« Nous vivons dans une soupe chimique et c’est bien ça le problème »

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Isabelle Willot

Pour Candice Colin, fondatrice du site et de l’application Clean Beauty, le danger ne provient pas tant de la présence d’un ingrédient controversé dans un cosmétique en particulier que des expositions cumulées à cet ingrédient dans toute une série de produits de la vie courante.

Comprenez-vous les critiques que font les acteurs traditionnels de la cosmétique aux applications comme la vôtre qui mettent à l’index des ingrédients pourtant autorisés par la législation?

Je peux les entendre en tout cas. Car tous les produits cosmétiques sont formulés dans les règles fixées par l’Union européenne qui dispose de la législation la plus sévère au monde. Pris séparément, ils ne posent aucun problème, car le souci ce n’est pas le produit justement. Mais l’ingrédient dont la toxicité est avérée et que l’on est pourtant en droit d’utiliser en dessous d’une certaine concentration. Le vrai problème, c’est l’exposome! Autrement dit la multiplication des rencontres avec cet ingrédient depuis le vie foetale jusqu’à la mort. Car cet ingrédient peut potentiellement se retrouver aussi dans tout un tas de produit du quotidien, de l’alimentaire, aux produits ménagers en passant par les peintures et les meubles qui vous entourent…

Ce que vous appelez la « soupe chimique »…

Exactement! Les cosmétiques ne sont qu’un aspect d’un problème bien plus vaste. C’est pour cette raison que notre application ne note pas les produits: elle se contente d’identifier les ingrédients controversés. Notre but c’est de permettre à la consommatrice de faire des choix éclairés : penser que l’on peut totalement s’en extraire est totalement illusoire. Dans le cas des cosmétiques, nous avons la chance d’avoir accès à ce que l’on appelle la liste INCI qui détaille tous les ingrédients contenus dans le produit. C’est en apparence transparent… mais en pratique illisible pour le non spécialiste. les apps sont là justement pour aider à y voir plus clair.

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Sur l’idée même de toxicité, tout le monde n’est pas d’accord : certains ingrédients naturels comme les huiles essentielles par exemple sont vantés par les uns et décriés par les autres. Difficile dans ce cas de s’y retrouver, vous ne pensez pas?

La nature est aussi pourvoyeuse de poisons! Et de perturbateurs endocriniens. Je m’en tiendrai aux lois de la chimie qui disent que la dose fait le poison. Les marques de cosmétiques aiment faire valider leurs études par des dermatologues. Mais elles demandent rarement l’avis des gynécos, des endocrinos…. Il ne faut pas confondre irritation et toxicité à long terme ! Car la première se voit tout de suite ! Notre combat n’est pas tant contre les irritants ou les allergisants que la toxicité larvée justement.

Mais sur l’envie d’une beauté plus respectueuse de l’environnement, ne peut-on pas imaginer que se forme un consensus?

Totalement! Car le consommateur aussi est de plus en plus conscient de ces enjeux qui dépassent la simple formule. Il regarde toute une série de critères. Le packaging bien sûr mais aussi les conditions de production. La naturalité ne peut pas être une fin en soi si en passant au 100% naturel on finit par détruire ce que l’on cherchait à la base à protéger. Toute une série de produits ne pourront sans doute jamais être totalement vertueux: je pense aux teintures capillaires ou aux vernis, au maquillage en général. Libre à chacun de les utiliser ou non.

La clean beauty n’a-t-elle pas tendance à opposer systématiquement les « grandes marques » et les nouveaux acteurs prétendument plus vertueux?

Il faut aussi se méfier de l’idée qui voudrait que plus on est gros plus on est polluant. Il n’y a pas de volonté des industriels de la cosmétique d’empoissonner leurs consommateurs! Au contraire. Il y a une volonté de bien faire. Mais dans cette course à la transparence, il y a une prime aux indie brands : on aura tendance à croire une jeune fondatrice qui raconte une belle histoire. Même si la réalité du produit est toute autre. Les grands groupes font des choses dans les règles. Il faut aussi le dire. Il faut plus de rationalité dans tout ça. Pour eux, s’adapter à ces nouvelles exigences est un enjeu industriel de croissance. Voire de survie.

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