques dans lesquelles se trouvaient des alcools et des mélanges inconnus. On leur disait :  » Tu mets deux doses de la bouteille numéro 1, trois de la bouteille 2, etc.  » De cette façon, les propriétaires de bars étaient certains que personne ne déroberait leurs secrets de fabrication. C’est ce qui explique pourquoi beaucoup de préparations se sont perdues et pourquoi il existe aujourd’hui de nombreuses variantes des classiques du Tiki, par exemple le Mai Tai ou le Zombie. Les concurrents se livraient à une sorte d’espionnage industriel en tentant de reproduire avec plus ou moins de réussite les breuvages dans leurs établissements.  »

Cette tradition a-t-elle toujours du sens aujourd’hui ?  » Sans hésiter, répond Matthieu Chaumont. Il y en a toujours un à notre carte. Les barmans les affectionnent en ce qu’ils affichent plusieurs niveaux de lecture. Ils sont à la fois très sophistiqués et, vu leur côté frais, très abordables pour le grand public. La différence par rapport au Tiki historique, c’est qu’actuellement on fait davantage attention aux saisons. On se permet de les revisiter en étant attentifs à cela et en évitant les détails trop kitsch comme les petits parasols. La base de ces boissons est assurée par les rhums, les jus de fruits et les épices. Ces ingrédients fonctionnent à merveille pour dessiner des verres évasions. Le temps d’en boire un, on est en vacances, sur une plage… et c’est nettement moins cher qu’un billet d’avion.  »

Hortense, 7, rue des Sablons, à 1000 Bruxelles.

Les alcools mentionnés peuvent se trouver ou être commandés chez Mig’s World Wine, 43, chaussée de Charleroi, à 1060 Bruxelles. www.migsworldwines.be

Hawaiian punch

Les recettes de cocktails de Matthieu Chaumont (Hortense) pour faire durer l'été
© Frederic Raevens
2 cl de jus de pamplemousse, 2 cl de jus de citron jaune, 2 cl de Cointreau, 2 cl de Ceylon Arrack (un alcool de fleurs de cocotier) ou à défaut du rhum blanc, 4 cl de bourbon Michter’s, 1 trait de Creole Bitter de The Bitter Truth (facultatif), 1 cl de sirop de poivre de Madagascar.

Pour le sirop : 1 verre (30 cl) d’eau, 1 verre (30 cl) de sucre, 3 c à s de poivre de Madagascar.

Pour la décoration : 1 tranche d’orange séchée au four, 1 tranche de pamplemousse frais, 1 trait de Creole Bitter (facultatif également), 1 brin de menthe.

Poêler le poivre pour en exhaler les arômes. Réaliser le sirop en faisant chauffer l’eau, le poivre et le sucre, jusqu’à ce que ce dernier soit fondu. Les proportions mentionnées sont excédentaires mais le sirop peut se garder un mois au frigo.

Verser tous les ingrédients dans le shaker avec éventuellement un trait de Creole Bitter. Ajouter de la glace pilée. Secouer énergiquement. Verser dans un verre (Matthieu Chaumont utilise une tasse émaillée). Remplir le contenant de glace pilée jusqu’à ras bord. Ajouter la décoration avec éventuellement un trait de Creole Bitter. Râper éventuellement du zeste de pamplemousse pour ajouter de la saveur à l’ensemble (à l’aide d’une râpe de la marque Microplane).

Bon à savoir : le fait de remplir le verre de glace pilée permet d’avoir une évolution du cocktail dans le temps. Au début, il est concentré et grisant. Au fil des minutes, il se dilue pour un effet de fraîcheur maximale.

Tiki au Sablon

Les recettes de cocktails de Matthieu Chaumont (Hortense) pour faire durer l'été
© Frederic Raevens
1 cl de jus de citron jaune, 1 cl de jus de citron vert, 2 cl de Sherry Fino Domecq, 2 cl de rhum blanc caribéen (idéalement New Grove, Old Nick), 3 cl de rhum Plantation de la Jamaïque, quelques feuilles de basilic, 2 cl de sirop de cacao.

Pour le sirop : 1 verre (30 cl) d’eau, 1 verre (30 cl) de sucre, 3 c à s de poudre de cacao amer (Patrick Roger).

Pour la décoration : 1 pincée de poudre de cacao (Patrick Roger), 1 long zeste de citron jaune, quelques feuilles de basilic.

Réaliser le sirop de poudre de cacao en faisant chauffer l’eau, le cacao et le sucre, jusqu’à ce que ce dernier soit fondu. Les proportions mentionnées sont excédentaires mais le sirop peut se garder un mois au frigo.

Verser tous les ingrédients dans le shaker. Ajouter des glaçons. Secouer énergiquement. Verser dans un verre (Matthieu Chaumont utilise un mug Tiki) en filtrant afin d’éviter la présence de basilic. Remplir le contenant de glace pilée jusqu’à ras bord. Ajouter la décoration.

Pour la petite histoire : l’idée de ce cocktail a été inspirée à Matthieu Chaumont par une praline basilic-citron. Elle témoigne d’un bel accord entre le basilic et l’amertume du cacao.

Serra Grande

Les recettes de cocktails de Matthieu Chaumont (Hortense) pour faire durer l'été
© Frederic Raevens
4 cl de cachaça (de préférence en provenance de la Fazenda Serra Grande), 2 cl de liqueur de bourbon à la cerise (Evan Williams), 1 cl de sirop d’orgeat, 2 cl de citron vert, 4-5 cl de ginger beer, glace pilée.

Pour la décoration : 1 tranche de gingembre frais, 1 tranche de citron vert frais ou séché au four, 1 cerise au marasquin.

Mettre tous les ingrédients dans un shaker. Ajouter de la glace pilée. Secouer énergiquement. Verser dans un verre (Matthieu Chaumont utilise un photophore). Remplir le verre de glace pilée jusqu’à ras bord. Ajouter la décoration.

Astuce : Matthieu Chaumont conseille d’utiliser du ginger beer de la marque Thomas Henry dans la mesure où celui confèrera un goût moins agricole, voire terreux, que celui de la marque Fever Tree.

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